Médecins de la Grande Guerre

Le chef indien Francis Pegahmagabow combattit en Belgique !

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Le chef indien Francis Pegahmagabow
combattit en Belgique !



Le chef indien Francis Pegahmagabow en uniforme

       Francis « Peggy » Pegahmagabow, chef ojibwé, de nationalité canadienne est né le 9 mars 1889 dans la réserve de Parry Island, en Ontario.

       Il fut le soldat autochtone du Canada le plus décoré pendant la Première Guerre mondiale. Il est aussi connu pour avoir été durant la Première Guerre mondiale un tireur d’élite exceptionnel ayant, dit-on, fait plus de 300 prisonniers et abattu 378 soldats ennemis. Ce chiffre « dantesque » correspond t-il à la réalité ? Malgré mes recherches, je n’ai pas trouvé de réponse à cette question. Il semble que le nombre de ses ennemis abattus est cité par l’intéressé lui-même et est donc incontrôlable. Quoi qu’il en soit, si ce chiffre est vrai, il signifie que, Francis Paegahmagabow, durant chaque mois de guerre, a causé la mort d’environ dix soldats ennemis soit plus de deux par semaine ! Un guerrier effroyable dans une guerre affreuse comme le sont toutes les guerres. En tout cas, si ce chiffre peut être contesté, son courage exceptionnel, ne le fut jamais et fut récompensé par les plus hautes décorations.

       Il faut savoir qu’au début de la guerre en 1914, le gouvernement canadien exclut les peuples autochtones et les minorités ethniques du service militaire mais Francis est déterminé à prendre part à la Grande Guerre à laquelle participe les Canadiens au combat du Canada et il parvient à s’enrôler dans le contingent à l’étranger du 23e Régiment (Northern Pioneers) en août 1914. Il débarque en France en février 1915 avec la 1ère Division canadienne, forte de 20 000 hommes.

       Francis Pegahmagabow connaîtra alors son baptême de feu lors de la Deuxième bataille d’Ypres en avril 1915, bataille durant laquelle les Allemands emploient pour la première fois le gaz comme arme de combat. Francis survit à cette bataille dans laquelle son bataillon perdit la moitié de ses effectifs. Peu après, il est promu caporal suppléant en 1915 et combat à Festubert et Givenchy. Il est décoré pour son comportement héroïque de la Médaille militaire :
« Pour ses missions continuelles comme messager depuis le 14 février 1915 jusqu’en février 1916 durant lesquelles il transmit des messages avec bravoure et succès, cela durant la plupart des engagements à Ypres, Festubert et Givenchy. Dans ses missions il montra un mépris pour le danger et sa fidélité au devoir atteint un degré exceptionnel ».

       En juin 1916, Francis Pegahmagabow combat à la bataille du mont Sorrel, à l’est d’Ypres, où il capture plusieurs Allemands. Au cours de la guerre, on lui attribuera la capture d’environ 300 Allemands. Vous avez bien lu, il s’agit bien de trois cent prisonniers !

       On le retrouve ensuite participant à la bataille de la Somme de 1916 durant laquelle, il reçoit une balle à la jambe le 16 septembre 1916.

       Il revient en Belgique, et participe à la bataille de Passchendaele en novembre 1917.  Francis Pegahmagabow sera des ceux qui dans la boue et sous les tirs nourris de l’ennemi capturera la crête de Passchendaele. Il est récompensé par la « première agrafe » de sa Médaille militaire pendant cette bataille. Voici sa citation :
« A Passchendaele, les 6 et 7 novembre 1917, ce sous-officier fit un excellent travail. Avant et après l'attaque, il se tint en contact avec les flancs, les informant des unités qu'il avait vues, renseignements confirmant le succès de l'attaque et permettant de gagner un temps précieux pour l'opération de regroupement. Il conduisit en outre la relève à l'endroit où elle devait se trouver, après qu'elle se fut égarée. »

       En décembre 1917, il souffre de pneumonie et est évacué. En janvier 18, on le retrouve à l’hôpital Queen Mary’s for the East End (Stratford). Francis se plaint qu’il a des douleurs à la poitrine depuis l’été précédent et qu’il crache du sang à cause de son exposition aux gaz toxiques dans les tranchées.

       De retour au front, pour son action pendant la bataille de la Scarpe en août 1918, il est décoré d’une « deuxième agrafe »  de sa Médaille militaire.

       Voici sa citation (traduite) :
« Le 30 août 1918, a subi l’attaque des allemands sur la tranchée Orix à côté d’Upton Wood. Sa compagnie étant à court de munitions, brava alors les mitrailleuses ennemies pour parcourir le no-mans ’land et revenir chargé de munitions pour tenir la tranchée puis pour repousser l’ennemi dans une contre-attaque ». 

       Seuls 38 autres Canadiens reçurent l’honneur d’être décoré des « deux agrafes » de la Médaille militaire. A noter que Francis reçut aussi l’Étoile de 1914-1915, la Médaille de guerre britannique et la Médaille de la Victoire.

       Le 11 novembre, il est admis sur le navire-hôpital Carisbrook Castle avec la mention « mélancolie ». Une note de son dossier[1] signale que le sergent-major de la compagnie (SMC) le harcelait et que cette situation le déprimait. Il avait essayé en vain d’obtenir que les officiers interviennent pour mettre fin à cette situation, partagée d’ailleurs par d’autres sous-officiers. Les médecins notent aussi une hernie gauche qui le fait souffrir.

       En mars 19, le formulaire « Historique médical d’un invalide » indique qu’il « parle de manière rationnelle », mais qu’il souffre de maux de tête fréquents et que dans son sommeil, il reste conscient de tout ce qui se passe autour de lui. Il se plaint, qu’à certains moments, il perd la mémoire, qu’il tousse et que ses yeux le trahissent. « L’homme, mentionne ce document, affirme qu’il a été enterré trois fois et soufflé par une explosion une fois. Qu’il a été blessé quatre fois, mais qu’il été soigné seulement une fois. Jamais constaté de conséquences nerveuses dues aux chocs, à part quelques heures de paralysie, le 13 juin 1916 après qu’un obus ait explosé non loin de lui ».

       Manifestement, Francis souffrait de dépression et de shell shock à la fin de la guerre !

       De retour chez lui à Parry Island, avec un grade de sous-officier, Francis Pegahmagabow  démobilisé, s’attelle rapidement à un autre défi, celui de rétablir les droits de sa tribu. Il s’engage alors dans la vie politique et sociale. De 1921 à 1925, il est chef de la communauté indienne de Parry Island puis un de leur conseiller de 1933 à 1936. C’est durant cette époque qu’il envoie des lettres au premier ministre et aux décideurs politiques, exigeant un meilleur traitement des peuples autochtones. Son but est d’obtenir que le conseil tribal puisse obtenir la possibilité d’annuler des décisions prises par l’agent de la réserve indienne. Francis Pegahmagabow devient ainsi un des premiers militants du mouvement national des droits des Autochtones.

       Durant la Deuxième Guerre Mondiale, Francis Pegahmagabow travaille comme gardien à une usine de munitions près de Nobel, en Ontario et est sergent-major avec la milice locale. Il poursuivra sa défense des droits ancestraux et à partir de 1945 exercera deux mandats comme chef suprême du gouvernement des Autochtones, une des premières organisations politiques autochtones.



Francis Pegahmagabow en 1945

       Époux et père de six enfants, Francis Pegahmagabow décède le 5 août 1952 à 64 ans. Il s’éteint d’une crise cardiaque après avoir souffert pendant des années de poumons très endommagés.

        Le Canada lui rendra hommage en 2016 en inaugurant un monument à sa mémoire et en attribuant son nom au bâtiment qui héberge le 3e Groupe de patrouille des Rangers canadiens.



Le monument dédié à Francis Pegahmagabow

       Un autre hommage lui fut rendu par l’écrivain joseph Boyden dont le roman à succès « Le chemin de l’âme » est inspiré de sa vie.

Dr Loodts P.

 

 


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