Médecins de la Grande Guerre

Le sanctuaire à répit d’Avioth transformé en écurie !

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Le sanctuaire à répit d’Avioth transformé en écurie !

Avioth, d’après une carte de 1830. (Dessin E.H. Cordier)

Vue générale du village et de la basilique.

Vue générale du village et de la basilique de nos jours. (Photo Dr Loodts)

Devant la basilique. (Photo Dr Loodts)

Un des vitraux de la basilique. (Photo Dr Loodts)

Fer à cheval scellé dans le mur pour attacher les chevaux.

Fer à cheval scellé dans le mur pour attacher les chevaux.

La recevresse. (Photo F. De Look)

Notre-Dame d’Avioth. (Tiré de Avioth-Documents « B² » 2ème Edition 1992, Editions S.A.E.P. 68040 Ingersheim)

Chapelle Notre-Dame des Sept Douleurs de Vreeren : l’exemple d’un sanctuaire à répit dans la région de Tongres. (Photo F. De Look)

L’année de construction. (Photo F. De Look)

Notre-Dame des Sept Douleurs de Vreeren. (Photo F. De Look)

Tableau offert en ex-voto par les parents d’un enfant mort-né. (Photo Dr Loodts)

Tableau offert en ex-voto par les parents d’un enfant mort-né. (Photo F. De Look)

Gros plan sur l’enfant du tableau offert en ex-voto par les parents d’un enfant mort-né. (Photo Dr Loodts)

Le sanctuaire à répit d’Avioth transformé en écurie !

 

     Durant la guerre 14-18, l’église d’Avioth  surnommée la « cathédrale des champs » de par sa magnifique composition architecturale, fut transformée en une grande écurie militaire. Cent cinquante chevaux y trouvèrent refuge ! Après la guerre, un témoin rapporta que les habitants enlevèrent de l’église une couche de fumier atteignant par endroit une épaisseur d’un mètre vingt ! L’église Notre-Dame d’Avioth survécut heureusement à ce traumatisme ainsi qu’à celui qui lui fut occasionné par le vol de ses cinq cloches et de tous ses tuyaux d’orgue !

     Avioth est un petit village situé en France à quelques kilomètres de l’abbaye d’Orval. C’est un lieu  « inspiré »  qui, par une mystérieuse alchimie des sens, réveille en nous la conscience du lien mystérieux qui nous unit étroitement aux générations qui nous ont précédées. Participent à cette alchimie complexe, la limpidité de l’air, le paysage verdoyant qui chante la beauté d’une nature apprivoisée par le travail paysan humble et rude et naturellement la juxtaposition merveilleuse de milliers de pierres taillées pour se rapprocher du ciel !  De passage dans la région n’hésitez donc pas une seule seconde à faire un détour pour saluer Notre-Dame d’Avioth !

     Autrefois, Notre-Dame d’Avioth  possédait  une caractéristique qui nous paraît aujourd’hui bien étrange. Elle pouvait rendre la vie, ou en tout cas procurer des signes de vie, aux enfants mort-nés qui avaient été  exposés par leurs parents devant sa statue de bois. La durée de la courte résurrection des enfants  (quelques minutes à quelques heures) constituait un court répit (d’où le nom sanctuaire à répit)  permettant au prêtre d’administrer le sacrement de baptême. Pour les parents, le soulagement était considérable malgré le fait qu’ils savaient pertinemment que leur bébé ne reprendrait vie que pour être baptisé et embrassé une dernière fois !  Pour comprendre les parents de l’époque, il faut savoir qu’un enfant décédé sans baptême était, selon l’église, condamné à errer éternellement dans les limbes. De plus, il ne pouvait recevoir une sépulture dans le cimetière paroissial ! Comment faire le deuil de son enfant dans des conditions si dures ! On comprend donc que la sagesse populaire ait cherché à contourner le droit canon en se confiant à la Sainte Vierge qui savait mieux que les évêques ce que pouvait être la douleur parentale de perdre un enfant !  Le résultat de l’invocation à la Vierge semble avoir été très efficace : de 1673  à 1773, les archives écrites[1] concernant Avioth donnent les noms de 138 enfants qui furent baptisés après avoir retrouvé des signes de  vie aux pieds de la statue de la Vierge. Bien entendu ce phénomène fut décrit dans beaucoup d’autres lieux en France et en Belgique.    

En France, Avioth fut un des sanctuaires à répit les plus connus et le nom même d’« Avioth »  fut très tôt employé pour nommer les enfants mort-nés du nord de la France. Un autre sanctuaire très connu pour ses répits d’enfants fut celui de Moustiers-Sainte-Marie dédié à Notre-Dame de Beauvoir et où, entre 1640 et 1670, sont enregistrés pas moins de 332 cas de résurrection suivi du baptême !

     En Belgique aussi les sanctuaires furent nombreux et le plus célèbre fut celui de Moha près de Huy. Le sujet est loin d’être épuisé et  pour les lecteurs intéressés par les sanctuaires à répit de  notre pays, je joins ci-dessous l’article écrit par ma fille Isabelle il y a quelques années, en espérant qu’un étudiant en histoire le complète dans une thèse future !

 

Dr Loodts 

 

Les sanctuaires à répit en Belgique

 

     La mort d’un enfant, quelle que soit l’époque où le lieu, a toujours été une douleur pour les parents. Depuis la période éminemment chrétienne du Moyen-âge jusqu’au début du XXème siècle, ce traumatisme était accentué par la crainte que l’enfant n’ait pas le temps d’être baptisé avant sa mort. En effet, l’église prévoyait qu’en ce cas, l’enfant ne pourrait être enterré en terre consacrée, et que son âme rejoindrait les limbes, sans jamais pouvoir y trouver le repos. La tradition populaire voulait que ces âmes en peine errent dans le monde des vivants et se matérialisent de diverses façons : feux-follets, cris et bruits de chaînes dans la nuit.

     Il était donc de la plus haute importance pour les parents de recourir le plus rapidement possible au baptême, les cas de mortalité des enfants au cours de la grossesse et de l’accouchement étant dans ces périodes beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui. Une des façons de remédier à ce problème fut d’investir la sage-femme du droit d’ondoyer le nouveau-né dès sa venue au monde, à condition qu’il soit vivant. Mais lorsque l’enfant naissait déjà mort, les parents devaient se résoudre à l’enterrer ailleurs que dans le cimetière paroissial, dans un coin de leur jardin par exemple. C’est alors que les parents qui ne pouvaient se résigner à accepter le sort de leur enfant se mettaient en route vers les « sanctuaires à répit ». C’est souvent le père de l’enfant, la sage-femme ou un autre membre de la famille qui se rend sur place, la mère devant attendre d’être relevée de ses couches. L’enfant, parfois déjà enterré depuis quelques heures ou quelques jours, était sorti de terre et emmené jusqu’au lieu réputé miraculeux dans le tablier de la sage-femme, ou dans un drap ou une besace...

     La réputation des « sanctuaires à répit » était bâtie sur le pouvoir miraculeux d’une image sainte, le plus souvent celle de la Vierge, de rendre la vie aux enfants mort-nés durant une période assez longue pour qu’ils puissent être baptisés en bonne et due forme. Arrivé dans le sanctuaire, l’enfant était posé nu sur la pierre de l’autel, devant l’image miraculeuse. Le père entamait une longue série de prières, accompagné par le prêtre du lieu, de paroissiens et de proches. Il arrivait alors qu’au bout de quelques heures ou quelques jours de prières, l’enfant montre des signes de vie : rougissement de la peau, écoulements de sueur, d’urine ou de sang, mouvements de membres...

     L’enfant présente ces signes durant quelques heures ou même plusieurs jours, et c’est durant cet « état de grâce » qu’il reçoit le baptême ou plutôt l’ « ondoiement ». En effet, il est rare que l’enfant reçoive la totalité du sacrement et un prénom[2]. L’ondoiement est d’ailleurs prononcé « sous condition », par l’utilisation de la formule « si tu es vivant, je te baptise... ». Les parents assistent alors, l’esprit en paix, au retour à la mort de leur enfant, qui pourra être enterré dans le cimetière paroissial.

     Ces cas de « résurrection temporaire » furent relativement fréquents en Europe occidentale pour la période qui va de la fin du XIVème siècle au début du XXème siècle. La France à elle seule compte plus de 260 « sanctuaires à répit[3] ». En ce qui concerne la Belgique, aucun inventaire n’a encore été publié, mais on peut estimer le nombre de ce type de sanctuaires à plus d’une cinquantaine[4]. Il peut s’agir de sanctuaires dont la réputation a un large rayonnement et où l’on a dénombré plusieurs dizaines de cas, ou de sanctuaires où les cas furent moins fréquents, voire à cas unique. On peut citer en exemple les sanctuaires à répit très connus de Notre-Dame du Saint Rosaire à Moha[5], ou de Notre-Dame des Malades à Malmédy, mais aussi ceux, aujourd’hui tombés dans l’oubli, de Liège (Notre-Dame de St Séverin, St Lambert, St Remy, Ste Foy)[6], Couvin[7], Poperinge[8], Rochefort[9], Marche en Famenne[10], Freeren[11], Oisy[12], Samrée[13]...

     Dans chacun de ces cas, le principal témoignage historique est la narration et description plus ou moins détaillée des faits laissée par le curé du sanctuaire dans le carnet paroissial. Des tableaux, offerts à la paroisse en guise d’ex-voto par les parents, constituent également une démonstration de ce phénomène. A Moha par exemple, non loin de Huy, 4 tableaux de ce type ornaient la chapelle Notre-Dame du Saint Rosaire. Ces tableaux représentent le plus souvent un enfant nu, mort ou vivant mais béat, couché à l’avant plan, et touché par la lumière de la Vierge représentée dans le coin supérieur droit ou gauche du tableau. Un texte, dans le bas du tableau, relate le fait miraculeux, reprenant la date, le nombre d’heures que l’enfant a vécu, le nom de ses parents, et les symptômes de vie qu’il a présentés...

     En Belgique, la légende de St Mort, remontant à la fin du VIIème siècle est le témoin de l’ancienneté de ce phénomène et de l’importance qui lui est accordée : cet enfant mort-né exposé devant Notre-Dame de la Vignette à Huy connut un retour définitif à la vie.

     Quel regard poser aujourd’hui sur les « répits » ? Le nombre de cas à travers les siècles et les régions pour lesquels on possède une relation détaillée de ce phénomène nous empêche d’expliquer celui-ci par un simple phénomène d’illusion ou de tromperie collective[14]... Cependant, la place que prenait autrefois le surnaturel dans la société rurale ne doit pas être négligée : (...) à force de croire à la possibilité d’un retour temporaire à la vie, à force de le désirer et de le dire, n’était-on pas conduit à « voir » effectivement le corps de l’enfant se métamorphoser ? »[15]

     Afin de mieux comprendre les signes de vie observés, il est important de tenir compte des différents cadres de variations dans lesquels ils s’inscrivent : quelles sont les parties du corps qui sont touchées par ces signes, les spécificités morphologiques de l’individu, l’âge du fœtus, mais également le temps écoulé depuis l’accouchement, ainsi que la température ambiante...[16]

     Ces signes de vie peuvent apparaître sur toutes les parties du corps. La couleur « vermeille », et la chaleur se marquent en premier lieu sur la tête, et ensuite sur la poitrine et le ventre. Dans un second temps, des mouvements plus ou moins larges selon les cas sont observés, ainsi que des écoulements de sueur, d’urine ou de sang, le long du nez ou des oreilles. Enfin, il arrive que l’on note des battements de cœur, soulèvements thoraciques[17],...

     Les descriptions de « répits » permettent de les diviser en trois phases successives dont les durées respectives sont variables[18] :

1.      Constat de la mort.

2.      Apparition des « signes de vie » et baptême.

3.      Retour à la mort.

     Si l’on admet comme hypothèse de départ que les enfants « suscités » sont bel et bien morts et non pas plongés dans un état comateux interprété comme tel, nous essaierons de mieux cerner ce phénomène du point-de-vue médical. Les nombreux progrès médicaux du siècle dernier ont permis de décrire l’évolution du corps des enfants mort-nés :

     A sa naissance, l’enfant est pâle et sans mouvement. Le refroidissement du corps débute directement et sera d’autant plus rapide que chez l’enfant, cette surface est proportionnellement plus grande que chez l’adulte. Lors de ce refroidissement, les muscles se contractent, perdent leur alcalinité et s’acidifient... Après quelques dizaines de minutes, le cadavre est rigide. Ensuite, au bout de quelques heures ou de quelques jours, le corps pourra se réchauffer et redevenir plus flexible. C’est à ce moment que le corps commence à se décomposer... Cette décomposition peut occasionner des déplacements de membres et des bruits, dus au relâchement des muscles et sphincters, de l’estomac et du ventre[19]...

     Le siècle des Lumières accentua la méfiance générale et en particulier celle de l’église vis-à-vis de ces phénomènes, et dès le début du XVIIème siècle, il fut de plus en plus fréquent que l’on fit appel à un ou plusieurs membres du corps médical, afin de venir observer et cautionner le miracle[20]. Ainsi, en 1708, certains constatèrent l’authenticité des signes de vies apparus sur un enfant emmené au sanctuaire de Moha, insinuant que les mouvements et changements observés avaient sans doute été causés par les vers et la putréfaction. Le curé de l’époque fit déterrer l’enfant et fit procéder à une autopsie qui permit aux contestataires de vérifier eux-mêmes l’état intact de toutes les parties internes du corps de l’enfant[21]. Les « suscitations » continuèrent à se produire durant près de deux siècles, mais à partir du XVIIème siècle, elles ne furent interprétées que comme des survivances rituelles[22].

     L’attitude de l’église vis-à-vis des « répits » fut à travers les siècles assez équivoque, entre le doute, la méfiance, et l’envie d’utiliser ceux-ci comme démonstration de la souveraineté de Dieu[23]. Le corps médical fut utilisé par l’église de manière ambivalente, selon les époques et la position de l’Eglise vis-à-vis du phénomène. Tantôt, les praticiens étaient appelés par les religieux afin de surveiller des pratiques jugées douteuses et dénoncer les supercheries, tantôt ils servaient de « garantie » scientifique pour la propagande favorisant un sanctuaire[24].

     A partir du XVIème siècle et surtout du XVIIème siècle, de nombreux synodes s’opposèrent à la coutume des « répits » et la condamnèrent sévèrement[25]. Cependant, cette contestation ne toucha pas, jusqu’au milieu du XVIIème siècle, les deux diocèses de Liège et de Cologne. L’Ardenne belge fit donc figure, jusqu’à une époque tardive, de « terre de répits[26] ». Le maintien du phénomène dans cette région au cours du XVIIème siècle est doublement original, car alors que dans les autres régions, les croyances religieuses s’affaiblissent, dans celle-ci, elles restent solidement ancrées[27]... Les différents ordres religieux implantés dans cette région favorisent même ces cultes et dévotions, se servant même de cette religion « en sentiments » pour mieux s’assurer plus facilement une influence sur la population...

     Bien que, depuis très tôt, l’on ait fait appel à un ou plusieurs membres du corps médical au sens large, c'est-à-dire le médecin, le chirurgien, la sage-femme ou la matrone, afin de témoigner de l’existence des signes de vie, ce sont les récits ecclésiastiques qui restent les principales sources historiques[28]. Ces procès-verbaux ne font souvent que mentionner la présence du ou des membres du corps médical, la présentant comme une caution, sans faire mention d’une véritable analyse médicale de ces signes.

     Jusqu’au cours du XVIIIème siècle, dans la plupart des cas, le praticien n’intervient pas dans le constat de la mort, mais uniquement dans celui des signes de vie... C’est à ce moment que l’on fait appel à lui, afin qu’il vienne examiner et palper l’enfant[29]. Au cours du XVIIIème siècle, la mentalité va changer : les membres de la profession médicale vont prendre conscience de la profonde contradiction entre le rôle qu’ils occupent dans les répits et l’idée qu’ils se font de leur fonction. Il ne leur suffit plus d’être les garants de ces moments de grâce, mais il leur paraît à présent primordial de tout faire pour sauver véritablement le nouveau-né[30]. Ce changement d’attitude de la profession médicale est le reflet d’une nouvelle conception du corps qui se matérialise notamment par le « fantasme de l’enterré-vif » qui a fait frissonner toute l’Europe peu avant le milieu du XVIIIème siècle[31]. C’est à partir de cette époque que le praticien interviendra dès la naissance. Avec les nouvelles préoccupations concernant la vie et les progrès récemment réalisés en anatomie et physiologie, les scientifiques et praticiens vont se poser la question de la réanimation des nouveau-nés : en effet, dans certains cas, les enfants emmenés aux sanctuaires à répit ont pu définitivement retrouver la vie[32]. Reconnaissant au travers des témoignages de tels cas de coma prolongé, les médecins vont essayer de mettre au point des méthodes de réanimation des nouveau-nés, qui, à partir de la seconde moitié  du XVIIème siècle, trouveront souvent leur place dans un chapitre des manuels d’obstétrique[33].

     Malgré ce détachement du corps médical et de l’Eglise vis-à-vis du phénomène, les sanctuaires à répit continuèrent à être fréquentés jusqu’au début de notre siècle. Cette fréquentation se maintint jusqu’à la première guerre mondiale, époque à laquelle elle disparut, ainsi qu’une série d’autres rites appartenant à la culture rurale[34].

 

Isabelle Loodts

 

 

 

Bibliographie

 

Bernos M.1970, Réflexions sur un miracle à l’Annonciade d’Aix-en-Provence. Contribution à l’étude des sanctuaires «à répit », Annales du Midi, pp.5-19.

De Warsage R.1920, Le calendrier populaire Wallon, Anvers. (p.62-63)

Foulon R., Légendes et contes d’Entre-Sambre-et-Meuse, p.94

Gélis J. 1982, Miracle et médecine aux siècles classiques : Le corps médical et le retour temporaire à la vie des mort-nés In La Médicalisation de la société française, 1770-1830, Historical Reflections / Réflexions historiques, vol.9, n°1&2, Waterloo (Canada)

Gélis J. 1984, L’arbre et le fruit, La naissance dans l’occident moderne, XVIè – XIXè siècle, Fayard, Paris.

Gélis J. 1987, Les « sanctuaires à répit » dans les Ardennes belges et françaises In Art religieux et croyances populaires en Ardenne et Luxembourg, Trésors d’Ardenne, Bastogne, pp.55-64

Geradin A. 1935, Notre-Dame du Saint Rosaire à Moha,Liège.

Koeck P. et Lambert P. 1976 Guide noir de la Belgique, Bruxelles, pp.40-45.

Lechanteur J. 19.., Résurrections d’enfants mort-nés (quelques cas liégeois)

Les Vierges miraculeuses de Belgique 1855, imprimerie Parent, Bruxelles

Montulet-Henneau M.-E. 1986, Un village hesbignon aux portes du paradis : résurrections d’enfants mort-nés au sanctuaire « à répit » de Moha (1707-1733) In Annales du Cercle hutois des sciences et beaux-arts, Tome XL, 111ème année.

Schoutens S.s.d., Onze-lieve-vrouw der zeven weeën of van vordkapel te Freeren, s.l.  

    

 

     

 

NOTRE-DAME DES SEPTS SOUFFRANCES OU DE LA CHAPELLE VORD A FREEREN

 

Par P. Fr. Stephanus Schoutens Frère-Mineur-Recollet

 

 

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Déclaration de l’écrivain.

Comme il convient à un enfant du saint Père Franciscus, je dépose ce travail devant les pieds de notre dame de la sainte Eglise catholique, et je déclare ne pas vouloir éviter son jugement en dénomant de miracle les merveilles citées. 

 

 

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NOTRE-DAME DE FREEREN

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Le village de Freeren, qui se trouve au sud de Tongres, à une heure de cette ville, à la frontière des provinces du Limbourg et de Liège, possède depuis plusieurs siècles une statue miraculeuse de la Mère de Dieu, qui est adorée sous la dénomination de Notre-Dame des septs souffrances.  La statue ne fait que 25 cm et représente la Sainte Vierge, comme en général les statues qui sont adorées sous ce nom,  avec le corps mort de son Fils divin sur ses genoux.

A une certaine époque, mais nulle part il n’est mentionné quand, la statue se trouvait dans le mur d’un batiment, pas loin de la maison de débauche ; mais un certain jour on l’a trouvée sur l’endroit où en 1669 la famille noble de Sélys-de Fanso... à construit une chapelle pour l’adorer et où elle se trouve encore de nos jours.  Cet oratoire se trouve à quelques minutes de l’église de la paroisse et est nommée la chapelle de Vord, Capllea B.M.V in Vorda dans les anciennes écritures.

Ce déplacement bizarre, dont personne n’arrivait à comprendre la cause, est devenu notoire.  Les paroissiens de Freeren, reconnaissants pour le trésor qui leur était confié par le Ciel, respectaient fortement cette statue ; les habitants des villages aux alentours les suivaient et bientôt des pèlerins de partout venaient au sanctuaire de Marie ; parce qu’un grand nombre de miracles s’y produisait grâce à son intervention. 

Un ancien registre de l’église de paroisse, redigé par les curés de Freeren fait mention des faveurs suivantes obtenues dans la chapelle. .

 

-          Le 25 mars 1730, un enfant mort-né de Bolre a été déposé devant la statue miraculeuse de Notre-Dame dans la chapelle mentionnée ci-dessus, pour être baptisé le 2 avril suivant par Huibrecht Goddet, notre paroissien, après plusieurs signes de vie. 

-          Le 27 avril 1730, l’enfant mort-né de Hendrik Cunen et Cornelia Wolts, de Spauwen, a été déposé devant la statue miraculeuse, pour être baptisé après plusieurs signes de vie le 5 mai suivant par Huibrecht Goddet, notre paroissien, un jeune très pieux et de bon comportement.

-          Le 25 juillet 1733, l’enfant des époux Fastrard Loës et Hubertina Defaijs, de Velroux, a été déposé devant la statue miraculeuse et le 27 il a reçu la grâce du Baptême, après avoir donné plusieurs signes de vie en la présence de Barthel Defaijs et Godevaart Regis, qui en ont témoigné sous serment.

-          Le 11 février 1734, l’enfant légitime de Berhard Graeven, de Sutendael, a été déposé devant la statue miraculeuse et après avoir donné plusieurs signes de vie, il a été baptisé le 28 de ce mois en la présence de 28 personnes, dont les noms sont notés et qui ont tous témoigné de la véracité de cet événement. 

-          Le 1ier septembre 1734, l’enfant légitime de Jan Castermans, de Heuckelom, Riemst, a été déposé devant la statue miraculeuse et après avoir donné plusieurs signes de vie, il a été baptisé le 6 de ce mois-là par Huibrecht Goddet.  Ceci me semblait (écrivait le curé du moment) peu probable, mais comme une femme pieuse, qui n’a pas quitté l’enfant pendant le moindre moment, et les autres personnes présentes dans la chapelle ont confirmé sous serment que l’enfant donnait vraiment signe de vie, j’ai jugé devoir mentionner ce fait dans mon registre.

-          Le 17 septembre 1736, l’enfant légitime de Lambrecht Racé, d’Othey, a été posé devant la statue miraculeuse et le 4 octobre suivant baptisé par Jan Wery, en la présence de cinq autres personnes (dont les noms sont repris dans le registre), qui ont tous déclarés que l’enfant mentionné ci-dessus a donné signe de vie même après le baptême.

-          Le 29 novembre 1737, l’enfant légitime des époux Pieter Pierre et Agnes Alexandre,  de Villers-l’Evêque, a été déposé devant la même statue miraculeuse, pour recevoir la grâce du Baptême, comme plusieurs personnes crédibles en ont témoigné.

-          Le 26 février 1737,  l’enfant légitime de N. Niewmoulin, du village Grandville, a été déposé devant la statue miraculeuse et a été baptisé par Monsieur le curé de Hamale, qui a déclaré ceci :

 « Moi, sous-signé, déclare avoir trouvé un enfant dans la chapelle de Freeren, tenant les bras et avec une chaleur vive sur tout son corps et bien changé ; raison pour laquelle j’ai accepté de le baptiser.  Comme témoignage de ce fait, j’ai signé ce document de ma propre main.  Les témoins étaient Maria Hiroulle et Pieter Warnotte.

Signé : P. BOELEN, Curé de Hamale. »

-          Le 22 janvier 1738, l’enfant légitime des époux Egbrecht Gilissen et Helena Dubois, de Malines, a été déposé devant la même statue miraculeuse, pour recevoir la grâce du Baptême, comme plusieurs témoins crédibles l’ont confirmé.

-          Le 20 avril 1739, un enfant de Glons a été déposé devant la statue miraculeuse à la demande de Monsieur le Curé de ce village ; il a reçu la grâce du Baptême, après avoir donné des multiples signes de vie, comme plusieurs personnes en ont témoigné.  Monsieur le Curé est venu cherche l’enfant en procession et il a chanté dans la chapelle une messe de reconnaissance.

-          Le 24 août 1739, l’enfant de Raas Petems, d’Oupeye, a été posé devant la statue miraculeuse, à la demande de Monsieur le Curé de ce village et il a reçu la grâce du Baptême le 2 septembre, à 3 heures le matin après avoir donné plusieurs signes de vie, comme beaucoup de gens en ont témoigné. 

-          Le 9 décembre 1740, à la demande de Monsieur le Curé Domien Cronarts de Baelen, l’enfant des époux Wouter Prats et Elisabeth Tielens a été déposé devant la statue miraculeuse de la sainte et immaculée Vierge, et le 20 du même mois, il a reçu la grâce du Baptême, d’après le témoignage de plusieurs personnes crédibles.

-          Le 26 mai 1741, dans la chapelle mentionnée ci-dessus, un enfant a été déposé à la demande de Monsieur le Curé Printhaye, Curé de Hodeige et Diacre du Conseil de Hozemont, et il a été baptisé le 8 juin d’après le témoignage de plusieurs personnes.

-          Le 22 octobre 1741, à la demande de Monsieur le Curé Vossius, Curé de Veltwezelt, l’enfant de Cornelis Vrancken a été déposé et treize témoins ont déclaré qu’il a été baptisé le 4 novembre après avoir donné signe de vie.

-          En 1745, à la demande de Monsieur le Curé de Thys, l’enfant de Pieter Bouvroux a été posé dans ladite chapelle et à la fête du Saint Joseph il a reçu la grâce du Baptême comme onze personnes en ont témoigné.  Le père a donné deux petits chandeliers en argent, qui valaient 10 impériales.

-          Le 10 juin 1745, dans ladite chapelle, à la demande de Monsieur le Curé Pieter Baillien, Prêtre de Wegis, dans l’absence de Monsieur le Curé, l’enfant de Rijkaart Bouveroy a été déposé et plusieurs témoins ont dit qu’il a reçu la grâce du baptême.

-          A la demande de Monsieur le Curé Jan-Isidoor Bocquet, curé de Bassenge, le 22 mars 1747, l’enfant des époux Thomas Antoine et Margarita Kram a été déposé et, d’après trois témoins, a reçu la grâce du baptême.

-          Le 16 avril 1747, à la demande de Monsieur le Curé Pieter Baillien, Prêtre et Vicaire à Wegis, l’enfant des époux Jan Milisen et Elisabeth van Ormelingen a été déposé, qui a été baptisé d’après ce que racontent plusieurs témoins.  Le père de l’enfant a donné une petite croix en or en reconnaissance.

-          Le 22 décembre 1748, à la demande de Monsieur le Curé de Vothem, l’enfant des époux Jan Cloet et N.N., de la paroisse de Vothem, a été déposé devant la statue miraculeuse de Notre-Dame à Vord, et le 7 de l’année 1749 l’enfant avait comme signe de vie une belle couleur naturelle ainsi qu’une chaleur naturelle, pendant que quelques gouttes de sang coulaient de son nez.  Pieter Kersten a baptisé cet enfant devant six personnes (dont les noms ont été enregistrés) qui ont tous confirmés qu’ils ont tout vu.

C’est ce qu’on raconte, j’en suis témoin, I. MEYERS

 

Dans la chapelle se trouve une peinture, comme souvenir d’un tel miracle.  On y lit l’inscription suivante:


Tableau offert en ex-voto par les parents d’un enfant mort-né. (Photo F. De Look)

«  Le 12 octobre 1750. Jean-Franc : Cerexhe et Elisabeth Polis, mariés dans la paroisse de Sint-Nicolaes à Maestricht, natif de Herf, ont exposé leur enfant né-mort devant la statue miraculeuse de la sainte Vierge qui est devenu d’une vive couleur et naturelle sueur remue sa main droite plusieur fois et donne différent autre signe de vie.  Le 24 il a été baptisé par Elis : Licop en présence de Mar : Elis : Larou, Elis : Sutendal, Cath : Meesen et beaucoup d’autres d’après l’attestation de Monsieur le Curé. »

En remerciement des bienfaits curieux, reçus grâce à Marie, et afin d’en obtenir d’avantage, on a commencé en 1730 avec une procession vers la chapelle les jours de fêtes de la Notre-Dame, où le matin et l’après-midi se tenaient les cérémonies religieuses en la présence de beaucoup de monde. Ces jours-là, on pouvait se confesser et on distribuait la sainte communion.

Au XVIIIième siècle le sanctuaire a été victime de vol, et il a souffert aussi des guerres.  Monsieur le Curé Jan Meyers, qui occupait le 10 mars 1748 la cure de Freeren, s’est lancé immédiatement dans la rénovation de cet oratoire décrépite.  A ses propres frais il a fait réparer le bâtiment, refaire les vêtements et décorations qui pouvaient encore servir, et il a équipé la chapelle de tout ce qu’il fallait pour que les cérémonies y aient lieu.  Dans le siècle dernier un prêtre s’occupait de cet oratoire, comme de la chapelle de Wihogne, qui dépendait de Freeren.  Jusqu’à nos jours le culte de Marie y subsiste ; il y a toujours des pèlerins, et régulièrement on y voit les faveurs que Marie accorde à ses serviteurs. Tous les jours de fête de Notre-Dame il y a beaucoup de monde, mais le plus le Jour de l’Ascension de Notre-Dame et le dimanche suivant, quand les habitants de Maastricht viennent en procession.

Le 12 novembre 1816, le pape Pius VII a accordé une indulgence plénière à tous les croyants qui, aux jours spécifiés par les autorités religieuses, se joindraient à une procession et de cette façon visiteraient la chapelle.

Approbations : Imprimi potest, servatis servandis.

Mechliniae 7 januarii 1878

Fr. Bernardus VAN LOO

Min.-Prov

 

Imprimatur: Leodii 16 Januarii 1878

+ THEODORUS, Episc. Leod.

Imprimerie: Saint-Trond

J.T. Schouberechts-Vanwest

Un grand merci à Inge Imberechts pour la traduction de ce document.





[1] Le lecteur intéressé lira « Deux suppléments au « Bref recueil » 1668 de l’Etat de l’Eglise Notre-Dame d’Avioth de Jean Delhotel, 1992, Editions S. A. E. P. 68040 Ingersheim

[2] Gélis 1987, p.60

[3] Gélis, 1987,p.56 (tiré à part).

[4] Un inventaire des sanctuaires à répit de Belgique est en cours de réalisation par J. Gélis.

[5] Géradin et Montulet-Henneau.

[6] Lechanteur 19......

[7] Légendes et contes d’Entre Sambre et Meuse, Roger Foulon 1989 Edition Paul Legrain

[8] Guide noir de la Belgique 1976 p.41 à 44.

[9] Gélis 1987.

[10] Gélis 1987.

[11] Schoutens

[12] Gélis 1987, p.57.

[13] Ibidem

[14] Gélis 1982, p.93 et Gélis 1987 p.60.

[15] Gélis 1987, p.60.

[16] Ibidem, p.59.

[17] Ibidem, p.59 et 60.

[18] Ibidem, p.60.

[19] Gélis 1987, p.60 et Bernos 1970, pp.14-19.

[20] Ibidem, p.60

[21] Géradin 1935, p.15.

[22] Gélis 1982, p.87.

[23] Ibidem p.61

[24] Gélis 1982, p.97

[25] Gélis 1987, p.62.

[26] Gélis 1987, p.62.

[27] Gélis 1987, p.62.

[28] Gélis 1982, p.94-95.

[29] Gélis 1982, p.96.

[30] Gélis 1982, p.98.

[31] Gélis 1982, p.98.

[32] Gélis 1982, p.100.

[33] Gélis 1982, p.101.

[34] Gélis 1982, p.101.