Médecins de la Grande Guerre

Willy Coppens.

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WILLY  COPPENS[1]


Willy Coppens

       Le commandant Jacquet lui-même atteste de Coppens « l'as des as », qu'il possédait la rapidité de l'épervier, l'œil de l'aigle, le courage du faucon, la légèreté de l'hirondelle. Personne ne lui fait peur, rien ne le fait douter du succès.

       Il est né à Watermael-Boitsfort le 6 juin 1892. Une rue de son lieu natal porte actuellement son nom.

       En 1912 il était soldat dans le régiment des grenadiers et en 1914, quand la guerre éclata, il prit service en qualité de motocycliste.

       En 1915 il apprend à voler à Etampes. Au début de 1917 il est au front comme aviateur de reconnaissance, plus tard en qualité de chasseur.

Willy Coppens a une réputation mondiale à cause du nombre de ballons d’observation qu'il a incendiés et détruits. Il en détruisit 34 et deux avions.

       Il était la terreur des observateurs allemands juchés dans les « drachen » ou ballons d'observation.

       A sa dernière victoire deux balles lui brisèrent la jambe droite, qui dut être amputée jusqu'à la cuisse. Il resta plusieurs semaines entre la vie et la mort.

       Nous avions donc deux sortes de chasseurs : ceux qui détruisaient les ballons, et les autres qui choisissaient le combat en plein air.

       Ces derniers sont les plus hardis, les plus téméraires qui ne craignent ni le temps ni le vent, en des soubresauts ils descendent, montent, tournent dans des convulsions d'acrobates pour essayer de toucher l'ennemi. Il faut une adresse extraordinaire pour anéantir un adversaire.

       Il n'en faut pas autant pour attaquer les ballons mais cela suppose du courage. Les ballons pendent généralement loin derrière la ligne de tir, parfois jusqu'à dix kilomètres. Pour les détruire il faut passer les lignes ennemies où l'on n'a pas seulement à craindre les nombreux avions qui croisent constamment aux lignes extrêmes, mais aussi toute sorte d'artillerie de terre.

       Aussitôt qu'un aviateur est annoncé on descend les ballons d’observation, de sorte que l'attaquant doit descendre parfois à quelques centaines de mètres pour atteindre son but.

       Coppens était le véritable type pour incendier les « drachen ». Il avait toutes les qualités d'un chasseur ; il avait du sang-froid, était flegmatique. De plus, il était parmi nous un des plus fort en acrobatie, un aviateur très habile.

       Quoique mutilé, il n'a pas renoncé à son sport, favori. Il était à peine sortie de l'hôpital qu'il m'invita pour faire avec lui une excursion en l'air, pour prendre de grandes hauteurs, pour voir si la chose lui irait encore. Quelques jours après il conduisit de nouveau son propre avion.

       Après la guerre Willy Coppens a raconté sa vie et ses impressions à Anvers. G. Raal écrivit de lui :

       « Dans tous les ouvrages romanesques que nous reçûmes à avaler dans notre jeunesse et qui excitèrent notre imagination on nous représentait les héros comme de véritables géants, comme des « Surhommes » à la tète chevelue tels des forestiers ! Armés de gourdins comme des arbres et avec des haches impossibles à manier par deux hommes ! Et là où ils entrèrent en combat, la lutte fut immédiatement tranchée à l'avantage du bon droit. O ! vous géants de la forêt, géants de la ville, combattant avec la grandeur de votre cœur ! Hommes connus et inconnus du peuple et de la chevalerie qui combattirent dans tous les coins, dans tous les livres, durant des centaines d'années et qui avez rempli notre cerveau et notre imagination avec la beauté de vos exploits !


Willy Coppens prêt à prendre l’air avec son compagnon Van Cotthem

       Et maintenant que la guerre avait éclaté, et que nous voyions s'engager la lutte dans la profondeur des mers, dans les hauteurs des cieux, nous pensions de nouveau au plaisir que le héros de l'antiquité avait fourni à notre imagination enfantine. Nous les avons suivis les héros des airs qui, avec leurs bras puissants, jetèrent des milliers de kilogrammes de cuivre, d'airain, de fer sur le corps de l'ennemi et projetèrent le feu du ciel au sein le plus profond de la terre, où nos occupants s'étaient cachés !

       Et j'étais heureux de pouvoir aller écouter Willy Coppens dans ses récits merveilleux et avec grand émoi je me dirigeai vers le cercle artistique, comme on va ainsi qu'un enfant à la place du foyer où le père raconte les actions héroïques des temps magiques.

       Et je vis Coppens « l'as » de nos aviateurs. Très fin, très délicat, élancé, mince, distingué ! Non pas comme un géant. des temps anciens, chevelu le corps à moitié nu couvert de peaux, mais élégant dans son uniforme kaki, la poitrine ornée des couleurs de multiples décorations, gêné comme un enfant pour l'ovation formidable, que lui portaient toutes ces personnes joyeuses et fières !

       J'entendis une jeune dame dire derrière moi : « Mon Dieu ! comme il est gentil ! »

       Je pensais apprendre rapidement des actions d'éclat des jours chevaleresques, mais d'une voix douce, d'où transpirait l'émotion, il commença par rendre hommage aux aviateurs anversois, à son chef d'escadrille Jean Olislagers, en tout premier lieu à ce camarade brave et capable, toujours d'humeur joyeux et optimiste, à Jean, dont la hardiesse n'avait d'égal que la bravoure et l'esprit de sacrifice dans les moments de grand danger. Jean, le grand arrosoir anversois, le cultivateur de laitues dans les heures de repos.

       Il parla de l'anversois Verhougstraete, le camarade qui habitait à côté de son pilote lui si courageux. Chaque soir ils firent un bout de causette se souhaitèrent la bonne nuit. La fenêtre de son voisin était fortement éclairé, chaque soir, un jour  pourtant la lampe ne fut plus allumée, tout resta dans l'obscurité. Verhougstraete avait livré un combat très dur au cours de la journée, il avait balayé les Allemands du front mais il fut atteint par une balle tirée lies tranchées.

       Quand Coppens parla de cette fenêtre abandonnée, le souvenir le saisit à la gorge et étouffa un moment la voix.

       Il parla encore de Charles de Montigny, l'anversois, « le pilote le plus adroit du monde entier », dont la mort fut un véritable malheur pour l'aviation belge. Il mourut au cours d'un combat contre de puissants avions après avoir abattu un Fokker. Il nous rappela les bons compagnons qui vécurent avec lui « des heures de souffrances et des heures de gloire ».

       Alors seulement commença sa conférence proprement dite. Au début il parla de la valeur de l'aviation en temps de guerre et du rôle important qu'elle est appelée à jouer dans une guerre future. L'aviateur est encore un grand facteur dans la lutte économique. La Belgique a des aviateurs capables, des praticiens, des ouvriers, des inventeurs, etc., mais il lui manque des constructeurs propres. Nous ne pouvons plus rester dépendants de l'étranger et nous devons nous approprier dans l'avenir une source riche de revenus.

       Après avoir exposé le rôle de l'aviation durant la guerre, il nous raconta ses propres aventures.

En Angleterre, il apprit à voler avec un pilote civil. Certain jour, celui-ci jugea que son apprentissage était terminé et que le moment était venu d'essayer seul. Tout tremblant, il parti pour son premier essai. Quand il fut monté à 150 m. et avait tracé ses trois ou quatre « huit » dans l'air puis effectué une descente suivant un cercle déterminé il obtint son brevet.

       A Etampes, en France, il conquit son brevet militaire, il arriva ainsi au front en janvier 1917. Là il fut enrôlé dans la 6e escadrille à Houthem. Il vola durant des mois avec ses camarades, à sa demande il fut enfin envoyé en chasse. Alors commença pour lui cette vie magnifique, pleine de dangers et qui alla si bien à son tempérament.

       Il attaqua jusqu'à deux fois le ballon d'observation à Bovekerke et força chaque fois les observateurs à descendre. Depuis ce moment il se spécialisa dans la destruction des « drachen ».

       Au moyen de projections lumineuses il nous donna une idée de la vie d'aviateur au front.

       Nous y voyions les différents modèles successifs. Quelle différence avec les premiers appareils sur lesquels les aviateurs risquaient à chaque heure leur vie à St-Job-in-‘t-Goor.

       Un cliché parsemé de multiples petits nuages nous représentait tous les « drachen » en flammes que Coppens descendit dans son rayon d'action qui s'étendit depuis la côte de la mer du Nord jusque bien profondément dans les lignes anglaises.

       La région côtière était redoutable. Les Allemands y avaient établi beaucoup de canons pour protéger leur base des sous-marins établie à Zeebrugge. Quand un aviateur tenta de survoler cette zone il dut parfois essuyé en moins de cinq minutes, deux cents coups de canon. Les explosions de shrapnels étaient par moments si formidables que l'aviateur fut arraché de son siège et dut déployer toutes ses forces pour maintenir son appareil en équilibre.

       Lors de la grande offensive en 1918, il fut blessé à Tourhout ; on dut lui amputer la jambe gauche.

       Pauvre garçon ! Quand il se déplaça sur la tribune pour indiquer au moyen d'un long bâton un détail, on entendit sur le plancher le bruit de sa jambe artificielle. C'était pour rappeler le pas doux de l'autre qui un jour portait ce corps et en avait été arrachée dans les hautes sphères de la patrie.

       Mais le héros ne nous en parla pas ; il nous apprit comment certain jour il lui vint l'idée de voler vers Bruxelles, avait traversé inaperçu la ligne de feu à une hauteur de 5500 m., et était descendu une dizaine de fois à 150 m., avait volé au-dessus de la maison paternelle, il avait vu son père à la fenêtre, agitant son mouchoir vers le garçon, qui volait dans le ciel ensoleillé semblable à un envoyé du ciel ! Avec la bénédiction paternelle, il était retourné vers le pays où la mort le menaça avec des milliers de poings tendus.


Le Roi Albert parlant à Willy Coppens pendant les fêtes Olympiques à Anvers.

       La série des clichés fut terminée par la photo de notre roi aimé en avion, notre souverain, lui-même aviateur capable, nous donnant à tous, un exemple de vertu civique et d'amour de la patrie.

       Pour terminer il nous lut quelques-unes des lettres qu'il avait écrites au front. En ces jours d'ennui, jours de douleurs ! Jours d'espérance et jours de noble, combats ! Jours et lettres, sentiments d'un enfant et d'un homme joyeux, qui avec un petit dessert à table devint gai comme un enfant, ou se voyait consolé de la vie par un bon repas : L’ était en tout temps réjoui comme un enfant à la maison paternelle ou dans le pays magnifique « ou nous sommes comme des invités à des tables riches. »

       Il finit, ce héros de l'espace qui combattit durant des années dans la tempête des airs avec la bravoure d'un Léonidas, ne trouva plus dans sa simplicité aucun mot pour remercier rassemblée de ses applaudissements spontanés. Il était fortement ému dans son âme grande d'âme enfant prodigieux.

       « Mon Dieu, comme il est gentil ! »

       Coppens avait parlé beaucoup de la guerre et de ses camarades mais peu de lui-même, lui qui s'était élevé des jours de périls comme un sauveur de la patrie !

       Nous voulons combler quelque peu ce vide.

       Le 3 avril 1918,  il fut honoré de la Croix de guerre avec lion de bronze. Le 7 juin 1918,  il fut nommé chevalier de l'Ordre de Léopold. Le 3 août 1918,  il fut honoré du « Military Cross. »

       Cinq jours plus tard il fut nommé officier de la couronne.

       Le 8 septembre 1918,  il fut nommé chevalier de la légion d'Honneur.

       Quelques jours plus lard il reçut la décoration de l' Ordre de l'Aigle Blanc de Serbie.

       Le 18 octobre 1918, il fut cité à l'ordre du jour de l'armée française par le général De Goutte, qui le nomma « Légendaire dans l'armée Belge pour sa bravoure et son succès en qualité d'aviateur, força par sa vaillance, l'admiration des troupes françaises en descendant en 13 jours 13 « drachen.» allemands.»

       Coppens fut mentionné plus de trente fois dans les bulletins des armées françaises, anglaises et belges. Il remporta trente cinq succès.

       Les différents communiqués l'appellent : « Un excellent aviateur » remarquable par son sang-froid et ses qualités professionnelles. Habile et zélé. D'abord aviateur de rang, pilote de poursuite de la toute première espèce. D'une résistance et d'un héroïsme extraordinaires, etc. »

       Quand on fit de pareils exploits, quand on n'a pas vu le jeune officier, alors les pensées se transportent involontairement, malgré les temps modernes, vers le pays des jeunes Juifs, qui remplissent l'air de leurs cris de guerre et obscurcissent les horizons lointains par des nuages de fumée s'élevant des mondes incendiés. »



[1] La Grande Guerre (deuxième)



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