Médecins de la Grande Guerre

Le Belge René Courtois sauva les vestiges de l’abbaye de Vauclair, témoins muets de la bataille du Chemin des Dames

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Le Belge René Courtois sauva les vestiges de l’abbaye de Vauclair, témoins muets de la bataille du Chemin des Dames



Le Père René Courtois décoré de la légion d’honneur.


Vue d’ensemble du Chemin des Dames. L’abbaye de Vauclair se trouve à quelques km au nord-est de Craonne. Craonne est situé au sud de Laon à 200 km de Bruxelles. (Informations touristiques sur les lieux de la mémoire. Conseil Général de l'Aisne.)

       Un Belge, René Courtois veilla en ermites sur les âmes du Chemin des Dames pendant près de quarante ans ! Il était né 1926 à Martelange. A 40 ans, passionné par l’histoire, le voilà qui arrive en 1966 au milieu des ruines de l’abbaye de Vauclair. A cette époque, les vestiges du monastère cistercien fondé par Saint-Bernard en 1134 achèvent de s’enfoncer dans le sol. La fameuse bataille du Chemin des Dames en avril 1917 avait transformé l’ancienne abbaye, transformée en exploitation agricole, en un amoncellement de pierres qui, au fil des années, se laissait conquérir par une nature restée comme à son habitude indifférente au passé des lieux.



L’abbaye de Vauclair était devenue une exploitation agricole avant la Grande Guerre


Environ de Laon


Le bâtiment des convers servait de grange à l’exploitation


L’abbaye n’est plus qu’un monceau de ruines après le bombardement d’avril 1917 (photo issue de )


Les ruines restaurées de l’abbatiale de l’abbaye de Vauclair au milieu d’une nature respirant enfin la paix !

       Un père cistercien, Anselme Bruaux avec le directeur du comité départemental du tourisme de l’Aisne, Mr Bruaux formait un duo qui rêvait de sauver les ruines. En août 1965, Anselme, de passage à l’abbaye d’Orval, rencontra là, le Jésuite René Courtois qui venait d’y terminer une campagne de fouilles avec l’aide de jeunes gens réunis au sein d’un groupe appelé « Source ». Anselme lui parla de Vauclair et l’invita à y entamer des fouilles. René accepta et, en 1966, à son arrivée sur le plateau de Vauclair, ce fut un véritable coup de foudre qui surprit le prêtre archéologue : dès le premier regard il fut subjugué par ces lieux.

       Imaginez-vous une vallée traversée par une rivière et entourée de forêts, véritable sanctuaire de la nature avec en son centre un amoncellement de pierres taillées révélant une ancienne et énigmatique présence humaine. Saint Bernard de Clervaux savait choisir pour ses moines les endroits les plus beaux ! Il n’est pas étonnant que René ait éprouvé la même sensation que le fondateur de l’ordre des cisterciens en découvrant ce paysage. Bientôt, ce site devint, comme il aimait à le dire « sa patrie ». Une patrie qui avait pourtant bien souffert de la violence des hommes, particulièrement en avril 1917 quand fut déclenchée la fameuse bataille du Chemin des Dames. Ce chemin constituait une crête tenue par les Allemands à environ 5 kilomètres au sud de l’abbaye. Les Français sous le commandement du général  Nivelle voulurent percer le front ennemi en cet endroit. Pour préparer l’assaut du 16 avril, l’artillerie française canonna pendant plusieurs jours les arrières de l’ennemi et c’est de cette manière que l’antique abbaye de Vauclair fut détruite. Les ruines cependant si elles témoignaient encore de l’épopée cistercienne reflétaient surtout la terrible bataille du Chemin des Dames qui dura jusqu’à la fin de l’année 1917 en faisant des centaines de milliers de victimes pour des résultats insignifiants.

       Du 16 avril au 10 mai, on a pu compter 114.OOO tués, blessés ou disparus. Après l’échec de cette première phase, Pétain repris le commandement de ce front et cela, jusqu’à la prise du fort de Malmaison le 25 octobre 1917. Mais cette deuxième phase de la bataille coûta encore 118.000 hommes. Si on estime qu’à cette époque (le service de santé reçut beaucoup de critiques sur l’insuffisance des soins lors de cette bataille), il eut un tué pour un blessé, l’on arrive à 100.000 tués rien que dans les rangs français et cela en six mois. René Courtois fut marqué par cette conjonction de drames qui eurent lieu en cet endroit. Quand il résolut de se consacrer plein temps au sauvetage des ruines de l’abbaye, il le fit en temps qu’archéologue désirant explorer les traces du passé cistercien de l’abbaye mais aussi à la manière d’un ermite voulant offrir sa solitude et ses prières aux âmes qui y avaient vécus. S’associer aux prières des anciens moines et compatir aux souffrances des soldats qui avaient combattus à proximité des ruines, voilà ce qui importa aussi pour le prêtre qu’il était. René Courtois s’installa donc dans une cabane de chantier à quelques mètres de l’abbaye et, tenez-vous bien… il y resta pendant près de quarante ans, jusqu’à sa mort en 2.005.



Les cabanes dans laquelle vécut le Père Courtois pendant près de 40 ans (source : )

       Chaque année, en été, René courtois dirigeait une campagne de fouilles tandis que l’hiver était réservé à l’écriture et à la méditation.

       Le lecteur intéressé ne manquera pas de visionner ce beau montage PowerPoint qui nous montre la vie quotidienne de René dans son « ermitage » :

       En l’an 2000, un journaliste lui demanda ce que représentait pour lui le 11 novembre. Voici ce que René Courtois  répondit :

« C'est une date qui m'a toujours marqué. Pour moi le Chemin des Dames est super habité. Des coins comme le Plateau de Californie ont vu des milliers de soldats tomber sous les balles. J'aime traîner dans les cimetières. Un cimetière, c'est un nom, un prénom, une famille, un coin de France. Dans la plaquette sur le Chemin des Dames, j'ai expliqué que les généraux manient leurs troupes comme des ensembles. La mitraille, elle n'atteint que des vies singulières ».



René Courtois écrivit un guide Historia sur la bataille du Chemin des Dames

       René Courtois ne se contenta pas de restaurer les ruines et d’écrire. Amoureux de la nature, il reconstitua un véritable jardin médicinal qui rassemble tous les « simples » qu’il affectionnait.

       Sa vie féconde lui fallut d’être fait Chevalier de la Légion d'honneur, chevalier des Arts et Lettres, officier des Palmes académiques. Passionné aussi par la poésie, il était un « fan » d’Apollinaire. Ce fait n’est pas étonnant car Apollinaire fut un des combattants du Chemin des Dames. René avait fait sienne la belle phrase optimiste du poète - soldat :

 « Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores ».

       En 1995, un film fut consacré à la vie de René Courtois dans les ruines de Vauclair ; il s’agit de « Vallis Clara » d’Damalia Escriva qui écrivit en introduction de son film ces phrases émouvantes :

« Une route part de Craonne à Laffaux sur un plateau calcaire et de vent. Cette route c’est le Chemin des Dames, cimetière en 1914-1918, de 300.000 soldats de vingt ans. Quand j’étais enfant ce nom, Chemin des Dames était comme un cauchemar de peur et de sang. Le père Courtois est arrivé à l’abbaye de Vauclair, en contrebas du chemin des Dames, un matin de givre et de glace au cours de l’hiver 1966. Archéologue, historien, botaniste, libre penseur et jésuite, le Père Courtois n’a plus quitté les ruines de Vauclair où il vivait dans trois baraques de chantier, inventant un monde singulier et à sa mesure pendant presque trente ans. C‘est là que j’ai rencontré ce colosse imperturbable, démiurge malicieux, hôte merveilleux qui ressuscita le génie de ce vallon chargé d’histoire, avec la force de sa foi athlétique. »



       Aujourd’hui l’abbaye de Vauclair, grâce à René Courtois, constitue un site exceptionnel ou la nature, la spiritualité et l’histoire cohabitent à merveille. René Courtois mourut en 2005, dix ans après la réalisation du film le concernant. Lors des funérailles, il reçut d’innombrables hommages. Aujourd’hui ce Jésuite atypique repose au milieu de « sa clairière »  comme il l’avait souhaité.





       Amis Belges, comme René Courtois, vous ne manquerez pas d’apprécier l’abbaye de Vauclair  ! Vous n’y resterez pas quarante ans mais la journée que vous y passerez sera inoubliable !

Dr P. Loodts

 

 

 



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