Médecins de la Grande Guerre

Hommage à Jean-Pierre François Bieuvelet, garde forestier à Thibessart (Mellier), en l’an 1914.

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Hommage à Jean-Pierre François Bieuvelet, garde forestier à Thibessart (Mellier), en l’an 1914.

Jean-Pierre François Bieuvelet dans son uniforme de garde forestier en 1896.

Thibessart - Le Château de Melle Trouet - Le jugement... - 16.10.1912

Bouillon - Dernière carte de Joseph Bieuvelet avant son assassinat - 13.08.1914

Thibessart - Emile Bieuvelet et le monument aux fusillés - 1919

Thibésart - L'église - 29.08.1982

Monument aux fusillés – Jean-Pierre Bieuvelet - 21.09.2003

Mausolée aux forestiers morts pour la patrie - 27.02.2004

Thibésart - arrivée - 10.11.2006

Thibésart – Jean-Pierre et Joseph Bieuvelet - 10.11.2006

Mausolée - 7.2.2007

Détail du Mausolée - 11.1.2009

Hommage  aux  Forestiers Belges morts pour la Patrie et particulièrement à Jean-Pierre François Bieuvelet, garde forestier à Thibessart (Mellier), en l’an 1914.

L’Allemagne particulièrement inquiète du développement de la France et de la Russie, déclare le 3 août  1914, la guerre à la France, doublé d’un ultimatum à la Belgique l’obligeant à accepter son libre passage à travers le territoire Belge.

Le 4 août 1914, elle envahit la Belgique, suivant le plan de guerre du Comte Alfred Von Schlieffen datant déjà de 1906. Ce plan consistait en un mouvement giratoire anti-horlogique sur le territoire Belge, destiné à prendre à revers une fois sur le territoire Français, les troupes Françaises présumées devoir se diriger dans un premier temps vers l’Alsace, afin de les rejeter vers le Sud ou la Suisse.

Pour la parenthèse, ce plan n’aboutira pas, pour diverses raisons dont :

-          Le front Russe à l’Est réclamant de plus en plus de militaires,

-          Le successeur Ludwig Von Moltke de Von Schlieffen étant beaucoup moins audacieux,

-          La résistance inattendue des troupes Belges et Françaises,

-          La résistance héroïque des forts de Liège entrainant des retards importants dans la percée Allemande,

-          La poursuite imprudente vers le Sud de la première armée Allemande de Von Kluck, exposant le flanc Ouest de l’armée Allemande à la contre attaque Française et puis Anglaise sur l’autre flanc.

-          La découverte progressive de la stratégie Allemande  par les Français et Anglais.

-          L’entrée en guerre de l’Angleterre.

Ces principales causes feront échouer le plan Von Schlieffen et provoquera le remplacement de Von Moltke par le général Eric Von Falkenhayn et  l’enlisement définitif de la guerre devant être rapide, en la  terrible guerre des tranchées, que nous connaissons.  La première victoire substantielle étant la première bataille de la Marne.

Ceci étant précisé, revenons à notre mouvement giratoire de cinq Armées Allemandes, pour en situer le centre de rotation entre Neufchâteau et Arlon.   Nous y retrouvons Léglise, Thibessart  et Habay. C’est  à cet endroit, qu’après avoir traversé le Grand Duché de Luxembourg, via Attert sur le territoire Belge, le 6ème  Corps Silésien de la quatrième Armée du Duc Albrecht Von Wurtemberg : comprend respectivement, la  12ème   Division d’Infanterie  qui se concentrera à Léglise et la 11è  Division  à Thibessart.

Nous sommes le 19 août 1914, 15 jours après l’invasion seulement et Jean  Pierre Bieuvelet, garde forestier estimé, à Thibessart, veuf de Virginie Valet et père de trois enfants, dont Joseph l’ainé ; ignorant ce qui précède, postera deux cartes postales à Thibessart. L’une est adressée à son supérieur, garde général à Habay et l’autre au fils de son voisin, Nicolas Leboeuf, en service dans l’armée Belge. Ces missives mentionnent, qu’après inspection, la région est calme.

Le Jeudi 20 août 1914, dès 8 heures, comme nous l’avons dit : l’avant-garde de la 11ème  Division d’Infanterie pénètre à Thibessart et arrêtant l’Abbé Joseph Hubert, curé de la paroisse, l’informe qu’ils ont été victimes de tirs isolés, donc de civils, et que si les auteurs ne sont pas dénoncés, le feu sera mis au village. Le prêtre réunit ses administrés et tente de comprendre l’inexplicable. En effet, les tirs sont mis en doute,  excepté trois potentiels. Mais Eugène Thiry, un habitant, déclare que les coups de fusils  entendus étaient de guerre et non de chasse….. !!!

A ce moment, les Allemands découvrent les deux cartes postales postées la veille dans la boite aux lettres du presbytère, par le malheureux garde. Le prétexte est tout trouvé pour fouiller les deux maisons des personnes  reprises  sur ces cartes, à savoir Bieuvelet, forestier et son voisin, Leboeuf. On  retrouvera lors de la perquisition, par les Allemands, des balles de chasse, chez Bieuvelet mais pas d’armes !!!! Il s’en était débarrassé, mais n’avait pas attaché d’importance à ces balles sans fusil…..Confirmation par les Allemands. Mais s’en est de trop.

Le 38ème  régiment fusiliers de Magdebourg  dépendant et avant-garde de la  11ème  division arrête dès lors, vers 10 heures, dans le village,  Bieuvelet  Jean Pierre François  62 ans, son fils Joseph 19 ans, étudiant à l’Institut renommé de Carlsbourg, il est l’ainé de trois enfants,  et Nicolas Leboeuf leur voisin, menuisier de son état.  Bieuvelet Nicolas Emile, le cadet des 3 enfants Bieuvelet, échappe par miracle à son gardien lors de la perquisition ;  lui faussant compagnie, il parvient à se cacher, il a 15 ans. Entre les deux, une sœur,  Marie qui sera épargnée.

Les trois coupables présumés et précités sont transférés au petit Château de Mademoiselle Trouet pour une parodie de jugement, les personnes étant gardées dans la cour du château. Malgré la présence d’un interprète le lieutenant Von Lindeiner, et l’acharnement du curé de Thibessart, ils seront condamnés à mort, en toute précipitation,  par une partie de l’Etat Major. En effet, les officiers supérieurs Von Pritzelwitz, Von Webern, et vraisemblablement, Von Drabich Waechter et Seydel , n’arrivèrent que le lendemain, et donc, ne pouvaient être effectivement  présents, que les officiers des divers régiments déjà arrivés à Thibessart et  du dit responsable, le 38ème  Régiment fusiliers et  de ses bataillons, directement mis en cause par les historiens, à savoir : Le Colonel Von Kleinschmit  et les majors Ferentheil , Gruppenberg, Saxer et Burchardi. Une partie des troupes séjournera trois jours à Thibessart. Emile Valet un autre cultivateur déclara bien, que Bieuvelet était en sa compagnie, sans arme et donc qu’il n’aurait pu tirer, mais plus rien ne fut pris en considération………

Veuillez noter que le Livre Blanc Allemand, justificatif des agressions allemandes ; du 10 mai 1915 ; selon le Chanoine Jean Schmitz, rapport 776 : « ne souffle mot de Bieuvelet et de Leboeuf, aucune accusation n’ayant pu, avec quelque apparence de vérité, être portée contre eux !! ».

Bieuvelet Jean Pierre se recueille, Bieuvelet Joseph se révolte et Nicolas Leboeuf est d’une pâleur extrême. Suprême outrage, on les oblige de traverser la presque totalité du village à pied, jusqu’en direction de Léglise. Passé onze heures, le peloton et les trois prisonniers arrivent à l’endroit désigné en pleine campagne et immédiatement fusillés. Les blessures sont relevées à la tête, au cou et en plein cœur. Les corps resteront allongés trois jours avant d’être provisoirement recouvert de terre et ce pendant  quinze jours, temps nécessaire à l’obtention du permis d’inhumation.

Que se passe-t-il ensuite ? Le 22 août 1914, vers trois heures du matin une estafette arrive, prévenant l’Etat Major des mouvements proches de l’armée Française à hauteur de la Semois et non loin de Saint Vincent. A  cinq heures du matin, les troupes quitte donc Thibessart, la 11ème  division prenant la direction de Tintigny et la 12ème  celle de Rossignol. Ce fut la 11ème  division, qui prit part à la bataille de Tintigny, Saint Vincent et Bellefontaine.

D’autres atrocités y seront commises contre la population, notamment  à  Rossignol, où septante deux  maisons seront incendiées, quatre habitants tués, mais cent et deux autres, transférés à Arlon,  y seront tués. Dans le cadre du sujet, nous nous arrêterons ici, tout en n’oubliant point tous  les autres crimes commis en Belgique : « By all and any means » du Commandant de Gerlache de Gommery, 1915.

Ironie du sort : Bieuvelet Nicolas Emile, fils cadet,  qui parviendra miraculeusement à fausser compagnie à l’officier chargé de sa garde se cachera trois jours dans une grange proche. Il entendra la tuerie des condamnés dont son père.  Il attendra pour se manifester, le départ des troupes allemandes. Il sera rapidement recueilli et élevé par ses oncles habitant Villers sur Semois.  Réussissant brillamment ses études  au collège de Virton, puis à l’Institut Agronomique de Gembloux, il devint Ingénieur Agronome. A Gembloux, il fera la connaissance et épousera en 1926 Alix Duculot fille de l’imprimeur Gembloutois Jules Duculot, lui-même frère d’Emile Duculot. Ce dernier devenu précédemment en 1914 le nouveau  Bourgmestre de Tamines, aura alors à subir, les 21, 22, 23 août, les mêmes atrocités allemandes, 315 fusillés sur place, 40 noyés, 22 hors fusillade, 13 carbonisés et 24 périrent des suites des événements. La ville entière fut pillée. Le commerce librairie du Bourgmestre, n’y échappera pas.

Le couple Bieuvelet  Nicolas – Duculot  Alix aura 4 enfants et Nicolas Emile fera carrière Au Congo. Un fils et un petit-fils naitront un 20 août, extraordinaire, comme pour conjurer le sort……

Nous ne pouvons terminer ce récit sans attirer votre attention, sur l’existence en Forêt de Soignes sur le territoire de la commune d’Uccle, d’un mausolée à la mémoire des forestiers morts pour la patrie. Il y sera érigé en 1920. Vous pouvez le retrouver sur la route Groenendael vers Uccle, bien connue des promeneurs.

Nous y relevons la liste suivante :

-          Bieuvelet  Jean Pierre, garde à Thibessart,

-          Coulon Gustave rené, garde à Etalle,

-          Cozier François joseph, brigadier à Rossignol,

-          Dauchy Servais, garde à Westoutre,

-          Graisse Pierre Jacques, garde à Latour,

-          Liégeois Arthur Joseph, garde à Daverdisse.

-          Marinier Philippe Augustin, garde surnuméraire à Forges,

-          Orban Alphonse, garde à Villers-Laroche,

-          Peygnard Charles valère, garde surnuméraire à Etalle,

-          Robert Alphonse Emile, brigadier à Anloy

-          Simon Albert antoine, garde à Soulme.

Nous ne pouvons les oublier.


Addendum : Forces Allemandes présentes à Thibessart le 20 août 1914.

-          4ème  armée Allemande du Duc albrecht Von Wutemberg,

-          6ème  corps d’armée du  Général Von Pritzelwitz :

-           La 11ème division d’infanterie (20.000h approx.) du Lt Général Friederich Von Webern, comprenant :

-          21ème  brigade d’infanterie  du Général Major Von Drabich-Waechter.

-          38ème  régiment fusiliers de Magdebourg du Colonel Von Kleinschmit, dont 3 bataillons.

-          10ème  régiment de grenadiers du Colonel  Von Geyso.

-          22ème  brigade d’infanterie du Colonel  Seydel.

-          11ème  régiment de Chasseurs à cheval. Major Von Roden.

-          11ème  régiment de grenadiers  du colonel Von Götzen

-          51ème  régiment d’infanterie du Colonel Rassow.

-          11ème  brigade d’artillerie de campagne  du Général Major Von Bischoffshausen.

-          6ème  régiment  d’artillerie de campagne du lieutenant colonel Von Zglinicki.

-          42ème  régiment d’artillerie de campagne du lieutenant colonel Von Heimburg.


Forces  Allemandes  présentes à Léglise le 20 août 1914.

-          La 12ème  division d’infanterie du Général Charles de Beaulieu

Jean-François Bieuvelet.






Bibliographie :

-          Imperial German Army  1914 1918, Herman Cron , Helion

-          Documents pour servir à l’histoire de l’Invasion Allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg, Chanoine Jean Schmitz et Dom Norbert Nieuwland, G. Van Oest  editeurs, 1920-1925.

-          Das füsilier Regiment Generalfeldmarchall Graf Moltke nr 38, Karl Burchardi, Gerhard Stalling, 1928

-          Histories of two hundred and fifty-one divisions of the German Army  which participated in the war (1914-1918), Washington Printing office, 1920

-          Carnet de route d’un soldat Allemand – Mémoire d’un inconnu, Erich X…..

-          Der erste Weltkrieg  1914 1918, Orte suchen, Malte Znaniecki , 2007.

-          Der erste Weltkrieg   1914 1918, Namen suchen, Malte Znaniecki , 2007.

-          Der erste Weltkrieg   1914 1918, info, Malte Znaniecki, 2007.

-          La Belgique et la guerre, j. Cuvelier, préface d’Henri Pirenne.

-          Historique du 3è régiment de chasseurs d’Afrique pendant la guerre 1914-1918, Berger Levrault.

-          Massacre de Tamines   Wikipédia.

-          La légende des Francs Tireurs de Dinant. Réponse au mémoire de M. le professeur Meurer de l’Université de Wurzbourg.  Dom Norbert Nieuwland et Maurice Tschoffen, Jules Duculot éditeur, 1928.

 



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