Médecins de la Grande Guerre

Jean Olieslagers, le « Démon d'Anvers ».

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JEAN  OLIESLAGERS[1]


Jean Olieslagers, le « Démon d’Anvers »

       Qui ne connaît le démon Anversois. G. Raal écrivit de lui, quand un aviateur détruisit, à Hoboken un torpilleur, action d'éclat qu'on attribua à Jan : Ce beau naturel Anversois, ignorant la littérature livresque, les études artistiques, qui ne courut jamais derrière un drapeau d'intellectuels, mais se donna corps et âme aux grandes impulsions du plaisir et du rythme de moteurs ronflants et de poursuites tumultueuses. Ainsi que tous les jeunes gens Anversois, s'adonnait à l'expression artistique mais inculte de la beauté floue par une ligne gracieuse ou un tour, un geste, une pose, un coup d'œil ; un trait de la bouche contractée et le claquement d'un juron.

       Tout s'harmonise si bien dans la rudesse superficielle de Jean, son esprit d'entreprise, sa hardiesse, son habileté, sa témérité, sa popularité, ses succès extraordinaires, le val et vient de chaque jour, avec des alternatives de beaucoup et de peu de chance. Dehors intime et spécial qui crée Jean vrai Sinjoor, auquel, à travers toute la Belgique, il doit le nom de « Démon d'Anvers » qu'on lui attribua comme une marque de sang. Quand Jean vola encore en piste et passa en soubresauts violents devant vous, fixant le regard droit devant lui, il s'adonna entièrement aux risques de son tempérament hasardeux. Dans la course échevelée de quatre vingt milles à l'heure il fit battre tous les cœurs, il n'y eut personne qui ne pensait ne souhaitait : « Je voudrais que Jean gagne. » .J'ai éprouvé personnellement plusieurs fois une grande sensation, quelque chose qui me glaça jusqu'à la racine des cheveux quand je vis Jean passer comme un bolide dans le spasme enfiévré de son moteur échauffé, quand je le vis effectuer le virement avec autant de grâce que s'il survolait à l'aise, mais impétueux dans le développement de la course d'assaut.

       Un jour je vis Jean tournoyer dans toute la longueur de son corps, trois mètres au-dessus de son moteur sauté par la chaleur et il le fit gracieusement, tel un artiste, que je m'écrirai inconscient, bravo, Jean ! Le peu de susceptibilité de Jean est aussi un de ses signes les plus caractéristiques et j'aurai l'occasion plus loin d'y insister. Quand Jean entre même en colère pour défendre ce qu'il appelle « le sien » ce qui est droit et juste alors il sait se maîtriser si bien, si gentiment, au point que l'on est de nouveau charmé par la séduction de sa parole, la parole imagée, colorée, douce des bords de l'Escaut. La tenue de Jean au moteur, en auto, en aéroplane a toujours quelque chose qui captive, qui tente, surtout au moteur il sait se tenir de telle façon, que l'on peut le reconnaitre dans le lointain à la belle courbe de son dos, à sa façon caractéristique de pousser la tête.

       On peut le désigner immédiatement dans son Blériot. Sa tête et son dos semblent modelés en ovale avec le dessin de sa machine.

       C'est de Jean que je veux narrer quelque chose, de Jean l'Anversois, plein de jovialité et d'expansion, anormal, s'éloignant de la grande ligne de vie mais toujours grand enfant, fidèle et sincère, serviable dans le moment suprême avec la générosité d'un héros. Les héros trouvent leur ressort dans de pareilles âmes, de l'abondance de ce moral riche résulte la grandeur d'une action. Pensez à Gavroche dans les « Misérables » de Victor Hugo.

       Pendant une conversation suggestive entre une Anversois et un Bruxellois sur les richesses et les curiosités de leur ville réciproque j'entends s'écrier à bout de ressources :

       « Nous, nous avons encore notre Jean Olieslagers ». Celui-là, vous ne l'avez pas.

       C'était une exclamation à laquelle le « Ketje » ne sut répondre.

       Il regarde le Sinjoor interrogativement, quand il vit que celui-ci le prit au sérieux il s'avoua vaincu...

       Il en est ainsi, la popularité de Jean est une des choses remarquables d'Anvers. Le sens populaire lui reconnait une richesse sans pareille et si à La Haye on donne son nom à une rue, on peut affirmer sans crainte que la popularité d'Olieslagers est aussi grande dans certains quartiers de notre ville que dans la capitale Néerlandaise.

       D'où Jean, la tirait, je ne le sais pas précisément. Il y a des points de départ et de rencontre qui possèdent une force effective. Quelques individus exercent dans de petits ou grands milieux une influence incontestable. On a pu l'observer plus d'une fois dans l'histoire. Il en aura été certainement ainsi de Jean. S'écarter de la façon de faire des gens ordinaires, la brutalité dans l'accomplissement d'une action qui exigerait d'autres hommes un courage extraordinaire, une témérité pour se faire remarquer et se faire aimer.

       D'ailleurs le peuple est un grand enfant, l'expression de son être est impulsive, intuitive, des courants inconnus et mystérieux le font sursauter et tressaillir, en amour comme en haine il faut une accumulation pour arriver à une explosion.

       Pareil individu devient une fiction. Le trésor linguistique, la collection de mots dans le riche langage populaire s'agrandit. La taille vient à côté du nom, le cœur travaille extérieurement par la bouche et par les yeux.

       Quand on entend, le ronflement d'un avion, les yeux des enfants se dirigent vers le ciel, les doigts se  lèvent et on entend retentir dans la rue : « Olieslagers, Olieslagers ». Même quand l'avion élégant et élancé est dirigé là-haut au-dessus de Notre- Dame par un tout autre, ce doit encore être dans la bouche du peuple « Olieslagers ». Ne disais-je pas que Jean est une curiosité Anversoise, qui plane plus haut que tous les bâtiments de la fière cité du port et n'est-il pas dans le cœur du peuple la personnification de courage et d'entreprise, l'aviateur des aviateurs.

       Jean occupait cependant déjà une grande place dans l'estime du peuple avant le développement de l'aviation. J'en fus convaincu en novembre 1909. Quand on fit à la plaine de Wilryck les premières démonstrations publiques d'aviation on ne parlait pas tant du Baron de Caters ni de Rougier qui avaient déjà gagné leurs éperons sur le chemin des airs, mais de Jean, de Jean encore, incapable, inhabile dans l'aviation.

       Olieslagers va voler, disait-on partout dans les quartiers populaires.

       Cela produisit un effet magique et fit courir toute la ville vers les remparts de l'Ouest.

       Jean monta son Blériot et déploya toutes les forces de son âme de diable pour mettre en mouvement son moteur Anzani, qui était sur le point de faire éclater sa célébrité, mais sa confiance, son espoir lui furent néfastes ,et étouffèrent tout ce qui fit battre son cœur, d'avancement et d'esprit d'entreprises. Rougier gagna le record mondial en hauteur et monta à 270 mètres. Il vola pendant ces jours sensationnels sur une longueur de 101 kilomètres, Brégi aussi vola, Molon vola et le Zodiac emporta le Prince Albert pour une magnifique excursion au-dessus de la province, notre Jean n'eut pas de chance au début, un saut en l'air fit éclater sa machine. Mais il y eut pendant ces jours et dans cette plaine tant de déceptions que le chagrin de Jean entra à peine en ligne de compte.

       Néanmoins, le jour des morts, après une journée de douce température el de sanctification, quand le crépuscule s'étendait comme un chant gris sur la plaine et que le peuple retournait déjà vers la ville, retentit tout à coup le ronflement d'un moteur et l'on vit planer dans l'atmosphère grise un oiseau gigantesque. A la descente l'aviateur en sortit, un cri de triomphe rauque retentit sur la plaine. « J'ai volé ! J'ai volé ! »

       C'était Olieslagers qui fou de joie, heureux comme un enfant, courut de droite à gauche, donna l'air à sa fierté, à sa joie. Ce saut dans l'espace était le début de la carrière glorieuse de Jean. Lui qui aimait à fréquenter les hommes, qui buvait dans les nouveaux et les vieux cafés des bières d'orge et d'autres boissons pétillantes jusqu'au moment où, le soleil de Dieu s'élevait dans le ciel doré, il pourra désormais s'élever au dessus de la multitude, il planerait et jouirait de l'ivresse inconnue des éblouissements dans l'air.

       Je ne connais pas Jean intimement, je l'ai vu cependant des centaines de fois sur la plaine d'aviation, et dans les concours ; plusieurs fois, j'écrivis mes impressions, soit bonnes, soit des critiques, sans que je lui adressai jamais la parole. J'observais et j'écoutais, regardais sa manière de faire, analysant ses agissements, ses mouvements, sa manière de travailler, son rire et parler, ses montées et ses descentes. J'entendais sa parole bruyante et Anversoise, sa nonchalance, ses réflexions calmes en des moments de grands dangers. Quand la mort d'un mouvement rapide étendait sn bras squelettique vers lui, mais le manquait, sa remarquable réceptivité des conditions, des circonstances de la vie ; je puis vous assurer que tout cela valait la peine d'être étudié et récompensait largement ma peine. Mais, j'ai vu aussi quelque chose qui devait se développer lentement et plus tard, année par année forger en lui une chaine qui lui fit comprendre le sérieux, l'importance de sa vocation, et lui en donner un sentiment très net.

       La guerre était nécessaire pour faire fleurir cette précision dans son âme et l'amener dans la lumière glorieuse qui auréole les héros. Son moral dépourvu d'artifice, l'Anversois naturel, lui a présenté un fait précis de sa vie. Le vol du jour des morts était pour Jean le baptême de l'air.


Biplan. (modèle de 1915)

       L 'appareil chavira, son réservoir à naphte prit feu, Jean, l'aviateur rêveur, entouré flammes consummantes fut projeté à terre. Alors la mort réapparut sortant du vague de sa présence universelle pour le saisir; mais le démon Anversois la regarda farouchement en face et... riait.

       Je vois Jean maintenant sur la plaine d'aviation de Bethemy, près de Reims. C'est un grand jour en France. Olieslagers avait, dès les premiers jours, battu le record de distance de Farman 232 kilomètres, Labouchère l'avait enlevé à Jean avec 340 kilomètres. Jusqu'à présent Jean n'était pas un favori en France, mais plutôt une quantité négligeable, quelqu'un qui n'était pas taillé à la façon française « un petit Belge quoi ! »

       Jean les fit rabattre de ces prétentions. Il battit les records de vitesse, de temps, de distance. Seul Morane avec son appareil court pourvu d'un moteur de 100 chevaux le vainquit dans les petites distances mais Jean resta maitre à partir du 30ème kilomètre et tout à coup un grand intérêt se fixa sur le « Sinjoor. »

       On était au dernier jour, Jean avait juré de dépasser les 4 heures 37 minutes de Labouchère... Sa force de résistance l'excita. Il n'était d'ailleurs pas plus difficile de rester 5 heures en aéroplane qu'en moto. Et il s'envola. Une heure, deux heures, trois heures, quatre heures, cinq heures trente, quarante ! Enfoncez Labouchère : Cinq heures, Jean n'avait pas envie de descendre. Il tournerait toute la journée, toute la nuit jusqu'à ce que sa dernière goutte d'essence se serait envolée en fumée.

       Les yeux des jeunes filles se dirigeaient vers les hauteurs et restaient accrochés à l'aéroplane, des hommes jeunes et vieux, connaisseurs et amateurs pas un qui ne suivit Jean d'un œil amical. On se demanda son nom, on se le cria l'un l'autre : « Jean Olieslagers ! »

       Jean soutint l'effort pendant cinq heures et trente minutes. L'heure de clôture fut sonnée il atterrit et s'en alla fêter son succès.

       A Ozan, en Afrique, il connut ses premiers malheurs. Jean y vola depuis quelques instants quand il dut atterrir pour faire quelques réparations à son moteur, Le peuple lui avait attendu de longues heures après un aviateur était devenu houleux et s'imagina que le farceur Anversois lui jouait un tour s'élança vers Jean pour lui administrer une volée de coups à l'Africaine. Mais Jean sursauta dans toute la misère de sa mauvaise humeur anversoise et injuria les impatients de telle façon dans sa langue de « Sinjoor » que tous reculèrent devant cette avalanche et s'éloignèrent.

       Quand le moteur fut en ordre Jean survola le pays immense, plana vingt minutes au-dessus de la mer, perdit la bonne direction, suivit un train express, mais se perdit plus loin dans le pays et dut atterrir près d'une ferme à Colmel. Les Arabes qui travaillaient là, mettaient à l'abri leurs corps bronzés par peur pour cet effroyable esprit malfaisant, mais bientôt on les vit accourir excités par des coreligionnaires fanatiques armés de fourche pour rendre à jamais inoffensif ce grand démon. Les vociférations de Jean ne lui servirent pas en l'occurrence. Seul, grâce à l'intervention du fermier qui était français il put se tirer d’affaire.

       Le dimanche suivant, Jean s'amusait dans l'air il fit des figures comme il en avait apprises, et fait dans le temps joyeux où il allait au jardin d'enfants. Là se révéla l'Anversois qui vit dans une ville artistique et sans s'en douter en subit l'influence. Il tournait et évoluait jusqu'a ce qu'il eut écrit en lettres mystérieuses dans la profondeur des airs : « Jean Olieslagers. »

       Jean l'avait fait avec la solennité d'un enfant qui écrit une lettre de nouvel an. Jean Olieslagers ! Ce nom en lettres d'or dans le ciel bleu et ensoleillé de l'air africain ! Comme il jubilait là-haut ! Saint et fier cette représentation du garçon Anversois !

       Juste au moment où il fit une fioriture au nom son aile droite rencontra un poteau télégraphique.

       A Stockel, Jean participera avec des avions différents. Il voulut aussi laisser voir à ses compatriotes ce que pouvait « un petit Belge ». Le terrain à Stockel est rugueux et limoneux. Jean éprouvait au début beaucoup de difficultés pour démarrer ou pour atterrir. Il avait déjà abimé trois appareils et il paraissait bien que Laser ou Quinet remportaient les prix. Vers onze heures tout se modifia encore en faveur de Jean. Il poursuivit obstinément son but. Un jour il était en l'air depuis quelques heures quand il se vit obligé de descendre faute d'huile. Il heurta avec son cadre violemment le sol. Quand il remonta et voulut virer, il n'était plus maître de son appareil et vola comme en un  tourbillon contre un groupe de maisons. Par un effort surhumain il força son hélice à lui obéir et il s'abattit avec un bruit de tonnerre dans des buissons près d'un mur. Tout craqua ; se fendit, fut taillé en pièces. Quelques jeunes arbres d'une vingtaine de centimètre de grosseur furent coupés en leur milieu et pour la tantième fois la mort esquissa son geste vers lui... Mais Jean en sortit indemne.

       Dix minutes après il avait monté un nouvel appareil et put regagner le temps perdu.


Le Commandant aviateur Nélis. (La Conquête de l’Air)

       Alors la tempête s'éleva en nuages sombres et foudroya le malheureux Quinet le précipitant raide mort sur le sol ; retourna Lanser sens dessus dessous mais il put se redresser à temps, Jean fut chassé en ligne droite vers la terre. Il était alors à une hauteur de six cents mètres. J'ai vu son tour ; droit comme une flèche, téméraire, incomparable, un calme surhumain. C'est peut-être le tour le plus hardi qu'il ait jamais accompli.

       Il me semble inutile de raconter de plus amples particularités sur tous les meetings d'aviation auxquels Jean participa et ou il étonne tout le monde par ses vols hardis. A l'aérodrome de St-Job il avait deux pilotes, ses deux frères, Max est même un aviateur capable. Jean y arrivait tous les jours en auto. Il est arrivé bien des fois qu'après une nuit orageuse Jean engageant un pari avec des amis, courut à St-Job, réveilla de grand matin les gens par le bruit de son moteur et après la demie heure convenue passa au-dessus de la tête de ses camarades.

       Il n'y avait pas de fête, pas de solennité publique où Jean y mêla son avion et apporta du haut du ciel le salut d'honneur. Le gaillard Jean devint souvent un ange.

       Dans les milieux civilisés Jean acquit de belles manières. Un jour lui-même serait élevé à la noblesse, nous devons convenir que cela lui alla bien.

       Quand Chevillard produisit ses prouesses audacieuses et quand Pégoud traversa le monde avec ses vols artistiques, Jean secoua la tête de ce qu'il appela des casse-cou. Je l'entendis moi-même appelé Chevillard un sublime comédien, un fou, mais en même temps naissait dans sa tête l'idée de raffiner encore ces acrobaties dangereuses, de les dépasser.

       Pendant un certain temps on n'entendait plus rien de lui, quand, tout à coup on ébruitait qu'en 1914 Jean ferait la boucle à la plaine de Wilryck.

       Et dans le froid de ce jour dégel, Jean l'a faite lentement, beau, élégamment comme un pur artiste : ainsi qu'une belle demoiselle tournant avec grâce pour faire admirer ses belles robes.

       Après ce jour je vis Jean tournoyer maintes heures au-dessus de St-Job pour perfectionner son tour de casse-cou. Un jour je le vis tomber lentement de son appareil ; je courus rouge de peur vers la plaine... Jean était déjà assis dans son auto et partit.

       Quelques jours avant la guerre il nous donna à Schootenhof quelques échantillons de son art raffine. Il l'appelait, « la feuille morte »...

       Se tordant, tournant, voletant, évoluant, virant lentement poussé par le vent ainsi que la feuille qui joue et qui tombe, aussi élégamment son Blériot sautillait, tressaillait dans l’air.

       – Jean ! Jean ! lui cria le docteur Thierens, quand il fut descendu, vous nous donnez la chair de poule, et vous vous êtes si calme, si calme !

       – Oh docteur, là-haut il n'y a aucun danger,  répondit-il, tout en, s'épongeant le visage.

       Inconscients ? Insensibilité ? Ou expansion sublime d'une témérité surhumaine.

       Jean m'a fortement ému un jour tout en me disposant favorablement pour lui.

       Depuis des semaines il était à l'hôpital Saint-Camille avec une jambe malade. Dès qu'il en put sortir, il courut à St-Job, sauta dans son avion et du haut des airs il lança aux sœurs qui l'avaient soigné maternellement, un grand bouquet de roses. Jean donna aussi un peu de son bon cœur, et de sa bonne âme...

       Maintenant plus que jamais se dresse aux yeux du peuple l'image de Jean Olieslagers. Son nom vola largement déplié à travers tout le pays.

       Le peuple aime le courage et l'intrépidité.

       La réalité, et la légende ont donné à Jean une taille de géant. Le peuple donne son nom à chaque action éclatante. Une émotion violente s'empare de chacun, chaque fois qu'au bruit des canons un aéroplane apparaît dans l'air.

       Son nom, seul son nom, vient sur toutes les lèvres et on salue avec enthousiasme le démon qui ne sait pas oublier sa vieille ville à laquelle il reste fidèle dans la mort avec l'amour grand et brûlant d'un enfant Anversois.

       Le grand livre de l'histoire et de la vie a disparu dans le mystère. Nous ne connaissons pas les pages qui nous feront trembler d'émotion, de crainte, d'amour. Nous ne connaissons pas les pages pleines de lumière dorée et pas celles d'ombres douloureuses, non plus celles qui rempliront nos cœurs de délicieux parfum de fleurs pour la gloire du sacrifice ; ni celles qui nous humilieront jusqu'à la mort ; nous ne savons rien, nous n'apprenons rien, mais nous sentons, nous sentons. Et nous savons qu' un jour de ce livre, les vieilles chansons s'élèveront comme d'une résurrection et nous ferons pleurer d'amour et de reconnaissance pour tous ceux qui se sont donnés pour nous dans le saint signe de la mort.

       Et en effet le livre de l'histoire a été ouvert et nous y trouvons la page consacrée à Jean.

       1914 ! La guerre ! Jean n'hésite pas. Au premier moment il offre ses services à la patrie. Lui le patriote mettra son art et sa vie au service de la patrie.

       Il y est courageux et se fait remarquer. Il monte de grade en grade et devient bientôt lieutenant.

       Depuis 1916 nous étions de la même escadrille. Je l'ai vu à l'ouvrage mon estime et ma considération pour lui grandissaient de jour en jour.

       Il remporte six victoires et il est celui qui parmi nous a livré incontestablement le plus de combats.

       Il obtint les distinctions suivantes :

        Chevalier de l'Ordre de Léopold ;

        La Croix de Guerre de Belgique ;

        L'Ordre Russe de St-Stanislas ;

        Chevalier de la Légion d'honneur Française ;

        La Croix de Guerre Française ;

 

       Dans l'avenir on désignera Jean Olieelagers, comme un emblème d'énergie, de volonté et d’intrépidité.

       Il était un des aviateurs les plus âgés mais il a toujours été pour les jeunes un maître digne et un précurseur de bravoure et d'amour de la patrie.

       Honneur à lui.



[1] La Grande Guerre (deuxième)



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