Médecins de la Grande Guerre

Le « Vieil Armand » se souvient du « Vieil Hugo », le plus vieux des soldats tombés au front !

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Le « Vieil Armand » se souvient du « Vieil Hugo », le plus vieux des soldats tombés au front !

 

Article dédié à mon très cher ami Francis et à son épouse Lucy qui auraient certainement aimé pouvoir m’accompagner au Vieil Armand !



       Sur cette photo, on aperçoit l’entrée de la crypte au bout d’une allée symbolisant une tranchée puis au-dessus de la crypte, l’esplanade muni de son « Autel de la Patrie » et enfin le cimetière militaire. Tout en haut du Hartmanswillerkopf, on visualise très bien le sommet avec sa croix blanche inaugurée en 1936. A partir de la croix, on divise aisément le mont en deux, la partie droite aux mains des Allemands, la partie gauche aux mains de leurs adversaires.

Introduction

       Le Vieil Armand[1] nommé plus exactement « Hartmannswillerkopf »  est une colline de près de mille mètres d’altitude qui termine la crête des Vosges. Elle marque la fin de ligne de front qui s’étendait sur 800 km de Nieuport en Belgique jusqu’à la frontière Suisse située à quelques km du Vieil Armand.



Sur cette carte du front, le Viel Armand (Hartmannswillerkopf) est situé à l’extrême sud sur la crête des Vosges

       Posséder la colline du Vieil-Armand fut pendant toute l’année 1915 l’obsession des Etats-majors allemands et Français avec comme résultat la mort d’au moins 7.200 soldats des deux camps et un sommet qui changea quatre fois de mains !  Aujourd’hui ce champ de bataille est devenu un monument national complété par un musée, l’Historial Franco-Allemand de la Grande Guerre qui ouvrit ses portes en 2017. Le monument National inauguré en 1932 qui surplombe un cimetière militaire se compose d’une esplanade en dessous de laquelle se trouve une crypte sous-terraine impressionnante. Cette salle immense comme une cathédrale est composée de trois chapelles (protestante, catholique, juive) entourant un immense bouclier de métal en dessous duquel reposeraient 12.000 soldats inconnus français provenant de toute la ligne de front en Alsace ! La plupart des visiteurs font le tour de ce bouclier sans se rendre compte de l’immense nécropole sous leurs pieds !



Le bouclier de la crypte en-dessous duquel reposent des milliers de soldats inconnus.


Le chapelle catholique contient une statue pleine de douceur contrastant avec la sévérité du lieu. Elle est l’œuvre du célèbre sculpteur Bourdelle.

       Rien ne pourra jamais excuser la folie des dirigeants de ce temps ! Ces milliers de soldats Français et Allemands ont été du point de vue stratégique, sacrifiés sans avoir obtenu un quelconque gain territorial. Après une année de combat, la colline resta partagée entre les deux camps jusque l’armistice ! Depuis le 3 août 2014, le Hartmannswillerkopf est devenu  le symbole de l’amitié, de la réconciliation franco-allemande avec la rencontre en ce lieu des deux chefs d’Etat François Hollande et Joachim Gauck.

       On frémit à la pensée que pareille situation puisse un jour être célébrée  après la guerre actuelle qui fait souffrir encore un peuple entier en Europe Ukraine. Il y aura vraisemblablement, dans un avenir indéterminé, un Historial Russo-Ukrainien dans le Donbass pour se souvenir des sacrifiés des deux camps avant l’obtention d’une paix… Pourquoi notre monde préfère-t-il les réconciliations aux conciliations ? Pourquoi croire encore à la voix guerrière qui génère tant de misères[2] ?

Hugo Bielenberg, le plus vieux soldat tombé au front

       Mais le champ de bataille du Vieil Armand nous réserve d’autres surprises. Il fut témoin de la mort d’Hugo Bielenberg, le plus vieux soldat de 14-18, tué sur le front à l’âge de 62 ans. Ce monsieur avait déjà combattu les Français en 1870 ! Quelles étaient ses motivations pour reprendre les armes si longtemps après ? Apparemment, d’après son avis de décès, il était marié et père de famille. Peut-être qu’un lecteur pourra me donner un récit plus détaillé de sa vie ! Il fut tué le 21 décembre 1915 lorsque les positions des 1ère et 4ème compagnie du bataillon Jäger n° 14 furent enlevées par les Français au cours d’une violente attaque... À partir des survivants du bataillon, seule une compagnie de 150 hommes put être reformée tant les pertes des Mecklembourgeois furent dévastatrices ; plus de 800 hommes du bataillon furent tués ou blessés.



Hugo Bielenberg dans une tranchée du « Vieil Armand »



Panneau de l’Historial Franco-Allemand de la Grande guerre du Hartmanswillerkopf

       A noter que le lendemain de ce jour funeste pour les Allemands, ces derniers entreprirent une contre-offensive victorieuse qui leur permit de reprendre le sommet. En deux jours, les deux armées perdirent chacun de leur côté autour des 2.800 hommes.  Le « vieil Hugo » fut enterré au cimetière allemand de Guebwiller à proximité du « Vieil Armand » nommée aussi la montagne de la mort par les combattants de Guillaume II. Comment ne pas penser à son homologue belge, Papa Merx qui s’engagea à l’âge de 65 ans dans l’armée du Roi Albert et qui était, comme Hugo, militaire durant la guerre de 1870. Papa Merx eut cependant un destin moins dramatique et survécut à la Grande Guerre malgré les quatre années de guerre passés en première ligne !

Le Vieil Armand possède la dernière des bornes Moreau-Vauthier ; la Belgique possède la première

       Le Vieil Armand a d’autres histoires à nous raconter. Il contient sur son sommet, la dernière des bornes Moreau-Vauthier (du nom de l’artiste qui l’a conçue) qui devaient au nombre de 140 jalonner l’ancien front de 750 Km qui commençait en Belgique à de Nieuport et se terminait à la frontière suisse. Les souscriptions ne permettant pas d'atteindre l'objectif initial, seules cent-dix-huit bornes furent finalement érigées : vingt-deux en Belgique et quatre-vingt-seize en France. 97 subsistent dont la première Belgique à Nieuport (La borne N° 1 située à Dixmude a disparue) tandis que le Vieil Armand contient la dernière !



La borne Moreau-Vauthier du « Veil Armand » en 2025 a perdu son casque Adrien comme si plus jamais l’homme n’aurait à se défendre de balles ennemies !


En 1927, la borne du Vieil Armand avec son casque fut la dernière à être posée


La première borne Moreau-Vauthier existante encore aujourd’hui est la borne N° 2 de Nieuport.

Le Vieil Armand, témoin de la technologie de guerre en montagne

       Ses tranchées sont conservées admirablement et nous livrent de tragiques souvenirs. D’un côté du sommet se trouvent les lignes françaises, de l’autre les lignes allemandes. On est surpris de la différence entre les deux camps. Les tranchées allemandes sont beaucoup plus solides faites souvent en blocs de béton préfabriqués, et elles sont reliées à un fortin souterrain puis, plus en arrière, à de nombreuses installations logistiques qui requirent beaucoup d’ingéniosité.



Le rocher Sermet était une position fortifiée française en première ligne. Elle ne sera jamais conquise par l’ennemi grâce à sa puissance de feu. Aujourd’hui, la nature y est reine bien en vue du Grand Ballon d’Alsace

Parmi ces nouveautés :

-          Un réseau de fils électrifiés. Le 14 avril, le lieutenant Ratz constitue une unité spéciale comprenant des électriciens de profession. Depuis la vallée, le courant arrive à un poste transformateur puis réparti sur un réseau de fil de fer pour être chargé souvent la nuit d’une tension de 1000 à 3000 volts.

-          L’emploi de lance-flammes le 9 septembre 1915 qui mit le feu à une tranchée française composée de rondins. Le 15 octobre 1915, sont utilisés deux lance-flammes statiques et six lance-flammes portatifs pour l’assaut de positions françaises mais un des deux lance-flammes statiques éclaire les troupes d’attaque ce qui causa de nombreuses pertes dans les assaillants. Les Français utilisèrent quant à eux les lance-flammes dans leur attaque du 21 décembre et incendieront une dizaine d’abris.

-          L’emploi de la tôle « Sigfried », tôle ondulée cintrée permettant de construire beaucoup plus facilement des abris et d’étayer des galeries car beaucoup plus légères et maniables que les tôles ondulées classiques.



-          L’installation de souterrains, notamment celui construit sous un rocher fortifié (l’Aussichtsfelsen) effectuée au moyen d’un compresseur « Demag » qui alimentait cinq marteaux pneumatiques. La montée de plusieurs compresseurs sur le Viel-Armand ne fut pas une mince affaire ! Le vaste réseau des souterrains est devenu aujourd’hui dangereux est aujourd’hui le royaume des chauves-souris.

-          L’utilisation de canons de montagne conçus pour être démontables et transportés par des mulets.

-          La construction de casernes, vastes abris pour les réserves comme la Felsenkaserne ». 



- La construction de téléphériques. Dans les Vosges, les Allemands construisirent 11 grands téléphériques Le château d’Ollwiller relie ainsi le sommet en mai 1915. Les français de leur côté en construisirent plusieurs après 1916.


Conclusion :

       La visite de l’historial de la Grande Guerre du Hartmannswillerkopf et du mémorial adjacent est à recommander. Cette visite devrait se poursuivre par votre montée jusqu’au sommet où se trouve la « croix de la Paix ». Vous croiserez sur votre chemin de nombreux vestiges de la bataille sanglante qui s’y déroula pendant une année.



       Deux circuits pédestres sont tracés dans une nature à nouveau splendide et dans laquelle ne résonnent plus les cris de souffrance qui y régnèrent avec tant de force. Puisse cependant ces cris résonner encore dans le cœur des visiteurs et surtout dans le cœur de ceux qui, aujourd’hui, possèdent le pouvoir exorbitant de faire la guerre ou de choisir la paix. Le site du Vieil-Armand se trouve à moins de 70 km de la ville de Kaysersberg où naquit le prix Nobel de la Paix, le docteur Schweitzer. Ce qu’il répétait est plus que jamais d’actualité :




Le cimetière allemand de Hohrad est situé sur la crête des Vosges, au nord du "Vieil Armand" à proximité d'un autre sommet, le sommet du "Linge" qui fut lui aussi l'enjeu d'une sanglante bataille.  En ce mois de septembre 2025, nous avons assisté dans cette nécropole à une scène qui nous a émus:  un jeune Allemand, le visitant, s'est arrêté subitement quelques instants en  pleurant à chaudes larmes ! 

 

      

 

 

 



[1] Cette appellation fut revendiquée par le général Serret dans une lettre datée du 12 septembre 1915 : « Cette hauteur que j’ai baptisée Armand est vraiment le champ de désolation le plus complet que l’on puisse voir ». Le général Serret fut blessé par éclat d’obus le 29 décembre 1915 au Hartmannwillerskopf. Il décéda de ses blessures à Moosch le 6 janvier 1916.

[2] C’est évidemment la diplomatie qui devrait primer dans tous les conflits mais pour choisir celle-ci, il est nécessaire que les deux camps y croient ou qu’ils y soient obligés de par une autorité internationale puissante et respectée. On est encore loin, en 2025, de cette sagesse que l’on avait espérée avec la création de l’ONU. Que faire pour avoir partout des dirigeants suprêmes qui n’œuvrent que pour le bien-être de leurs citoyens en délaissant leurs intérêts personnels ? La question est difficile mais l’on revient toujours à la nécessité de se changer d’abord soi-même pour pouvoir être capable de choisir les « sages » qui nous guideront. Cela signifie de pouvoir donner à chacun une éducation citoyenne basée sur l’empathie, la coopération, la solidarité et la considération que chaque être humain a des droits mais aussi des devoirs dont celui de participer au bien-être de ses proches mais aussi à celui de ses concitoyens moins gâtés par la vie. Cela signifie aussi, après l’éducation, que la société doit mettre tout en œuvre pour réduire les inégalités qui aujourd’hui deviennent de plus en plus criantes. Des exemples pleuvent littéralement : le retard dans la justice ; le manque de crèches ; des coûts qui deviennent exorbitants pour se procurer des lunettes, des appareils auditifs, des soins dentaires ; le manque de logements accessibles, des prisons qui devraient se transformer en écoles ; un enseignement qui demande plus de moyens, un service civil à instaurer pour tous avec une option militaire pour les volontaires, des limites à instaurer dans la durée des mandats politiques, l’imposition insuffisante du 1 % des Belges les plus riches qui possèdent 25% de la richesse nationale etc… écrit par l’auteur, Dr Loodts Patrick)

 



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