Médecins de la Grande Guerre

Biographie des brancardiers issus du séminaire de Tournai

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Cette biographie est extraite du livre  : "Sous le signe de la Croix-Rouge, journal d'un brancardier de la Grande Guerre", pages 205 à 210, Hervé Lesceux, Édition Hubert Macq, Chimay, 1961.

Soixante jeunes gens quittèrent le séminaire de Tournai pour l'armée, lorsque le pays réclama en 1914 leur coopération à l'œuvre du salut commun. Sur ces soixante jeunes gens, onze ne sont pas revenus. Onze, les deux dixièmes du nombre total des partants: soit deux fois plus de pertes  en proportion que  les autres séminaires et l'ensemble de l'armée belge.


Monsieur l'abbé Joseph Gilman
Monsieur l'abbé Charles Mathurin
Monsieur l'abbé Joseph Verriest
Monsieur Raoul Delmotte
Monsieur l'abbé Edgard Wademant
Monsieur l'abbé Armand Colson
Monsieur l'abbé Jules Longerstay
Monsieur l'abbé Florent Collin
Monsieur l'abbé Léonce Delaunoy
Monsieur l'abbé Alfred Prévost
Monsieur l'abbé Jean Agache
Monsieur l'abbé Louis Berlier
Monsieur l'abbé Georges Watteau

Monsieur l'abbé Joseph Gilman

Il montra la route du sacrifice. C'était le 27 septembre 1914, un dimanche après-midi. Une voiture d'ambulance devait aller relever les blessés aux premières lignes qui, à ce moment, arrêtaient l'ennemi devant anvers. L'abbé Gilman se mit de l'expédition.

 On revenait déjà lorsque, vers Buggenhout, la voiture d'ambulance se trouva prise dans un remous des lignes de tirailleurs allemands. Ceux-ci tirèrent, en feux de salve, de très près sur les ambulanciers et les blessés. Joseph fut atteint gravement de plusieurs balles, et mourut le lendemain à l'hôpital d'Ixelles.

Monsieur l'abbé Charles Mathurin

Nous évoquons l'image familière d'un grand jeune homme, la démarche grave et distinguée, le front calme, les yeux gais, la bouche souriante. Il fut donc un soldat modèle. Il se trouvait  aux premières tranchées, du 23 au 30 octobre, devant Stuyvekenskerke, aux jours épiques de l'Yser. A un moment donné, la fatigue exagérée de son service fit céder le bandage herniaire qu'il portait. Néanmoins, chaque fois que le médecin criait: "un brancardier! " l'abbé Mathurin continuait à se présenter avant les autres. Le 11 novembre, sa compagnie alla soutenir, sur la route d' Oudebareel à Oudecapelle, les fusillers marins. Aucune phalange plus héroïque que celle-là : on était avec elle pour tenir, tenir encore, et mourir. Charles, frappé d'un éclat d'obus à la tête, tomba. Il mourut sans une plainte, sans quitter son sourire.

Monsieur l'abbé Joseph Verriest

Avec presque tous ses compagnons de séminaire, il prit part aux opérations de campagne de la 5°division d'armée. Sa santé, déjà ébranlée, soutint mal des fatigues extrêmes. Le 8 février 1915, à la suite  d'une crise plus forte du mal qui le minait inexorablement, il fut évacué, comme typhique, sur l'hôpital Saint-Pierre à Calais .C'est là qu'il mourut: lorsque le médecin eut cédé, à son chevet, la place à l'aumônier militaire, Joseph baisa avec amour, une dernière fois le crucifix qu'on lui tendait, et reçut l'absolution du Tiers-Ordre de Saint-François. Un de ses amis du séminaire, l'abbé Jules Chavalle, qui l'assistait, et la sœur de charité commencèrent les prières des agonisants. Il s'éteignit ainsi, pieusement, loin de la gloire du canon qui tonne et rend aux soldats mourants les derniers hommages.

Monsieur Raoul Delmotte,

Étudiant en philosophie au petit séminaire de Bonne- Espérance. Blessé en  première ligne à Dixmude, en mars 1915, il comprit qu'il n'avait plus qu'à se préparer à la mort. La visite de notre reine adoucit un jour les longueurs de l'attente: "C'est, Madame, lui dit-il, un grand honneur que vous faites à un pauvre brancardier avant qu'il meure! " Il demanda deux fois les prières des agonisants et mourut à Alveringhem, le 24 mars.

Monsieur l'abbé Edgard Wademant,

Décoré de la crois de guerre. Nous l'avions connu deux ans, joyeux et bon, né, nous semblait-il pour la paix du séminaire, et la paix plus longue d'une vie que ses vertus et son intelligence rendraient très féconde. Le bruit de la guerre l'éveilla de son rêve de lévite. Dès lors, un homme nouveau se révéla en lui : ses amis croient qu'il eut de suite l'intuition de sa fin et qu'il se recueillit désormais en Dieu, pur s'y préparer. L'avant-veille de la fête du Sacré-Coeur, il reçut l'ordre d'aller occuper pour la première fois son poste aux tranchées avancées. Il sut que l'heure était venue, mais il obéit! Il offrit à Dieu, d'un seul coup, toutes ses énergies et toutes ses vertus. Une mitrailleuse balayait la voie d'accès aux postes d'observation: le colonel du 3° Chasseur y est mortellement blessé: l'aumônier se précipite et est tué sur place ; le brancardier Wademant s'élance et deux balles de la fatale mitrailleuse l'atteignent au cou et le frappent à mort. L'amour de Jésus le reçut au ciel dans les triomphes de sa fête.

Monsieur l'abbé Armand Colson.

Il s'engagea comme sous-officier brancardier au Congo. Peu après son arrivée il fut pris des fièvres tropicales et se mourait à l'hôpital de Tabora, en octobre 1916, assisté dans ses derniers moments par un Père Blanc d'Afrique

Monsieur l'abbé Jules Longerstay

Décoré de la croix de guerre, chevalier de l' Ordre de Léopold II. Ce brave tout au début des opérations, avait été cité deux fois à l'ordre du jour et décoré. En mars 1917, il se trouvait dans le secteur réputé dangereux de Rijkenhoek, au front de Ramscapelle, dans les postes avancés, quand un obus l'atteignit et le tua sur  le coup.

Monsieur l'abbé Florent Collin

Étudiant en philosophie, caporal-brancardier à la 1° division d'armée. Décoré de la croix de guerre, de la croix militaire et de la croix de saint Georges. Avec ce brancardier d'élite, nous commençons le martyrologe de la dernière offensive. Les Belges, laissés à eux-mêmes, reprenaient fiévreusement, lambeau par lambeau, leur territoire. Mois glorieux et sanglants à la fois, qui nous coûtent bien des larmes. M. Florent Collin tombait au champ d'honneur, à la bataille trop connue d' Houthulst, le 1° octobre 1918. N'écoutant que son cœur, il avait voulu aller relever des blessés, au milieu d'un bombardement intense, alors que son commandant, voyant le danger, aurait préféré le retenir. Il fut blessé mortellement d'un éclat d'obus: son aumônier eut à peine le temps de se précipiter et de lui administrer l'Extrême-onction qu'il rendait le dernier soupir.

Monsieur l'abbé Léonce Delaunoy

Décoré de la croix de guerre, chevalier de l'Ordre de Léopold II, tué le 15 octobre 1918. Quelques lettres, une page de carnet qui nous furent communiquées par une sœur pieusement fidèle au souvenir du défunt, nous ont permis de connaître ce que fut la vie intime de ce jeune brancardier au front. L'histoire des derniers mois de sa vie est celle d'une montée continue vers la perfection. Toute vie, digne de Dieu et de la Patrie, doit être une ascension : mais en écoutant palpiter les âmes de ceux que Dieu appela à Lui prématurément, nous constatons, avec une joie étonnée, qu'il achève hâtivement, par la souffrance et la mort acceptées, par le dévouement de tous les jours, cette éducation du sérieux de la vie, ce contact, cette ressemblance avec Lui qui constitue la perfection chrétienne, le plus haut point où l'homme puisse atteindre.

Monsieur l'abbé Alfred Prévost

Décoré de la Croix de guerre, chevalier de l'ordre de Léopold II. L'adjudant de son peloton venait de tomber à un endroit à découvert, battu par les mitrailleuses. Il était vers deux heures après-midi. Le sergent-brancardier s'apprêtait, avec un autre brancardier et l'abbé Prévost, à porter secours à leur chef, mais le brancardier séminariste préféra courir seul le danger. "Ne venez pas, leur dit-il simplement, car si nous y allons à trois, nous y resterons à trois". Bien qu'il portât fort visiblement le brassard, on tira sur lui, il fut cruellement blessé à la cuisse, et l'amputation très douloureuse qu'il subit ne retarda pas sa mort. Il alla fêter au ciel la toussaint.

Monsieur l'abbé Jean Agache

Décoré de la croix de guerre, chevalier de l'Ordre de Léopold II. Le jeune brancardier, comme toujours, animait les hommes, dans la furieuse ruée à travers les lignes allemandes que fut la dernière offensive belge, quand une balle de mitrailleuse le toucha et lui perfora le larynx. Frappé à mort, il eut le geste et l'inspiration des vrais chefs: " Je ne suis que blessé" disait-il en souriant, et, sur un brancard qui l'emportait, il se redressait pour donner confiance.

Nous devons encore citer deux noms, qui ont droit aussi à notre respect:

Monsieur l'abbé Louis Berlier

Fut pris comme otage par les troupes allemandes dans l'Entre-Sambre-et-Meuse. On était à l'aube du lundi 24 août 1914, une journée radieuse de soleil. De Biesme, son village natal, jusqu'à Oret, l'abbé Berlier fit une route de calvaire de plus d'une lieue. Deux coups de revolver qui lui furent tirés, semble-t-il, dans le dos, achevèrent l'holocauste.

Monsieur l'abbé Georges Watteau

Quitta Tournai en octobre dernier, dans cette absurde équipée que nous imposèrent nos maîtres. Une pneumonie infectieuse, gagnée dans la fatigue et les mauvais temps de l'évacuation l'emportait rapidement, à Hal, le jour de la Toussaint.



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