Médecins de la Grande Guerre

Charles Simonet héros montois.

point  Accueil   -   point  Intro   -   point  Conférences   -   point  Articles

point  Photos   -   point  M'écrire   -   point  Livre d'Or   -   point  Liens   -   point  Mises à jour   -   point  Statistiques

Charles Simonet héros montois[1]

       S'il l'avait connue, Charles Simonet, aurait pu faire sienne la fière devise de Gabrielle Petit : « C'est avec des humbles qu'on fait des héros de la Liberté » !

       Issu du peuple, il dut, aussitôt ses classes primaires terminées, faire connaissance avec la rude école de la vie. Son père étant mort, le jeune Charles entra comme apprenti dans un journal montois, emploi qu'il délaissait bientôt d'ailleurs pour la profession de marbrier. Il fallait chercher ce qui était le plus rémunérateur car la mère restait avec une petite famille à élever !

Charles Simonet, malgré les avatars de l'existence, était le rire incarné, la gaieté personnifiée. Longtemps encore, certes, on parlera de lui dans le quartier populaire qu'il égayait de ses chansonnettes, de ses monologues. Tour à tour il faisait rire ou pleurer l'auditoire fruste qui lui faisait cercle et ne lui ménageait pas les applaudissements. Simonet était une belle intelligence que le manque de ressources n'avait pu cultiver pour l'élever aux sphères supérieures, mais le brave garçon s'était formé un bagage respectable par son travail personnel.

       Doué d'un talent sûr il eut pu faire son chemin au théâtre. Le don de diseur, de chanteur, de comédien qui était sien, lui permettait de trouver par ci, par là, dans les fêtes et les concerts, un supplément de ressources. Et les jours de kermesse fleurie au quartier de Messines, il s'adjugeait tous les premiers prix dans les tournois de chants et de diction.

Simonet était un brave cœur, serviable, affable, gai luron, tout le monde l'aimait.

Après avoir doublé le cap de la trentaine, il épousa une Montoise restée veuve avec quatre enfants.

       Peu avant la guerre nous le retrouvons marchand de journaux. En octobre 1914 - il avait 42 ans - Simonet voulut aussi apporter son concours à la défense du pays. Patriote dans l'âme, il s'enrôla dans un service de renseignements. Il connaissait les dangers qu'il courait mais il les dédaignait !  Il remplit sa difficile mission comme il avait accepté les aléas de la vie : avec le sourire.

       Il recueillait les renseignements fournis par des agents de la région de Mons et du Borinage et les recopiait avec de l'encre sympathique. Ces documents étaient alors transmis à un autre agent qui leur faisait passer la frontière.

Courageux jusqu'à la témérité, Charles Simonet, au risque d'être cent fois arrêté, se faufilait dans la gare de Mons, circulait le long des voies, notant sur un carnet tous 1es indices qui pouvaient être utiles au service anglais auquel il collaborait.

Trahi, il fut dépisté par la police allemande et arrêté le 20 mai 1915 au moment où il  se rendait chez son chef de service pour lui montrer un document du gouvernement britannique le félicitant de son zèle et de son dévouement.

       Au même moment Joseph Delsaut, Jules Legay et son fils Arthur, patriotes de Cuesmes, étaient emprisonnés pour avoir collaboré au même rouage.

Le document dont il fut trouvé porteur, condamnait Simonet irrémédiablement. Toutefois les Allemands usèrent avec lui de leur système favori. On lui promit la vie sauve, s'il dénonçait ses chefs, rien n'y fit. Nos ennemis le firent circuler dans la ville de Mons accompagné d'un de leurs sbires, dans l'espoir qu'il se trahirait s'il rencontrait un complice; ils poussèrent la cruauté jusqu'à le conduire chez lui pensant que les larmes des siens le feraient fléchir: l'héroïque Montois resta inébranlable.

       Le 2 novembre 1915 il était condamné à mort avec Joseph Delsaut et Jules Legay. Le 6 novembre, à 6 heures du matin, les trois héros tombaient sous les balles teutonnes au Tir national de Schaerbeek.

Simonet, comme ses compagnons, demeura stoïque, il sut mourir comme il avait vécu : simplement, dignement. Ses dernières paroles à l'adresse de Delsaut furent: « Allons Joseph, mourons en braves. Vive la Belgique ! Vive le Roi ! »

       Cette fin héroïque ne forme-t-elle pas une des pages les plus fières du martyrologe civil belge de la guerre ?...

       A près avoir dormi pendant trois ans et demi sous la pelouse du Tir national rougie par le sang de tant de héros, Simonet fut ramené dans sa ville natale. Le dimanche 25 mai 1919 la population entière de Mons l'accueillait à la gare pour le conduire à la nécropole et le 25 août 1923, ses cendres glorieuses étaient descendues dans le magnifique mausolée que la ville lui a destiné.

       De nombreuses personnalités militaires, civiles, les invalides et les combattants belges et français, les enfants des écoles, toute la population montoise rendirent un solennel hommage à ce modeste ouvrier qui, par son sublime sacrifice, s'est élevé aux plus hautes cimes des vertus humaines.

       Les gouvernements belge et anglais ont sanctionné l'hommage unanime par des décrets officiels décorant à titre posthume le héros de Mons, des croix de l'ordre de Léopold, du British Empire et de la Military Cross.

La Place Bouzanton qui retentit longtemps des échos joyeux des chants du grand disparu, s'appelle aujourd'hui, Place Charles Simonet.

Lors de la solennité du 25 août 1923, il fut donné lecture d'une lettre de Monsieur le Ministre Masson.

 Le passage suivant mérite d'être retenu :

       « Je m'associe aux fervents hommages de gratitude et d'admiration qui seront décernés à ce grand citoyen montois. Nul plus que lui n'aura contribué à illustrer sa ville natale ; son courage et son patriotisme resteront la plus haute incarnation des qualités de notre race.

Sachons nous inspirer des hautes vertus de cet homme du peuple ;  point de défaillance dans les épreuves ;  gardons intact le patrimoine d'honneur qu'il nous a laissé ».



[1] Clovis Piérard dans « Souvenons-nous ! » 1924. Editeurs : Ballez-Colmant-Wuillot, Paturages.

 



© P.Loodts Medecins de la grande guerre. 2000-2020. Tout droit réservé. ©