Médecins de la Grande Guerre

Cartouche, chien de soldat et Boy, chien d’officier.

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Cartouche, chien de soldat et Boy, chien d’officier[1]


Les chiens dans la guerre.

       Je vous présente Cartouche. Vous tremblez peut-être de peur à la pensée de ce terrible bandit, chef de bande ? Détrompez-vous, notre Cartouche n’est que la mascotte dorlotée par nos soldats, un petit chien de rue, un véritable zinneke avec peut-être un zeste de sang de fox terrier. D’où provient-il ? Personne ne le sait. Il fait partie de mon escouade. Tout le monde le connait. Il participe à toute notre vie et quand à l’appel nous répondons  présents, lui, il remue la queue. Il arrive parfois qu’il nous quitte mais il arrive toujours à nous retrouver même quand nous avons parcouru une longue distance. Depuis sa blessure de guerre, il prend beaucoup plus au sérieux sa vie de militaire en obéissant mieux aux ordres qui lui sont donnés. Maintenant qu’il est tout entier à son job, il ne sait pu « blairer » les civils sur lesquels il aboie à qui mieux mieux ! Avec les chiens étrangers, Cartouche est devenu associable. Quand il en rencontre un, il montre les dents en montrant la gueule la plus menaçante possible. Cartouche est aussi un fameux lèche-botte. Il sait se montrer extrêmement émouvant  pour mendier à nos gars. Peu lui résistent et la plupart finissent par  lui octroyer ce qu’ils ont de meilleurs comme friandises. Remarquons que Cartouche s’est amélioré sur un point important. Invivable lorsqu’il faisait ses mille pitreries sur notre litière de paille en provoquant ainsi un véritable nuage de poussières, Cartouche a finalement compris son manquement à la politesse et se tient maintenant  immobile  lorsqu’il veut dialoguer avec nous dans nos dortoirs improvisés.

       En première ligne, Cartouche est d’habitude intrépide et tant qu’une grenade n’éclate pas dans son environnement, il reste d’un calme imperturbable. Les balles quant à elles le laissent tout-à-fait indifférents. Dans les tranchées de l’arrière, il patrouille et chasse avec succès  rats et souris. Un jour cependant il lui arriva, de revenir de sa chasse bredouille et, de plus, blessé par un éclat de grenade dans son arrière-train. Cartouche se montra courageux. Pendant trois longs jours, il resta couché, immobile et silencieux. Nos gars venaient le caresser et  Cartouche les remerciait en leur léchant affectueusement les mains.

       Boy par contre est le chien du capitaine. Il appartient à une famille patricienne alors que Cartouche est d’origine plébéienne. C’est un animal de race. Son pelage est doux et brun, sa poitrine est blanche. Sa queue forme un beau panache et il possède de grandes oreilles pendantes. Il faut le voir suivre avec élégance son capitaine ! Nos piottes évidemment se moquent de ce chien  aristo lorsqu’ils le voient déambuler :

«  Il a mis ses chaussettes blanches pour aller au bal » 

       Boy a des lueurs d’intelligence dans ses yeux. Il connaît beaucoup de tours, sait apporter et est un très bon coureur. En société, quand son maître lui ordonne la position assise, alors il s’assied sur son arrière-train, les pattes-avants tendues, la tête haute et le regard attentif sur ce qui se passe autour de lui. Il reçoit pain et pommes de terre  mais pour ce qui est de la viande maigre, il doit se contenter d’expédients. Ainsi, il essaie d’accompagne son maître lorsque celui-ci se dirige vers la cuisine roulante. Boy est alors subjugué par la grosse marmite fumante qui contient la soupe de viande. A force de tourner comme un enragé autour de la « roulante », l’aide-cuisinier finit par céder en lui jetant un morceau de jarret. Cartouche attend alors que son maître soit distrait pour disparaître secrètement avec son butin. Le capitaine espère pourvoir un jour venir à bout de ce gros défaut, de ce manque de discipline indigne d’un chien d’officier ! 

       Le chien Boy et le soldat « Napoléon » sont deux amis inséparables. Napoléon est l’ordonnance  du capitaine. Une véritable force de la nature. Son front est très large et sa tête est aussi plate qu’une  enclume. Avec ses poings Napoléon  peut affronter un taureau. Pendant toute la campagne, il n’a pas quitté son capitaine. Lorsqu’après une nuit de veille, le capitaine dort sur son lit de campagne, c’est Napoléon qui est chargé de veiller au téléphone. Le capitaine prend le relais lorsqu’il se réveille à cause des terribles ronflements qu’émet Napoléon en s’endormant. Napoléon n’est pas très familier avec les autres soldats. Il ne s’entend bien qu’avec Boy avec qui il partage ses rations alimentaires. Il lui parle comme si Boy était un être sensé. Il lui raconte ses joies et ses souffrances et disserte même, en sa présence, des liens  qui doivent exister  entre maître et subalternes.

       Il arrive que les soldats critiquent leur capitaine. Si Napoléon est dans les environs, les piottes se taisent selon l’adage qui leur a été souvent répété : « Taisez-vous ! Méfiez-vous ! Les oreilles ennemies vous écoutent ! »  Mais nos gars se trompent en se méfiant de  Napoléon car ce dernier a, depuis peu, l’esprit uniquement préoccupé de lui-même. Napoléon, pour son malheur, est en effet tombé en pamoison devant sa marraine de guerre lorsqu’il lui rendit récemment visite !  Maintenant, chaque fois que Napoléon est dans les parages, notre sergent-major chantonne en pointant son nez en l’air comme s’il était Cyrano en personne : « Napoléon avec Marie-Louise ; Marie Louise avec Napoléon ».  

Fritz Francken

(Traduction Dr Loodts P)

 

 

 



[1] Fritz Franckjen, « Uit mijn Soldatentijd, 1914-1918 », pages 100 à 103. Uitgever, : John Lamoen, Berchem-Anvers , 1959



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