Médecins de la Grande Guerre
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L’exploit de Mabel St Clair Stobart :
avec son hôpital mobile, elle suivit l’armée serbe dans sa retraite vers l’Albanie En plus d’être humaniste, Mabel Ct clair Stobart fut une
féministe convaincue. Elle eut le mérite de mêler la pratique à la théorie afin
de prouver la capacité des femmes à exercer
les mêmes responsabilités que les hommes. Mabel est née
en 1862. Elle se maria en 1884, eut deux enfants et partit avec son mari en
Afrique du Sud pour gérer une ferme. L’entreprise ne réussit pas et Mabel revint seule en Angleterre en 1907. Peu de temps
après, son mari mourut. Mabel devint alors une
féministe convaincue, luttant pour le droit de vote des femmes. Elle s’engage
alors dans une unité de femmes volontaires, « the First Aid Nursing Yeomanry » dont
le but est de prêter assistance aux civils et militaires connaissant des
situations de crise. Rapidement, elle devint une des leaders de ce mouvement
puis résolut de créer sa propre association, « the Women’s sick
and wounded convoy
Corps » (Unité féminine pour le transport des malades et blessés). En
septembre 1910, Mabel avait réussi l’exploit de réunir
50 femmes pour un exercice d’une semaine à la campagne. La discipline et le
mode de vie s’apparentait à celui des soldats. Elles possédaient un uniforme,
un casque, marchaient au pas et logeaient sous tente. Réveillées à 6 heures du
matin par le clairon, la matinée était consacrée aux exercices de brancardage
et de pansements tandis que l’après-midi était partagée entre leçons théoriques
et séance de natation. Peu après ce camp qui fit l’objet de beaucoup de
commentaires dans la presse, Mabel se remaria avec le
barriste retraité John Greenhalgh. Un second camp fut
organisé durant l’été 1912 et, en octobre de la même année, Mabel
se déclara prête à intervenir avec son
unité aux profit des blessés de la guerre des Balkans qui venait d’éclater.
Elle alla donc offrir ses services au Président de la Croix-Rouge britannique,
Sir Frederick Treves. Mais celui-ci dédaigna la
proposition de Mabel en lui faisant remarquer
qu’aucune femme ne devrait pouvoir se trouver près d’un champ de bataille. Mabel renonça à toute approbation et vexée, partit au plus vite au front à la tête
de son unité féminine. Elle installa son
convoi près d’Adrianople et malgré de nombreuses
difficultés, parvint à se rendre utile. Au printemps 1913, la guerre se termina
et Mabel rentra en Angleterre, fière de ce premier
succès. Elle relata immédiatement son expédition dans un livre intitulé « War and Women »
et conclut avoir fait la démonstration qu’une unité de femmes composée non
seulement d’infirmières, comme dans la guerre de Crimée, mais aussi de
médecins, de conductrices, de personnel subalternes féminins et
d’administratrices, pouvait prendre en charge
l’entièreté d’un hôpital sur le front. Quand
la Première Guerre Mondiale éclata, Mabel créa une
nouvelle organisation, « The Women’s National Service League »
(Ligue du Service National Féminin, qui n’obtint toujours pas l’approbation du
Président de la Croix-Rouge. Cette nouvelle unité était presque entièrement
féminine mais elle y avait admis quelques hommes puisque, expliquera Mabel, elle avait déjà apporté la preuve que les femmes
pouvaient constituer comme les hommes une unité fonctionnelle et autonome. Sir
Frederick Treves n’ayant donc pas changé son opinion,
Mabel décida d’offrir directement son aide à la
Croix-Rouge belge. Elle partit en avant-garde sur le continent et atteignit Bruxelles
juste au moment où les Allemands y rentraient. Peur d’être arrêtée, elle quitta
alors Bruxelles précipitamment mais, près d’Hasselt, elle est emprisonnée comme
espionne. Ses jours étaient sans doute comptés, mais après une nuit
d’enfermement remplie d’angoisse, elle put miraculeusement retrouver la liberté.
Elle rejoignit alors Anvers et y trouva son unité entretemps. Avec une autre
unité médicale de volontaires, la « St
John Ambulance association », un hôpital fit installé dans la salle de
concert philarmonique d’Anvers.
Les soldats belges furent heureux de recevoir cette aide inespérée qui,
ne dura cependant que quelques semaines.
Début octobre, les Allemands pénétraient dans la ville et Mabel
dut abandonner l’hôpital. Tout son
matériel fut perdu mais elle réussit à évacuer tous ses blessés et son
personnel vers la côte. Un nouvel exploit à son compte ! Un nouvel hôpital à Cherbourg. De retour en Angleterre,
l’intrépide Mabel, rassembla à nouveau du matériel et
une équipe et se réembarqua pour le continent, cette fois pour Cherbourg où,
pendant quatre mois, elle fera fonctionner un hôpital dans le château de
Tourlaville. Le travail sembla cependant pour Mabel
trop routinier. Un jour elle lut qu’une épidémie de typhus fait des ravages
dans l’armée serbe qui avait grand besoin d’un renfort en personnel et en
hôpitaux. En février 1915, elle prend sa décision. L’hôpital de Tourlaville est
laissée entre de bonnes mains, Mabel rejoint l’
Angleterre pour refaire une autre unité, cette fois destinée à Serbie ! Le départ pour
la Serbie. Le personnel de l’hôpital Stobart en partance pour la Serbie. Mabel St.Clair Stobart est au centre du second rang avec de gauche à droite, le Dr King-May, Payne, Marsden, Atkinson, Tate et Coxon. Il manque le Dr Hanson
Il y avait 45 membres dans le staff de la nouvelle unité dont 7 femmes
médecins, 18 infirmières, des cuisinières, des interprètes masculins, des
chauffeurs et brancardiers appartenant des deux sexe. Le matériel consistait
principalement en 60 tentes dont certaines étaient conçues pour les besoins
spécifiques de la radiologie, de la chirurgie, de la cuisine. Le matériel et
les membres de l’unité arrivèrent mi-avril à Salonique où le consul de Serbie
leur annonça leur destination : la ville de Kragujevatz.
Le 19 avril, l’unité se mit en marche et le 21 était à pieds d’œuvre.
Rapidement, le site choisi se couvrit des tentes placées en deux quartiers,
l’un pour le logement du staff, l’autre pour le logement des blessés et
malades. Entre les deux quartiers se trouvaient les tentes techniques (salle d’op,
RX, cuisines). L’hôpital reçut comme première tâche de soigner les blessés et
non les victimes de la typhoïde qui faisait rage. Un premier arrivage de 50
blessés arriva mais, quelques jours après, l’hôpital comptait déjà 130
patients. Mabel eut la surprise de constater que les
patients acceptaient sans problèmes d’être soignés uniquement par des femmes. L’ambiance
de l’hôpital semblait leur convenir parfaitement. Les convalescents se
plaisaient dans les tentes doublées où il régnait une bonne température. Ils tuaient
le temps avec un jeu de cartes qu’ils appelaient Jeanne d’Arc ou encore
jouaient s’ils en étaient capables avec un jeu de palets. La cuisine était sous
la supervision de Miss S. Stanley, le dispensaire sous celui de Miss Wolseley,
la buanderie sous l’autorité de Miss Johnstone, la
lingerie sous l’autorité de Mrs Deamer. Le service de
radiographie était dirigé par le docteur Tate et le service hospitalisation
dépendait de Miss B. Kerr. Rapidement, l’hôpital devint un modèle
d’organisation qui reçut la visite de nombreuses personnalités dont le Prince
héritier Alexander. Sa visite donna lieu le soir à une fête animée par la récitation d’épisodes de l’épopée
serbe qui était accompagnée du banjo national appelé « Gusla ».
Ses mélopées étaient interminables puisqu’elles reprenaient l’histoire des
Serbes depuis 1389 mais les soldats pouvaient les écouter pendant des heures
entières. La soirée se termina par un « Kolo
Dancing », danse traditionnelle à laquelle tout le personnel de l’hôpital
finit par participer. La « Slava fête » étonne la
féministe Mabel.
Les autorités militaires ne ménagèrent pas
leur peine pour faciliter le travail de Mabel,
particulièrement le Major Dr.Protitch, directeur du Shumadia Military Hospital. Mabel se vit un jour
invitée pour la « Slava fête » de sa famille. Cette fête commémore
l’anniversaire de la conversion des ancêtres de la famille au christianisme.
Elle débutait par une prière et une aspersion d’eau bénite sur les objets et
sur les personnes à l’exception… de l’épouse. Ensuite le prêtre traça une croix
sur un des cakes préparés pour l’occasion puis le bénit et par trois fois le
présenta au chef de famille et à son fils qui à chaque fois embrassèrent la
croix. Il y eut encore de nombreuses prières et la cérémonie se termina sans
que l’épouse n’ait eu un mot à dire. Un repas succéda où l’on mangea les cakes
aux maïs et aux noix. La coutume voulait que ce cake soit consacré aux défunts.
Tout le monde peut en manger à condition de ne pas porter comme prénom celui
d’un certain archange que les Serbes considèrent comme n’ayant jamais connu la
mort. La féministe Mabel fut étonnée et sans doute un
peu choquée lorsqu’elle entendit le major présenter sa femme par ses
mots : « Voici ma femme, Dieu
me pardonne » et le reste de sa famille ainsi : « J’ai trois fils et, Dieu me
pardonne, trois filles ». La modeste considération envers femme et
filles provient, d’après Mabel, qu’elles sont
propriétés de l’homme et l’expression « Dieu me pardonne » provient
du fait qu’un Serbe doit être très humble lorsqu’il évoque, devant Dieu, ses
possessions. Bien évidemment, la mère d’un Serbe n’est pas considérée comme une propriété et d’elle, on peut
parler avec beaucoup d’orgueil. « C’est
malheureux, ajoute Mabel dans ses mémoires, que peu de moments se prête à expliquer les
conceptions féministes et en tout cas ce n’était pas le moment de le faire
pendant cette fête. »
Les fêtes et le bon accueil de l’unité par les autorités serbes ne
faisaient cependant pas oublier les misères de la guerre. A quelques centaines
de mètres de l’hôpital se trouvaient quatre mille nouvelles tombes de victimes
de la typhoïde. Les Serbes ne sont pas fatalistes. Ils ne qualifient pas les
évènements comme « la volonté de Dieu ». Cette particularité provient
de leur histoire nationale. Pendant des centaines d’années, leur malheur eut
une cause bien humaine : l’occupation turque. Et Mabel
conclut sa réflexion sur le fatalisme par cette phrase : « L’homme
cherche trop Dieu à l’extérieur, nous ne pouvons le trouver, écrit-elle, parce qu’il occupe une place trop intime
dans nos cœurs ». La légende de Saint Ilya racontée à Mabel.
Les soldats Serbes avaient parfois des explications amusantes sur les
phénomènes naturels. Pendant un orage, ils se mettaient à prier pour ne pas
être tués. Ils étaient convaincus que le tonnerre provenait de St Ilya. Ilya
était un paysan et un soir en revenant du travail, il rencontra successivement
sur son chemin trois qui le félicitèrent chacun à leur tour du fait que sa
femme venait de prendre un amant. Furieux, Ilya voulut rentrer à la maison pour
tuer sa femme et l’amant de celle-ci. Il vit deux formes humaines dans son lit
et se précipita pour les tuer. Le mal accompli, il s’aperçut que c’étaient ses
parents qu’il venait de trucider. Comme punition, Dieu le fit « passeur
d’eau ». Un jour un passager de sa barque se révéla être un diable pressé
car devant au plus vite provoquer un divorce. Ilya tua le diable et jeta son
corps à l’eau. Dieu cependant pardonna à
Ilya et le pris comme serviteur au paradis pour provoquer le tonnerre et les
éclairs dont la lumière exterminaient les diables. Seul survivait
finalement un diable handicapé qui
s’était bien caché. Ce diable obtint de Dieu d’être épargné car il lui avait fait remarquer que, seuls, les pauvres
et les malades comme lui le priaient. Dieu, sensible à cet argument, lui fit
alors la promesse que jamais il ne serait tué par Ilyia.
C’est la raison pour laquelle Ilyia, avec ses tonnerres
et éclairs, continue et répète toujours aujourd’hui une vaine chasse au diable qui ne prendra
jamais fin. Le bombardement de l’hôpital Stobart.
L’hôpital connut une attaque aérienne pendant que Mabel
était au lit atteinte de la typhoïde. La ville était souvent la cible de
l’aviation allemande car elle était connue pour posséder un arsenal et pour
héberger le Prince Héritier. Lors de cette attaque, en ville, 5 personnes
furent tuées et 18 blessées. Cette attaque pouvait se renouveler, Mabel mit au point un plan d’évacuation .
Lors de l’alerte suivante survenue quelques jours après, les patients
furent embarqués dans les voitures ambulances, dans deux camions et dans les
charrettes tirées par les bœufs. Tous furent mis en sécurité à bonne distance
de l’hôpital. Restèrent sur place uniquement quelques médecins et infirmières.
Le nouveau bombardement atteignit cependant une baraque en bois dans lequel se
trouvait du matériel. Quant à la ville après avoir été surprise deux fois, elle
installa une défense antiaérienne qui connut une revanche rapide en parvenant à
abattre un Taube trop confiant. La mort de Madame Dearmer
et de nurse Feriss.
L’hôpital travaillait en pleine épidémie de typhus et avait consacré une
tente à l’isolement des patients qui étaient suspects d’en être atteints. Le
staff qui soignait ces malades portait des longues bottes, des gants en
caoutchouc et une tenue imperméable huilée. Et contre la typhoïde, l’eau était
minutieusement bouillie. Malgré toutes ces précautions, une épidémie de
typhoïde éclata aussi dans le personnel sans doute par la transmission du
microbe via des légumes non cuits comme la salade. Le 1er juin, une
des nurses et Mabel
furent atteintes de la typhoïde et cela malgré la vaccination reçue deux
mois auparavant. Finalement 17 femmes du staff furent atteintes et trois
décédèrent. Aucun patient ne fut attaqué. Ce fut un cauchemar pour Mabel malade sur son lit, de voir une après l’autre des
collègues défiler dans la tente des isolés. Les autorités militaires serbes
furent tout ce qu’ils purent pour aider Mabel. Un
spécialiste des maladies fiévreuses, le Dr Antitch
fut dépêché auprès de l’hôpital Stobart. Quant au
Major Protitch, il se démena pour amener de la glace,
denrée très rare ici. Malgré cela, Mrs Dearmer et la
nurse miss Ferisse succombèrent. Nurse Ferisse comptait se marier à son retour de Serbie. Elle
décéda le 4 juillet. L’enterrement fut l’occasion pour les autorités serbes de
montrer toute la sympathie qu’ils éprouvaient pour l’hôpital anglais. Le
cercueil fut tiré par un magnifique attelage jusqu’à la cathédrale de la ville
où la cérémonie anglicane eut lieu en présence d’une foule nombreuse dont un
représentant du Crown Prince. Ensuite le cortège conduisit l’infirmière vers sa
dernière demeure. Les autorités promirent d’élever après la guerre à cet
endroit un monument à la gloire des médecins et infirmières anglais qui
donnèrent leur vie pour la Serbie. Quand le staff retourna à l’hôpital, ce fut
pour s’apercevoir que madame Dearmer présentait un
dangereux pic de température.
L’histoire de madame Dearmer est émouvante. En
Angleterre, fut organisé avant le départ de l’unité Stobart
un office religieux en guise d’au revoir. Le chapelain qui célébrait était monsieur Dearmer
qui, avant le service, venait juste de demander à Mabel
de pouvoir l’accompagner en Serbie au titre de chapelain pour les Britanniques.
Juste après la cérémonie, alors que Mabel se promenait, elle vit son épouse venir la trouver,
les larmes aux yeux. Elle lui fit alors part des causes de son chagrin : « Je viens d’entendre que mon mari va
vous accompagner en Serbie. Je vous supplie de m’emmener aussi avec vous. Mes
garçons sont sur le front, et si mon mari part je dois aussi partir ».
Mabel eut beau la décourager, rien n’y fit.
Finalement, elle engagea madame Dearmer comme brancardière et la désigna pour la lingerie où
elle montra un talent manifeste d’organisatrice malgré le tempérament
artistique qui était le sien. Il faut savoir que madame Dearmer,
avait connu auparavant le succès comme
comédienne, dessinatrice et romancière. Mabel Dearmer en 1890 (photo Wikipedia)
Le 9 juillet, après des améliorations et des rechutes, l’état de santé
de madame Dearmer empira malgré l’oxygène et d’autres
traitements essayés sans succès. Mabel passa deux
nuits dehors à proximité de la tente pour se sentir proche de la malade qui
était devenue son amie. Elle veillait aussi au renouvellement de l’oxygène
fourni par l’hôpital militaire serbe. Hélas madame Dearmer
succomba d’une pneumonie ayant compliquer sa fièvre typhoïde. Qu’allait devenir
son mari ? Ces deux là se connaissaient et s’aimaient depuis leur enfance.
Mabel
ne pouvait admettre que la mort
soit la fin de tout… Commentant la
mort de son amie, elle écrivit dans ses mémoires, ces belles pensées :
« La mort n’est rien. La mort
provient d’une erreur de notre raisonnement intellectuel. Le corps ne peut pas
mourir car il n’a jamais vécu. Le corps est de la matière, inerte. La vie est
une force, une force qui ne peut mourir. Le corps n’est que l’habitation de
cette force de vie mais le départ de cette force de vie du corps n’est pas la
mort. Rien n’est mort, parce que rien n’a cessé de vivre. La force de vie ne
peut mourir sinon ce ne serait pas une force de vie. Le corps ne peut pas
mourir parce qu’il n’a jamais vécu. OUI, oui, la mort est une tromperie. Le mot
mort comme celui de lever ou de coucher du soleil ne reflète qu’une ancienne
ignorance. Le soleil ne se lève pas, il ne se couche pas et le corps ne meurt
pas. Pourquoi alors parler de la mort comme une fin ? C’est en fait le
passage de la force de vie du visible à l’invisible. Aussitôt que la matière
commence à se désintégrer, la force de vie migre et c’est tout. C’est ce que je
comprends ».
Les funérailles furent encore cette fois menées dans la cathédrale mais
cette fois selon le rite orthodoxe qu’accepta son mari, le chapelain Dearmer, qui faisait ainsi preuve d’un large esprit de
tolérance. La musique du Crown Prince rehaussa la cérémonie. Monsieur Dearmer connut
encore une grosse peine quelques mois plus tard quand il apprit qu’un de ses
deux fils soldats venait de périr à l’ennemi. Des dispensaires créés tout autour de la
ville pour les malheureux civils. Mabel ST. CLAIR STOBART occupée à parler à des patients le long de la tente dispensaire établie sur le côté de la route à Kragujevatz. Les docteurs et infirmières sont à gauche Ce plan montre les dispensaires établis par Mabel autour de la ville
Mabel réalisa que l’infrastructure médicale
pour les civils était désastreuse. Elle établit d’abord un dispensaire pour les
civils sur la route qui menait à la ville. Une tente, un docteur, une
infirmière et un interprète constituèrent un dispensaire qui en quelques
semaines totalisa 12.000 consultations. La diphtérie fut particulièrement
combattue car elle faisait des ravages dans la population et le dispensaire
possédait le sérum salvateur. Bientôt la petite tente ne suffit plus et il
fallut la remplacer par une plus grande qui fut divisée en trois places, l’une
pour le diagnostic, l’autre pour le cabinet médical et la troisième pour les
soins. Le succès de ce dispensaire donna l’idée à Mabel
de créer une véritable ceinture de dispensaires autour de la ville pour couvrir
les soins médicaux de toute la région. Ce fut fait progressivement et Mabel fit même venir d’Angleterre un renfort en médecins et
infirmières pour combler la nouvelle demande en personnel que ces dispensaires
exigeaient. Quant aux ambulances, Mabel en commanda
une pour chaque dispensaire. Elles arrivèrent le 17 septembre. Le sixième dispensaire
fut créé le 4 septembre à Rekovatz et tenu par la
doctoresse Steward qui, d’après Mabel, était la femme
idéale pour ce travail car animée par la patience, l’enthousiasme et le sens de
l’humour. Création d’un détachement de l’unité Stobart pour constituer un hôpital mobile.
Le 25 septembre provoqua un gros changement dans l’unité Stobart. L’Etat-Major demanda en
effet à Mabel de constituer une colonne mobile
d’ambulances pour rejoindre le front car les Bulgares s’apprêtaient à envahir
la Serbie. L’intrépide Mabel accepta. L’hôpital
mobile reçut le nom de « The first Serbian-English Field Hospital ».
Deux médecins, six infirmières, six chauffeurs, deux interprètes et deux brancardiers
furent choisis pour constituer cette nouvelle
unité. L’armée serbe compléta l’effectif en fournissant des brancardiers et du
matériel. Mabel fut nommée chef de cette colonne. La
colonne disposait de six ambulances motorisées, de deux chariots à bœufs et
d’un chariot avec deux chevaux. Le tout fut convoyé par train pour atteindre le
3 octobre la première destination, Pirot près de la frontière bulgare. En route vers Pirot, Mabel chef du convoi. (Photo: Imperial War Museum) En partance vers Pirot. Sur cette photo, on distingue la cuisine roulante devant les ambulances motorisées
La ligne de front se modifia cependant très rapidement et le 6 octobre, l’ordre vint de rejoindre Stananitza.
Mabel reçut alors quatre chevaux de course pour
commander sa colonne et pouvoir trotter le long de celle-ci, de la tête à la
queue. On ne lui demanda si elle savait monter. Heureusement, elle était bonne
cavalière.
Rapidement, Mabel se rendit compte que son
hôpital ne resterait jamais longtemps au même endroit. Il fallait sans cesse se
mettre en route en suivant les ordres de l’Etat-Major.
Les blessés étaient pansés puis rapidement évacués par les ambulances
motorisées vers les hôpitaux fixes. Quand à maintenir une colonne harmonieuse
sur les routes, c’était impossible, les véhicules voulaient aller vite, les bœufs
lentement et les chevaux ni lentement, ni rapidement. Blessé serbe provenant du champ de bataille de Dobridol et débarqué dans l’hôpital Stobart d’une ambulance motorisée Blessé serbe provenant du champ de bataille de Dobridol et débarqué dans l’hôpital Stobart d’un char à bœufs. L’hôpital aux environs de Dobridol avec à gauche les tentes des blessés Une des doctoresse examinant un blesse arrivant du champ de bataille de Jagodina
Les étapes se succèdent donc : Stananitza, Medua, Knasharevatz, Malca, Nish. A Nish, le 11 octobre, Mabel
apprend que Belgrade vient d’être prise par les Allemands. La colonne reprend
un train qui l’amène à Velika Plana. Ce sera le
dernier voyage ferroviaire de l’expédition. Palanka
est ensuite atteint par la route et un site de camp choisi pour l’hôpital qui accueillera
une foule de blessés qui sont soignés puis évacués par ambulance vers la ville. Le 16 octobre l’ordre vient de
partir à nouveau, cette fois vers Barchinatz. Là, Mabel reçoit l’ordre de se diriger non plus vers le front
mais vers le sud, vers Dobrido. Cela signifie le
début de la retraite de l’armée Serbe. Elle est cependant loin de penser que
cette retraite va durer près de trois mois. A Dobrido,
le 18 octobre, la colonne mobile reçoit encore un afflux de blessés. Le 20
octobre, la colonne atteint Gliebovatz et le 21, Palanka ou on laisse la colonne s’installer dans le casino pour
quelques heures avant de la muter à Ratcha. C’est à
cet endroit que Mabel dut faire preuve de son
autorité envers un ses soldats serbes de sa colonne. Saoul, il se montrait très
agressif. Il fallut lui confisquer son arme mais cela n’alla pas de soi. Le
soldat furieux menaçait de détruire tout l’équipement de l’unité et il fallut placer
des gardes autour de l’ambulance dans laquelle Mabel
se réfugia pour la nuit. Les choses finalement s’arrangèrent par la mutation du
soldat. A Ratcha, la colonne reçut à soigner une cinquantaine
de soldats gravement blessés qui arrivèrent couchés sur des charrettes à bœufs. Palanka venait
d’être pris par les Allemands et il fallut s’éloigner d’eux en continuant la
retraite. La route de Gradatz passait par un pont
dégradé, sans garde-fous et extrêmement étroit. Il fallut vider les véhicules
de leur matériel et de leurs blessés pour ne pas verser dans le vide. Les
blessés furent mis sur brancards et retrouvèrent les véhicules en aval du pont.
Un camp fut ensuite installé à Berzan. Mabel entretemps avait reçu des nouvelles de son unité
resté à Kragujevatz. Tout le personnel avait pu fuir
et sous la direction du docteur Curcin s’était mis en
marche à travers les montagnes pour atteindre Scutari, Medua
puis Brindisi. Le personnel du dispensaire de Lapovo
avait pu aussi rejoindre le Dr Curcin dans sa fuite.
Le 29
octobre, Bagrdan fut atteint et le 30 un camp fut
installé dans la boue à côté de Kriva Alpregam mais le 31 l’ordre vint de se rendre à Voliovtza. 96 blessés sont pris en charge par la colonne. Et
toujours, la route sans fin à reprendre ! Treshnitza
est atteint le 3 novembre, puis Shanatz, Varvarin. Sur la route encombrée par une armée en déroute Mabel est étonnée de la dignité qui y règne.
Les soldats
serbes ne chantent pas, ne parlent pas. On entend seulement les conducteurs des
chars à bœufs crier « Svetko, Belia, napred, desno, levo » (Vetko, Belia, en avant, à droite, à gauche !) L’armée est accompagnée dans sa retraite par un immense flot de réfugiés qui
complique la marche vers le sud. Mabel est
impressionnée par les femmes qui tirent elles-mêmes des charrettes. Une d’entre
elles transportait 8 enfants. La cohue entraîne parfois des spectacles affreux.
Ainsi, une maman qui transportait un enfant sur son dos s’est vue rattrapée par
un char à bœuf. Plus moyen pour elle d’avancer ou de reculer. Ecrasée, l’enfant
sur son dos a finalement été transpercé par les cornes d’un des bœufs. Mabel est partout le long du convoi. Il faut parfois
trouver des planches pour reconstituer le plancher d’un pont de montagne. Plus tard, il faut franchir la gorge étroite
de Maidevo. C’est l’endroit rêvé pour une embuscade par
l’ennemi. Heureusement ce ne sera pas le cas mais il ne faut s’attarder là sous
aucun prétexte. Lorsqu’une charrette est embourbée, pour ne pas ralentir la
colonne, on verse le véhicule dans le
vide avec tout son matériel. The lady of the black horse, Georges Rankin, British Red Cross Museum
Lorsque le soir,
on faisait halte, Mabel trouvait en son ami, un major
d’artillerie, un réconfort précieux. Devant les flammes du bivouac, il leur
arrivait d’avoir de longues conversations philosophiques. La présence de la
mort autour d’eux les faisait réfléchir aux grandes vérités. Pourquoi celles-ci sont-elles si bien cachées de notre
conscience intelligente ? Est-ce Dieu qui les maintient cachées ? Est-ce
Dieu qui permet cet holocauste en Europe ? Est-il tout puissant ? La
toute-puissance n’implique-t-elle pas d’exister sans aucune règle ? Pourquoi
alors implorer un Dieu tout puissant ? La toute-puissance ne conduit-elle pas
à la Jalousie, à la colère, caractéristiques humaines dont nous revêtons la
divinité ?
Les germes de notre évolution humaine dans
notre âme n’existent-ils pas pour que nous les développions ou les
négligions ? Eve était libre de prendre ou de rejeter le fruit de l’Arbre
de la connaissance matérielle. Quant à nous, sommes-nous libres de prendre ou
de rejeter le fruit de l’Arbre de vie, de la vie ? C’est largement parce
que nous avons appris que nous sommes sans pouvoir de nous-mêmes pour
nous-mêmes que nous tombons dans les crimes et le militarisme. Nous abandonner
aux mains de dieu est souvent une excuse pour la paresse et le résultat fera
que nous nous retrouverons dans les mains d’un seigneur de la guerre. Si le
Royaume de Dieu est à l’intérieur de nous, le roi des Cieux doit aussi y être,
régnant non en solitaire dans un espace vide mais bien avec chacun d’entre
nous. Les âmes des hommes sont des prismes dans lequel se réfracte la lumière
de l’Esprit de Dieu et nous ne devons pas être étonnés quand, en temps de
troubles, le spectre humain ne montre que des lignes noires. Si nous
connaissions mieux les lois de la nature, nous saurions que les lignes noires
sont dues aux conditions locales et qu’elles sont la preuve de la Loi
Universelle de la Lumière.
La guerre provient essentiellement du
fait qu’il est impossible pour la civilisation humaine de vivre avec deux
standards de conduite différentes, à savoir un standard individuel d’une grande
moralité et dans laquelle on révère l’honneur et la justice et le standard des
nations qui est constitué d’une cynique amoralité dans laquelle le meurtre, le déshonneur
et l’injustice sont considérés comme de très grandes vertus. Nous devons augmenter
le standard des nations, sous peine de déconstruire le standard individuel des
droits de l’homme. Le militarisme s’oppose à l’évolution humaine. Cette lutte
est comme le travail qui précède la naissance d’une nouvelle race. Nous prions
Dieu que la naissance ne soit pas celui d’un mort-né et pour cela la délivrance
ne doit pas être prématurément forcée. Les alliés de l’axe, tenants du militarisme doivent être vaincus. Le
militarisme doit être exterminé, la racine comme la branche si notre humanité
ne veut pas régresser dans une sous-humanité monstrueuse. Le problème est qu’il
est beaucoup plus facile de transformer la haine en action que de transformer
l’amour et la sympathie en actions. Les partisans de la guerre ont un avantage
par rapport aux partisans de la paix. Les premiers ne parlent pas, ils agissent
tandis que les partisans de la paix n’agissent pas mais parlent.
Il ne fallait pas s’attarder dans le défilé pour des raisons de
sécurité mais pourtant on vit le convoi
devenir de plus en plus lent puis s’arrêter. Mabel
décida d’aller voir l’endroit qui bouchonnait. Elle remonta sa colonne puis
d’autres unités pour atteindre finalement une portion de la piste bloquée par
des bœufs couchés sur le sol et qui avaient décidé de se reposer. Mabel descendit alors de son cheval et de ses grandes
bottes, lança des coups de pieds dans le flanc des bœufs tout en criant sur les
conducteurs. Il ne fallut que peu de temps pour que chacun soit à nouveau sur
pieds. La colonne put alors reprendre sa marche et atteignit Maidevo situé dans une ouverture de la gorge qui par après
se resserrait à nouveau. Au bivouac, Mabel constata que les bœufs épuisés n’étaient pas suffisamment soignés car
on négligeait leurs fers. Elle donna l’ordre
d’y remédier et on trouva rapidement un maréchal ferrant dans une colonne
voisine de celle conduite par Mabel. Il fallait
qu’elle soit partout à la fois. Lors d’une halte, Mabel
dut encore une fois faire preuve d’autorité en ordonnant une peine de fouet
pour un soldat en service dans la cuisine que l’on avait surpris en train de
jouer aux cartes. Le défilé franchi enfin, le 14 novembre, la colonne atteignit
Blatzi puis Tulari. A
partir de là, les bœufs de plus en plus épuisés commencèrent à mourir et leurs
cadavres jalonnèrent la route.
Quelques
jours après, la colonne atteignit Pristhina puis le
champ de bataille du Kosovo ou en 1389 les Serbes furent vaincus par les Turcs
qui leur ravirent ainsi leur pays pour plus de 500 ans. Ce ne fut qu’en 1878,
que les Serbes regagnèrent leur indépendance. Après la plaine du Kosovo, les montagnes du Montenegro à franchir.
Le 20
novembre, avec de moins en moins de bœufs, Mabel dut se
résoudre dut abandonner sa grande tente brune pour alléger les charrettes. La
fuite vers le sud se poursuivit sans
laisser de répit à la colonne. Le 23 novembre, Mabel
eut beaucoup à faire pour conduire son convoi à travers une route inondée. Des
charrettes se renversèrent avec leurs bœufs. Leurs conducteurs durent aller
dans l’eau jusqu’aux genoux pour crier et taper leurs animaux de trait afin
qu’ils se relèvent. Une fois la route franchie, conducteurs et bœufs n’eurent
pas l’occasion de récupérer des forces, il fallait se remettre en route
immédiatement pour ne pas bloquer la retraite infernale. Plus loin, le pont de
la rivière Drin constituait un véritable nœud
d’étranglement pour toute l’armée car les charrettes ne pouvait passer qu’une à
la fois tant le pont étroit…. Il fallut donc des heures de patience pour faire
franchir le pontaux 5.000 véhicules. Sur cette photo, on peut voir apercevoir un pont interrompu quelque part dans le Monténégro tout près de l’Albanie. Le convoi est obligé de franchir la rivière à gué. Le froid
devenait terrible et lors d’un bivouac,
il n’y avait pas suffisamment de bois pour établir le feu. Un soldat serbe
aurait donné son âme pour un feu de bois de la même façon que les tommies
avaient besoin de leur « long » drink. Mabel
dut consentir à ce que l’on brûle un des charriots. Arrivés à Petch, le froid devint encore plus intense et le matin, il
fallait d’abord dégeler les bottes devant un feu si on voulait les enfiler. Pour
continuer la route avec de moins en moins de bœufs, on résolut de n’emporter
que la moitié du matériel sur les charrettes qui furent coupées en deux. Des poneys
furent aussi achetés. A Petch, les hommes s’affairent à scier les charrettes en deux Le matin, après un bivouac de nuit, il faut se remettre en marche. (Entre Petch et Roshai) Le 3
décembre, il fallut se résoudre à abandonner les ambulances motorisées qui
furent laissées aux mains du Préfet de Petch. Mais
toutes ces mesures ne suffirent pas encore et bientôt il fallut uniquement se
contenter du matériel transporté sur les dos des poneys. Mabel
sauva de justesse les instruments de chirurgie qu’un soldat avaient extrait de
leur caisse. Il commençait à distribuer
à ses amis tout ce qui ressemblait à un couteau quand Mabel
survint. Finalement, elle garda ces instruments dans ses bagages personnels
pour mieux les surveiller. La colonne de Mabel au Monténégro, à l’arrêt et n’ayant plus de véhicules. Tout le matériel est porté à dos de poneys ou de bœufs La route en Albanie jonchée de pierres et parsemées de trous dans la boue. On distingue un cheval mort à l’avant. Mabel conduisant à pied sa colonne à travers les montagnes. D’autres colonnes sont visibles au loin descendant une côte sur la gauche de la photo. Le parcours
sillonnait maintenant en plein montagne et il y avait des descentes très
dangereuses. Dans une de celle-ci, Mabel roula avec
son cheval et se releva miraculeusement. Le soir, il fallait dormir en prenant
la précaution de placer à ses pieds un petit mur de bois ou de pierres pour
être sûrs de ne pas dévaler couché pendant son sommeil. Il y a avait aussi le
risque d’être attaqué par des bandes de bandits Albanais nommés « Arnauts ». Ils attaquaient des colonnes isolées pour
ravir leurs malheureux biens. Ainsi Mabel apprit
qu’une de ses connaissances, un major serbe avait péri sous leurs mains avec
son épouse et les huit enfants qu’il avait pu emmener avec lui dans sa
retraite. Deux de ces enfants étaient de jeunes garçons pour lesquels la maman
avait confectionné des uniformes de soldat. Le 6
décembre, Mabel mentionne que la piste est maintenant
jonchée de soldats morts gisant dans la neige. D’après elle 10.000 morts
trouvèrent leur dernier repos dans ces montagnes. L’eau aussi était rare et la
découverte d’une rivière non gelée faisait la joie des animaux et des hommes
qui pendant plusieurs jours durent se contenter de neige. La nuit le spectacle
des étoiles détonnait avec la rudesse de la vie. Elles brillaient de tous leurs
feux avec une supérieure indifférence. Il
était facile pour elles, mentionna Mabel dans ses
mémoires, d’être pures et brillantes… car elles n’avaient pas à patauger chaque
jour dans la boue des Balkans. La fin du voyage interminable. Le 11 décembre,
la colonne épuisée arriva à Andreavitza. L’armée serbe en retraite traversant un pont près d’Andreavitza Sauvetage d’un poney tombé d’un pont à côté de Jabuka Le 13, elle
atteint Yabuka et puis enfin ce fut la descente finale
vers la vallée où se trouvait la ville de Podgoritza et
un peu plus loin le lac de Scutari. Epuisés le personnel de l’hôpital remit
tout le matériel sauvé à l’armée, puis rejoignit la côte à Medua,
où l’attendait le dernier steamer en partance pour l’Italie. L’exploit de Mabel St Clair Stobart. Mabel et ses collègues avaient réalisé un véritable
exploit. Certes, ils n’avaient pu utiliser leur hôpital mobile de façon
optimale mais ils avaient accompagné l’armée serbe dans sa douloureuse retraite
de trois mois. N’est-il pas vrai que soigner est aussi simplement accompagner,
se maintenir aux côtés de la personne qui souffre. Si l’on envisage les choses
de cette façon, Mabel Stobart
et son équipe ont excellé dans « leurs soins ». La présence de ces femmes anglaises au sein de
leurs convois en retraite fut d’un grand réconfort moral pour les Serbes. Grâce
à ces femmes, l’Angleterre fut témoin direct du courage du peuple serbe et de sa petite armée. Celle-ci
finalement fut transportée. Quant à Mabel, cette expédition la conforta dans ses idées
pacifistes et féministes. Voici quelques paragraphes du dernier chapitre de ses
mémoires. La guerre signifie le sang, la brutalité,
les difformités, et toujours la mort, la mort, encore la mort. L’homme
serait-il jaloux de Dieu pour qu’il détruise son œuvre ? Quand les
Germains détruisirent à Louvain les œuvres de l’homme, un hurlement d’horreur s’éleva partout mais quand des milliers d’exemplaires
uniques d’œuvres de Dieu sont détruits chaque jour, nous sommes toujours en
attente du hurlement d’horreur qui devrait tous nous saisir. L’autre jour, ondes témoins me
racontèrent que dans une tranchée 800 hommes avaient été tués en trois minutes.
Et pourtant ces hommes provenaient du dévouement du sacrifice, de la patience,
de la dévotion de femmes qui durant de longues années avaient façonné les âmes,
les intelligences, les corps de ces créatures à l’image de Dieu. Toutes ces
précieuses vies, finies en pièces, 800 en moins de trois minutes ! Voilà,
à quelle fin à conduit la sagesse de l’homme. La sagesse de la femme
pourrait-elle mener à un abysse plus profond ? Pour chercher le remède que
l’on désespère de trouver, ne doit-on pas faire appel à la femme pour empêcher la
vie de sombrer dans cet abysse ? La guerre n’est pas un conflit entre
armées rivales. La guerre est un conflit entre des armées suréquipées et des
femmes et enfants sans protection ; la guerre est un conflit entre des
armées suréquipées et la civilisation avec comme résultat direct la destruction
de cette dernière. L’idée du suffrage pour les femmes n’est
pas, en ce qui me concerne, une idée issue de mes petites expériences, c’est la
nécessité de votes en faveur de la vie, de la justice, de l’humanité. La guerre doit être supprimée et
les guerres ne seront jamais supprimées par les hommes seuls. L’homme disait
Bacon adore le danger plus que le travail ; l’homme disait Nietzche aime
plus le danger que le jeu. Les hommes regardent les batailles comme un
magnifique jeu de football ; la guerre est pour les hommes un sport
glorifié, comme certaines lettres du front en témoignent trop souvent :
« L’esprit de nos garçons fut splendide. Ils aimaient simplement le
fun ». « Il allait de droite à gauche et tirait comme si il était
dans champ de foire. C’était le plus beau spectacle de tir qui me fut donné »
(du Daily News, samedi 8 juillet 1926). (…) La société a failli dans sa première
fonction, qui est celle d’épargner la vie. Les sociétés sont toujours contrôlées
uniquement par les hommes et ces derniers ont toujours été plus soucieux de
produire la mort que de préserver la vie. (…) La protection de la vie avant et après
la naissance a été donnée par Dieu et par l’homme à la femme. La femme a
toujours protégé la vie individuelle ; ne doit-elle pas maintenant, dans
une large mesure, protéger aussi la vie de l’ensemble de l’humanité ? Les écritures disent que c’est la femme
qui eut le courage de goûter à l’arbre de connaissance. La femme fut de ce fait blâmée par Dieu et par l’homme
mais l’homme certainement ne voudrait pas retourner au stade de la vie
infra-consciente d’où il est sorti grâce à la femme et grâce à Dieu qui permit
cet acte. Et aujourd’hui, l’arbre de vie (la vie spirituelle) est toujours
inaccessible. Les poètes de la genèse nous disent que le chemin vers cet
arbre se trouve barré par une épée en feu. Aucun homme, avec sa force physique
n’est encore parvenu à éteindre ses flammes qui, n’ont jamais été aussi
importantes qu’aujourd’hui. L’homme a failli parce que l’extinction du feu ne
nécessite pas de forces physiques mais
de forces spirituelles. Et aujourd’hui, ce sont les femmes qui ne regardent pas
leurs intérêts mais l’intérêt de l’humanité qui suggèrent avec humilité que si
on veut atteindre l’arbre de Vie, la force spirituelle de la femme doit être
ajoutée à la force physique de l’homme dans un effort volontaire pour éteindre
pour toujours l’épée flamboyante. La vie de Mabel Stobart après la guerre. Après la
guerre, Mabel devint une passionnée du spiritisme et
de l’histoire des religions. Elle essaya notamment de prouver que le spiritisme
n’était pas interdit dans la religion chrétienne en recherchant dans la bible
les nombreux exemples où les vivants avaient pu s’entretenir avec leurs morts. Mabel se consacra aussi à améliorer le bien-être des plus
démunis car elle fit construire plusieurs « hôtels » destinés à
accueillir les chômeurs sans abris. Elle décéda le 7 décembre 1954 à l’âge
vénérable de 92 ans. Que devinrent les soldats de l’armée serbe en
retraite ? L’armée
serbe, arrivée en Albanie, fut embarquée pour l’île de Corfou. Avec l’aide de
l’armée française, elle reprit des forces, se réorganisa et fut rééquipée. A
partir du mois d’avril 1916, les troupes serbes à nouveau opérationnelles
seront progressivement transférées sur le front de la Macédoine pour constituer
quatre divisions aux ordres du commandant du front d’Orient, le général
français Sarrail. Au terme de deux années de guerre de position, l’armée serbe
vint à bout de l’armée bulgare. La Bulgarie se retira alors du conflit, demanda
l’armistice et évacua la Serbie. Cette dernière n’est plus alors défendue que
par des forces austro-allemandes qui seront défaites avec une rapidité
impressionnante par une armée franco-serbe
qui parvint à réoccuper Belgrade le 1er novembre 1918. Dr Loodts Patrick, août 2018 Source : The Flaming sword in Serbia and Elsewhere, Mrs. Mabel.
St. Clair Stobart, 1916, Houdder
and Stoughton, London Nex York Toronto. Liste du courageux personnel de l’expédition Stobart. Stobart Hospital at Kragujevatz (SERBIAN RELIEF FUND
UNIT 3)
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