Médecins de la Grande Guerre

Un héros civil ; Franz Merjay

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Un héros civil : Franz Merjay[1]


       Le corps de Franz Merjay, fusillé par les Allemands le 11 mai 1917 à Charleroi, a été ramené le dimanche 13 juillet 1919 à Ixelles pour y recevoir les honneurs funèbres que le pays reconnaissant fait à ses héros morts pour la Patrie.

       L'héroïsme de Franz Merjay, vieillard de soixante-cinq ans, qui mit ses talents et son énergie au service de son pays et paya ce dévouement du sacrifice de sa vie, mérite d'être conté et proposé en exemple aux générations à venir. C'est ce que M. le bourgmestre Cocq, d'Ixelles, a su mettre en relief dans un discours émouvant, prononcé à l'hôtel de ville devant toutes les personnalités venues pour présenter leurs condoléances au nom du gouvernement belge.

       Voici les passages les plus caractéristiques de ce brillant panégyrique :

       Frans Merjay offrit à la patrie ses cinq vaillants fils et ses quatre filles, aussi intrépides que leurs frères.

       Le 23 septembre 1914, Paul Merjay, rappelé sous les drapeaux le 31 juillet, devenu sous-lieutenant au 2e carabiniers (aujourd’hui lieutenant), est blessé grièvement au cours d'une des sorties d'Anvers.

       Le 5 octobre, René Merjay, sous-lieutenant au 1er carabiniers, participe à la défense du fort de Lierre et aux violents combats du passage de la Nèthe et est tué à l'ennemi entre Lierre et Lanaeken.

       Bientôt après, Victor Merjay, sous-lieutenant au 2e carabiniers (aujourd'hui capitaine), après avoir pris part à la défense du fort de Waelhem, à la retraite d'Anvers et à la bataille de l'Yser d'octobre 1914 : est blessé à la tête et décoré de la Croix de guerre pour sa belle conduite au feu.

       Le 1er août 1915, José Merjay, le plus jeune des fils, resté à Bruxelles, est arrêté. Il est surpris au cours d'une visite chez l'architecte Baucq, qui a été fusillé plus tard. Une grave accusation pèse sur le jeune homme. Il parvient à s'en tirer sans mal et, à peine relâché, recommence son dangereux service auquel collaborent tous les membres de sa famille.

       Le 5 juillet 1916 ; avec son frère aîné Franz, il est arrêté une deuxième fois et retenu en prison pendant deux mois et demi.

Pour la deuxième fois il échappe à ses tortionnaires.

       Sa sœur, Marie-Jeanne, l'aînée des filles, compromise dans la même affaire et arrêtée le même jour que ses deux frères, est retenue pendant trois mois.

       Franz, moins heureux, est condamné le 8 décembre 1916, par le conseil de guerre de Turnhout, à cinq ans de travaux forcés, à passer dans un bagne allemand.

       Cette douloureuse nouvelle terrasse la pauvre mère qui succombe, malgré son courage surhumain, sous le poids de tant d'affreux soucis. Elle meurt subitement cinq jours après, le 13 décembre 1916.

       Pareille succession d'événements tragiques eussent jeté le découragement et l'inquiétude dans une âme moins trempée que celle du père Merjay : ils ne firent qu'exalter son esprit de sacrifice.

       Dès l'arrestation de Franz, de José et de Marie-Jeanne, il avait redoublé d'activité, réorganisant, étendant même les services auxquels il était attaché, entreprenant en leur lieu et place les voyages les plus fatigants, l'emplissant les missions les plus périlleuses.

       Le 11 janvier 1917, il est arrêté, avec José qui, pour la troisième fois, retombe sous la griffe allemande.

       Après huit jours de détention à Saint-Gilles, ils sont emmenés à Charleroi, où s'ouvre à leur charge une instruction qui va leur être fatale.

       Le 12 février Marie-Jeanne est arrêtée à son tour pour la deuxième fois et vient les rejoindre.

       Franz est ramené aussi du bagne allemand de Werder et impliqué dans la même affaire.

       Tous quatre sont poursuivis, avec d'autres, du chef d'espionnage.

       Le vieillard comparaît devant le conseil de guerre avec une dignité, une énergie qui font l'admiration de tous. Le procès dure du 10 au 14 avril 1917. La peine capitale est prononcée contre lui.

       En marchant au supplice le malheureux encourage et console ses compagnons d'infortune. Les Allemands lui demandent s'il ne regrette rien : « Non, » répond-il, « j'étais trop vieux pour servir ma patrie au front à côté de mes fils ; j'ai employé ma vieillesse à la servir en Belgique et je ne le regrette pas. Si c'était à refaire, je recommencerais ! » Il ne veut pas qu'on lui bande les yeux et tombe sans une parole de défaillance. C'était le 11 mai 1917.

       Fin sublime d'une noble existence, consacrée tout entière au culte du devoir et de l’honneur !



[1] Notre Livret d’Or de H.-N. Van Kalken. Office de publicité – Anciens Etablissements J. Lebegue & Cie, Editeurs,  page 115



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