Médecins de la Grande Guerre

Le Dr Henrard, pionnier de la stéréoradiologie.

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Le Dr Henrard, pionnier de la stéréoradiologie.

Le docteur Etienne Henrard

Le Dr Etienne Henrard après la guerre

Salle de radiographie de l’Océan

Le compas de Hirzt

L’électro-aimant

Extraction des projectiles avec l’électro-aimant

Emplacement des hôpitaux pendant le conflit

Fondation d’une société

Passage d’un procès verbal d’une réunion

Technique de la radiographie stéréoscopique

Caricature du Dr Henrard

Couverture d’un livre

Dans le musée

Salle du musée de la radiologie consacrée au Dr Henrard

Faire part du décès du Général-Médecin Etienne Henrard

Le Dr Henrard, pionnier de la stéréoradiologie

 

Remerciements au Dr Vantiggelen, Conservateur du musée de la radiologie (1)

 

Le docteur  Henrard  est né le 15 octobre 1870. En 1898, après de brillantes études médicales entamées à l'Université Catholique de Louvain, le Docteur Henrard a été diplomé par l'Université Libre de Bruxelles. Il ouvrit un cabinet médical  à Bruxelles en  suivant ainsi le même parcours que son père médecin. Deux ans après, en août 1900, il  s'engage à l'armée. D'abord incorporé au 7ème régiment de Ligne, il est muté ensuite au 9ème régiment de Ligne avant de devenir finalement l'assistant du professeur Emile Dupont à l'hôpital militaire de Bruxelles. Comprenant les immenses avancées  que les RX  pouvaient apporter à la médecine, il décida de se consacrer entièrement  à  la   radiologie. Très rapidement,  le docteur  Henrard   s'appliqua à trouver la meilleure méthode pour localiser avec la plus grande précision possible les corps étrangers (balles!) dans le corps humain. En radiographiant sous différents angles la zone anatomique contenant  le corps étranger, il mit au point une série de règles qui donna naissance à la  technique de la stéréoradiographie.  Il fut aidé en cela par le Père Lucas, professeur à la Faculté des sciences de Namur  qui développa  les modèles géométriques. Parallèlement à son activité militaire, il installa à Bruxelles un des premiers cabinets privés de radiologie et acquit rapidement une grande renommée. Son cabinet privé souffrant  de ses absences répétées lors des périodes de manœuvres, il  donna   sa démission  quelques mois avant la déclaration de la guerre. Nul doute que le docteur Emile Dupont fut inspiré par son collaborateur lorsqu’il décrivit le 26 janvier 1914 (1) devant un parterre d’officiers les avantages de l’utilisation des rayons Roentgen à l’armée. Le docteur Dupont prévoyait qu’en temps de guerre la recherche et la localisation des projectiles serait l’une des applications les plus utiles de la radiographie. Sans son exposé, il  regrettait l’absence dans l’armée belge d’un équipement radiologique de campagne et  soulignait  l’avance prise par d’autres pays en ce domaine : pour produire dans un hôpital de campagne le courant nécessaire à la lampe RX  l’Allemagne avait mit au point un moteur haute tension pour fournir le courant haute tension, la France utilisait le moteur d’une automobile et l’Italie …deux miliciens ! Les vœux du docteur Dupont n’eurent cependant pas le temps de se réaliser. La guerre surprit  la Belgique qui se fiait  sur sa neutralité. Le docteur Henrard, malgré qu’il fût libre d’obligations militaires, n’hésita pas à  se porter volontaire  et fut réengagé comme médecin de régiment de deuxième classe. Quand toute l'armée belge fut positionnée derrière l'Yser, le docteur Antoine Depage créa grâce  à la Croix-Rouge l'hôpital l'Océan à La Panne et y devint le chef. Le Général médecin Mélis, chef du service de santé belge, nomma alors le docteur Henrard directeur administratif  de l’Océan  dans l’espoir qu’il puisse représenter l’autorité militaire  auprès du  très indépendant docteur Depage. Malgré ce rôle difficile, Henrard  par sa gentillesse et son humour  se fit aimer de tous ses confrères médecins. Il cumula avec bonheur les charges médicales du service de radiologie  et l’administration. L’infirmière Jeanne de Launoy dans son livre « Infirmières de guerre en service commandé » nous décrit  avec humour une quelques unes des tâches du bon docteur Henrard qui sous son air bon enfant savait cependant dire ce qu’il pensait !

19 août 1918

Concert pour blessés à la nouvelle et énorme salle de fêtes. Entendu à La Panne un dialogue amusant : Docteur Henrard au téléphone (moi dans un fauteuil j’attend qu’il ait fini). Le dialogue s’amorce : ici colonel H… C’est bien l’auditeur militaire X ? C’est pour l’affaire XX. Pas lui-même…dommage ; vous entendez bien ? …Parfait ! (scandant ses mots pendant que sa petite frimousse se fait terrible et que ses yeux lancent des éclairs) : Vous direz à l’auditeur X de ma part qu’il est un crétin…Vous avez compris…un cré-tin ! Claque…l’appareil se ferma.  Je riais encore dix minutes après !

Une seconde histoire se préparait. Une actrice, faisant partie d’une tournée au front, était introduite ; minaudant, elle suppliait le colonel Henrard de procurer une auto à son groupe pour rejoindre Dunkerke. Aimable…certes il le fut. La porte se referma sur la bonne femme fardée qui avait obtenu ce qu’elle désirait. Le petit Dr Henrard me regarda d’un air tragique, leva les yeux au ciel, les bras au-dessus de sa tête, et lentement articula : « Et voilà à quoi je sers moi ici !.. » C’est le jour aux drôleries ! Le docteur P… raconte aussi que le colonel Henrard hurle sur ses sous-ordres continuellement. Quand ils sont partis, il avise son collègue en radiographie et lui demande « …crois-tu Perr…qu’ils ont peur de moi maintenant… ?

La personnalité du docteur Henrard était  originale et attachante et ses traits de caractères furent  caricaturés dans le  spectacle de fin d’année que le personnel monta pour les fêtes de fin d’année de 1916 »   

Samedi 10 février 1917

Pris des photos sur la plage. Toujours falaises de glace de près de deux mètres ! Spectacle merveilleux quand le soleil irise cette blancheur. Seconde représentation de la revue parce que Sa Majesté a exprimé le désir de la voir. Le prince de Teck est le seul invité…et aussi ma Maman et ma Tante ! Ceci est très gentil. « Pas moyen de ne pas le faire », me dit en riant le docteur Depage ! « Ce sont des droits d’auteur ». Miss White, parente de l’Amiral, qui a écrit le sketch anglais, n’a pas de famille ici, et les miens sont les seuls à profiter de l’exception. Une énorme affiche s’étale à l’entrée de la salle : sept têtes autour (le nombre de l’apocalypse !) Au-dessus milieu : le docteur Depage avec une auréole ! 2 et 3, coin gauche : tête du docteur van Geertruyden se profilant sur sa cheminée de centrale électrique (puisqu’il était aussi ingénieur chef des services d’électricité etc.). Coin droit l’amusant petit major Henrard, radiographe médecin militaire, directeur administratif. 4 et 5 : le ménage Hanssens à droite et le docteur Janssen à gauche. 6 et 7: Miss White à gauche, et moi à droite (en gendarme)

Avant la guerre, le docteur Henrard s’était fortement  impliqué   dans le développement de la radiologie militaire. Durant la guerre, c’est à Marie Curie que la radiologie dut l’accélération de sa diffusion ! La détentrice du  prix Nobel 1911  (pour sa découverte de la radioactivité naturelle), se battra avec les administrations pour réaliser son projet ambitieux. Grâce à sa notoriété, mais surtout grâce à sa volonté, elle obtiendra son permis de conduire en 1916, formera de nombreuses infirmières manipulatrices et équipera 18 voitures et deux cents postes fixes de radiologie !

Le nombre de missions effectuées en Belgique par Marie Curie et sa fille n’est pas anodin. En décembre 1914, répondant à l’appel de Frans Dael (3), jeune médecin gantois elle se rend avec sa voiture radiologique « E » pour la première fois sur le front belge  à Furnes. Le mois suivant, du 22 janvier au 25 janvier, Marie Curie est à l’hôpital de  Poperinghe avec sa voiture radiologique n°1. En février 1915, Marie Curie  y  effectue un nouveau séjour pour vérifier que sa voiture n° 1 laissée dans un abri conçu  pour elle fonctionne toujours avec satisfaction.

En mars 1915, elle effectue un troisième voyage à Poperinghe et se rend aussi à l’hôpital de Cabour avec la voiture E. Du 18 août au 22 août Marie se rend à l’hôpital l’Océan et à Hoogstade avec la voiture n°10. Elle fit à cette occasion 37 examens radiologiques. Du 30 août au 7 septembre, Irène vient par chemin de fer  à Hoogstade avec sa mère pour y effectuer des examens avec la voiture n°10. Marie Curie procède à cette occasion à 26 examens. Irène reste ensuite à Hoogstade jusqu’au mois d’octobre pour compléter la formation du personnel. C’est durant ce séjour qu’Irène fut appelée à l’hôpital de Cabour en urgence le 14 septembre parce que la « bobine » de l’appareil RX s’était  détraquée.

Mais retrouvons le docteur Henrard ! En 1918, on lui fit quitter l’hôpital l’Océan pour lui  confier pour quelques mois la direction de l'hôpital militaire belge  de Mortain en Bretagne. Il retourna sur le front Belge en octobre 1918 juste à temps pour mettre ses compétences au service des blessés qui  affluèrent  en masse à l'hôpital de Vinckem pendant  l'offensive libératrice.

Après la guerre, le docteur Henrard , nommé lieutenant colonel en 1917 et colonel en 1923, commanda l'hôpital militaire de Woluwe. Il quitta la carrière militaire en 1929 mais fut encore promu en 1931 général. Son parcours  militaire fut exemplaire  mais  sa carrière scientifique le fut tout autant. En 1906, il fut un des fondateurs de la Société belge de Radiologie et en 1907 du "Journal belge de Radiologie" auquel il apporta sa contribution durant de longues années, successivement comme secrétaire, vice président, président , éditeur en chef et trésorier! Entre 1924 et 1938, il fut aussi président de l'Association professionnelle des Médecins Radiologues et Electroradiologues. Le docteur Henrard, grand orateur, était  souvent réclamé et attendu!

En 1940 ses confrères voulurent  le fêter en grande pompe mais la cérémonie dut être réduite à sa plus simple expression car à  la date prévue, le 19 mai 1940, la Belgique se retrouvait une nouvelle fois envahie! Le comité organisateur dut  se contenter de la remise au docteur Henrard au cours d'une petite réunion de la médaille de bronze faite à son effigie. Convaincu que malgré ses  septante ans il pouvait encore être utile à l'armée belge, le docteur Henrard demanda à pouvoir reprendre du service mais cela lui fut refusé! Dépité il s'en alla à Paris offrir son aide à l'armée française mais là aussi  il essuya un refus poli mais ferme. Après un séjour dans le midi de la France, il retourna finalement en Belgique pour reprendre ses activités médicales dans le cadre de son cabinet privé. Ce ne fut hélas que pour peu de temps puisqu'il  décéda de maladie le 14  janvier 1941.

 

                                    Dr Loodts P.

 

       

(1) Belgian museum of radiology, Queen astrid Hospital, Bruynstreet 2, 1120 Brussels

                          info@radiology-museum.be

                          Site web à consulter : http://www.radiology-museum.be

  

(2) Revue militaire belge, 38ème année, vol 2, tome 1, janvier-février 1914, pp. 83-97

 

(3) Ce jeune gynécologue s’intéressait beaucoup aux propriétés anticancéreuses du radium.    En 1908, il s’était rendu à Paris pour consulter à ce sujet Marie curie. Il fut ainsi l’un des premiers médecins à appliquer le radium pour le cancer du col et créa avec les professeurs Goormaghtigh et  De Caestecker le centre de traitement au radium de Gand. Nommé professeur à Gand en 1911, il continua à avoir des contacts fréquents avec Marie Curie.  En 1914, il se porte volontaire dans le service de santé décrit à  Marie Curie  la situation désastreuse des blessés de  Furnes. Il eut la grande surprise de voir Marie Curie en personne venir l’aider !

 

Bibliographie

 

1)    R.Van Tiggelen, The military radiologist Etienne Henrard (1870-1941), october 11, 1993

2)    Anne Morelli, Marie Curie sur le front belge pendant la première guerre mondiale dans Marie Sklodowska et la Belgique, pp. 71-78, Editions de l’ULB, 1990

3)    Madame Pierre Curie, La radiologie et la guerre, Paris Librairie Félix Alcan, 1921

4)    J.De Launoy, Infirmières de guerre en service commandé, Editions Universelles Bruxelles, Desclée de Brouwer Paris, 1936

 



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