Médecins de la Grande Guerre

Docteur Ackroyd : le courage d’un médecin de laboratoire.

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Docteur Ackroyd : le courage d’un médecin de laboratoire.

Ackroyd en tant que médecin à l’hôpital en 1902.

Capt. H. Ackroyd.

Le Dr Ackroyd en permission en 1917.

Royston Memorial.

Docteur Ackroyd : le courage d’un médecin de laboratoire

 

 

Harold Ackroyd naquit le 13 juillet 1877. Il  était le fils d’un important homme d’affaires, président d’une société de chemin de fer. Il commença ses études au Mintholme College à Southport et obtint son diplôme d’humanité à Cambridge au « Gonville et Caius College » en 1899. Il suivit ensuite sa formation universitaire  en se faisant  très rapidement  remarquer par ses professeurs pour son esprit très  critique envers les méthodes expérimentales. A vrai dire, l’étudiant  Ackroyd ne se contentait pas de réaliser les expériences  selon les directives reçues du professeur : il critiquait aussi  minutieusement  la méthode employée afin de pouvoir éventuellement  la modifier pour accroître la précision des résultats.  Non seulement son attitude envers les méthodes était très scientifique, mais lui-même se donnait beaucoup de peine  pour être le plus minutieux  possible au cours des expériences. Devenu médecin, il exerça très peu de temps  au Queen’s Hospital de Birmingham  puis au David Lewis Northern Hospital de Liverpool  avant de partir explorer le continent européen. Bénéficiant d’une aisance financière, Ackroyd mit à profit  le temps de son long voyage pour réfléchir à l’orientation qu’il comptait donner  à  sa vocation de médecin. Passionné de navigation, c’est par de nombreux cabotages le long des côtes européennes  qu’il explora les quatre coins du continent. Quand il revint en Angleterre, ce fut avec la décision de consacrer sa carrière médicale à la recherche scientifique. Il se maria avec Mabel Robina Smithe, une infirmière-chef du Strangeways Hospital de Cambridge et trouva une place de chercheur au tout nouvel Institut d’étude de la nutrition animale à Royston. Au cours de ses recherches, il découvrit que les urates perfusées au chien se transformaient partiellement en allantoïnes par le foie sans formation d’urée. Dans une étude ultérieure, il prouva que dans le cas du lièvre, la conversion de l’acide urique en allantoïne se faisait complètement. Par ses travaux, Ackroyd appuya la thèse de Wiechowski qui prouva que  l’allantoïne était produite chez les animaux par le métabolisme des purines  tandis que chez  l’homme ce mécanisme n’était pas présent.

Ackroyd s’engagea aussi dans une étude sur la composition en azote des racines céréalières dont les résultats ne furent hélas jamais publiés. Juste avant la guerre, Ackroyd commença une recherche sur les précurseurs des purines dans le corps humain. En 1916, un article reprit le résultat de ses travaux  mais, malheureusement, Ackroyd ne put jamais en prendre connaissance !

En février 1916, âgé de 39 ans, père de trois enfants, il fut attaché comme capitaine médecin au 6 th BERKSHIRES REGIMENT et rejoignit son unité en France. Très vite il fut apprécié unanimement de tous les soldats. Le chef du régiment le Lt-Col  B.E. Clay dira d’ailleurs  que jamais il ne rencontra au cours de son existence  d’homme  plus chevaleresque que le docteur Ackroyd.

Le 1er juillet 1916, son régiment prit part à la bataille de la Somme et enleva Montauban Ridge. Après ce succès le régiment affronta les horreurs de Delville Wood le 19 juillet. La bataille fut si terrible qu’on ne voyait pas comment évacuer les blessés  mais Ackroyd resta calme et réfléchi et finalement parvint à rassembler blessés alliés et ennemis. Onze rapports établis par des officiers le recommandèrent pour la Victoria Cross mais finalement ce fut la Military Cross qu’il obtint. Après la bataille de Deville Wood, le docteur  souffrit d’un épuisement  qui nécessita son rapatriement en Angleterre pour un congé médical de six semaines. De retour chez lui, ses proches, vainement, voulurent  le persuader qu’il en avait fait assez !

Un officier de ses amis, Alfred Clark, écrivit à sa femme après son décès au front que les officiers du régiment  n’étaient qu’à moitié content qu’Ackroyd soit revenu de son congé médical car, tous, devant son caractère héroïque, présageaient sa fin !       

Ackroyd rejoignit donc son régiment qui  durant l’hiver 1917-1917 fut engagé dans des combats autour de Miraumont. La majeure partie du printemps fut employée pour la préparation de l’offensive prévue par les Anglais en Flandres. Ackroyd passa une dernière permission en famille avant de se retrouver la veille de ses 40 ans  en Belgique sur le front des Flandres pour participer à ce qui allait devenir  la meurtrière bataille de Passendaele.

Le 6ème Berkshires faisait partie de la 53ème brigade attachée à la 30ème division qui avait pour mission de prendre d’assaut le Polygoon wood  lors de la bataille de Passendaele. Le terrain était extrêmement difficile à conquérir car il était recouvert de multiples barrières en fils barbelés  et défendus par une multitude de mitrailleuses enfouies dans des abris bétonnés. Le régiment aurait dû avancer à couvert par le Glencourse Wood.  Mais  le bataillon  chargé de le conquérir avait commis une grave erreur  se trompant d’objectif et en prenant d’assaut Château Wood. Obligé de changer de trajectoire le Berkshires Regiment dût alors avancer à découvert  le long de la route de Menin. Sous l’action des mitrailleuses allemandes, l’assaut se transforma en catastrophe. En deux heures, les Anglais ne purent avancer que de 400 Yards et à lala fin de la journée le régiment comptait  44 tués, 23 disparus et 182 blessés. Les blessés isolés dans les trous d’obus connurent bientôt les affres de la pluie qui ne cessait pas de tomber   et qui remplissait de coulées de boue les trous d’obus dans lesquels ils s’étaient réfugiés.  Le docteur Ackroyd se dévoua à nouveau sans compter : il rejoignit un maximum de blessés  pour les  panser. Indifférent à la pluie et aux bombardements, exactement comme si il se trouvait dans les bonnes conditions d’une salle d’opération, c’est avec la plus grande précision et en prenant tout le temps nécessaire aux petites interventions qu’il soignait les  blessés. Toute la nuit, il veilla au transport des blessés et transporta même plusieurs d’entre eux  sous le feu ennemi.  Plus tard, quand tous les rapports écrits des combats furent rassemblés, c’est avec étonnement que l’on trouva 32 recommandations  de combattants différents  qui, sans s’être donné le mot, demandaient que l’on attribue la Victoria Cross au courageux docteur !  Le Berkshires Regiment fut relevé le 1er août  mais le 10 août il reçut l’ordre de retourner au front et de prêter secours  au 7th Bedfords qui à, Jargon Trench, subissait une violente  contre-attaque. Le 11 août, Ackroyd sortit seul de son poste de secours pour rechercher des blessés dans les postes avancés de chaque compagnie. Il alla d’un trou d’obus à un autre mais hélas,  le dernier, qui n’était  pas assez profond pour protéger ses occupants des tirs ennemis, lui fut fatal. Ackroyd périt d’une balle dans la tête comme les six  soldats qui à côté de lui  connurent exactement le même sort!                       

Le 19 août le capitaine Richardson écrivit à sa veuve :

It ‘s the biggest loss this battaillon has ever suffered and it’s nothing more or less than a tragedy for us all. As you have probably heard before he was the most fearless man imaginable and to see him in his cool way picking up wounded and sending them off was a sight no one can ever forget. The hottest shell fire never stopped him going to a wounded man and the men used to simply stare in wonderment at his braverly. In all figthts he was worth a hundred men to us for morale’sake…

«  C’est la plus grande perte que notre bataillon a enduré et ce n’est rien  que moins,  pour nous tous, qu’une tragédie !  Comme vous le saviez probablement avant ceci, il était l’homme le plus courageux que l’on puisse concevoir et  le voir ramasser et évacuer  les blessés était un spectacle que personne ne pourra jamais oublier. Le bombardement le plus intense ne l’empêchait pas de partir rejoindre un blessé et tous les soldats considéraient avec émerveillement sa bravoure! Dans tous les combats, il cumulait la force morale de cent hommes… »

Trois semaines après sa mort, le London Gazette du 6 septembre annonça l’attribution de la Victoria cross au Captain Harold Ackroyd

Le docteur Ackroyd  avait choisi de ne pas avoir de clientèle pour  se consacrer uniquement à la science. Le destin bouleversa complètement ses plans et le força à soigner ses proches. Il le fit en faisant preuve du  plus grand   dévouement. Un dévouement total mais réfléchi  car,  pour ce scientifique, il n’y avait pas de méthode meilleure que celle-là  pour  sauver un maximum de vies !

Sa veuve et son fils aîné de cinq ans reçurent des mains du roi George V la Victoria Cross décorations le 26 septembre 1917.

L’officier Clark écrivit à Mabel cette phrase qui qualifie bien Harold  Ackroyd

« All of our medical officers are wonderfully brave but your husband was quite in a class by himself »

« Tous nos médecins étaient merveilleusement braves mais votre mari les surpassait tous » 

Harold Ackroyd est enterré en Belgique au Birr Crossroads cemetery à Zillebeke. Sa tombe porte cette inscription « Believed to be buried in this cemetery » (destiné à être enterré dans ce cimetière).

 

Dr Patrick Loodts.

 

 

 

Sources :

-          Stephen Snelling, VCs of the First World War ; Passchendaele 1917, Sutton publishing book, 1998     

-          F.G. Hopkins, Obitary notices, Harold Ackroyd



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