Médecins de la Grande Guerre

Le Dr Rigollot-Simonnot, un médecin français exemplaire.

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Le Dr Rigollot-Simonnot, un médecin français exemplaire.

L’Institut Notre-Dame de Philippeville en 1910.Au rez-de-chaussée, la grande serre avec derrière le réfectoire qui a accueilli de nombreux blessés et réfugiés. Au-dessus, la Grande Chapelle. Devant le parc. (Photo Houyoux M.)

LE  MEDECIN – MAJOR   RIGOLLOT – SIMONNOT.[1]

Louis Pierre Rigollot-Simonnot naît le 27 novembre 1876 à Bar-sur-Seine d’Auguste Ernest Thimothée Rigollot-Simonnot, commissaire-priseur, et de Marie Louise Chrétien. Il est fils unique. Après ses études secondaires, il s’oriente vers la médecine et plus spécialement la chirurgie. Interne, il manque de partir sur le navire océanographique ‘Princesse Alice’ mais ses parents refusent qu’il prenne ce risque. Il se résigne et obtient son doctorat de médecine à la Faculté de Paris le 22 janvier 1908. D’abord chirurgien-assistant à l’hôpital St Joseph de Paris, il devient chef de service dans un nouveau pavillon de cet hôpital.
 
La guerre le surprend à Paris : il habite alors au 98, rue du Cherche-Midi et est célibataire. Louis rejoint Rennes où il est mobilisé : il va exercer dans l’Ambulance Divisionnaire N°9 du Xe Corps d’Armée (Ambulance 9/10 ou 9/X). Elle est dirigée par le Médecin-Chef (Médecin-Major) Perdrizet. Louis sera Médecin aide-Major de 2e Classe.  
 
L’ambulance s’installe le 15 août dans les murs du pensionnat des Sœurs de Notre-Dame de Philippeville. Le 24, le Médecin-Chef reçoit l’ordre du Médecin-Inspecteur Follenfant de replier l’ambulance en laissant sur place les grands blessés sous la garde du Médecin aide-Major le plus jeune en grade et de 2 infirmiers. L’aide-Major le plus jeune est alors le Dr. Olivier. Louis propose alors de prendre sa place avec cet argument :  
 
« Pars, c’est à moi de rester, je suis célibataire. Tu as femme et enfants »
 
Le Médecin-Major accepte cette transaction, en fera part ensuite à sa hiérarchie et sollicitera une citation pour Louis : ce dernier fut cité à l’ordre du Régiment. Il écrira ensuite à une des Religieuses.  
 
« C’est pour expier mes péchés de vieux garçon »
 
Resté sur place, il soigne les blessés avec l’aide des infirmiers et des Sœurs.  
Le 25 août, les Allemands pénètrent dans Philippeville et le font prisonnier ainsi que les infirmiers et les blessés français. Ils sont consignés à l’Ambulance. Le 30 août une Ambulance allemande investit le Pensionnat que doit quitter Louis avec défense absolue de s’éloigner de la ville. Le Bourgmestre Gérard le recueille alors.
L’Ambulance allemande reste 8 jours à Philippeville. Louis reprend ensuite sa direction où il retrouve les blessés français et allemands. Il doit travailler dans un grand dénuement mais est cependant aidé par la population ainsi que par Mrs. Pirson et Scheepers. Grâce à cette aide, le ‘docteur français’ (nom donné à Louis par les Belges et qui lui restera) parvient à soigner ses blessés. Il est admiré pour son zèle. A Mr. Pirson, il dira :  
 
« Un blessé, dans son lit, est un malheureux qui souffre, il a droit à mes soins ; un homme n’est allemand que lorsqu’il porte un casque à pointe ! »
 
Même les médecins allemands viennent le voir opérer et soigner. Ils ont même recours à sa science. Jamais il ne consent à se séparer de son uniforme en dépit de certaines brimades. « Sa politesse, son aménité, son dévouement, son désintéressement, quand il était appelé à donner des soins aux civils belges de la région dépourvue de médecin, lui avaient valu la sympathie et le respect de la population. » (Dr. Huguier)
 
Louis pense être libéré, les Allemands s’y étant engagés. Il refuse donc de s’évader vers la Hollande comme le lui proposent des amis belges. Pourtant, le 20 décembre 1914, il quitte Philippeville pour l’Allemagne. C’est d’abord l’internement au camp de Güstrow, au nord de Berlin. Y sont concentrés environ 12.000 soldats et 4.000 civils. Ces prisonniers sont répartis en groupes de 800 sous de grandes tentes non chauffées en ce début d’hiver. Ils doivent coucher côte à côte, en rangs serrés, toutes nationalités volontairement mêlées d’où une propagation de maladies comme le typhus. L’eau est sale (dysenterie), la nourriture mauvaise et insuffisante. Louis se dépense pour soigner les prisonniers entraînant ses collègues plus réticents.  
 
« Au milieu de tant de misères, notre devoir n’est plus de nous réclamer nos droits mais de travailler »
 
Le camp va peu à peu s’organiser avec la construction de baraques. Les médecins peuvent mieux travailler, dans des conditions cependant toujours difficiles.
Louis apprend dans ce camp la mort de son père, très choqué par la disparition et l’emprisonnement de son fils unique, et sombre alors dans une forte dépression dont ses camarades parviennent à le tirer.  
 
Lors d’une visite de délégués des Ambassades d’Espagne et des Etats-Unis et d’un délégué suisse, 4 médecins français, dont Louis, parviennent à exposer à cette délégation les conditions de vie dans le camp. Cette initiative amène l’autorité militaire allemande à les disperser vers d’autres camps.  
 
Louis se retrouve à Langensalza. Il se réjouit d’être plus près de la France et de retrouver un camp dont on dit qu’il est plus humain et confortable que Güstrow. Il arrive en fait le 3 avril 1915, dans un camp ravagé par le typhus. Les médecins alliés se dépensent sans compter ; 15 ont déjà contracté la maladie ; 4 médecins russes sont morts ; un médecin français est à l’agonie. Les médecins allemands sont réticents à prodiguer leurs soins sauf le Docteur Rheberg. Louis observe alors la situation ; il est chirurgien, pas médecin. Hélas, il contracte lui aussi la maladie et meurt le 15 mai 1915 au camp N°4 de Langensalza, à 03h du matin, à l’âge de 38 ans. Peu de temps auparavant, lors de son accès dépressif qui suit le décès de son père, il  rédige un testament moral.
 
« J’accepte avec joie et sans regrets d’aucune sorte la volonté de Dieu, quelle qu’elle soit… J’espère qu’il me fera rejoindre mes chers parents, ma mère qui a donné sa vie pour moi, mon père dont les souffrances morales auront été comptées… Je désire que mon corps soit rapporté à Bar et enterré auprès de mes chers parents… »
 
Ce testament n’est pas respecté car Louis est inhumé au cimetière de Langensalza, tombe N° 719. Un acte de décès est transcrit à Langensalza (Acte N°817) et retranscrit le 29 juin 1916 à la Mairie de Bar-sur-Seine. Il n’y a pas de transfert de corps immédiatement après la guerre.
Un dossier est constitué par les amis de Louis pour que son abnégation et son dévouement soient reconnus. Son dossier d’Officier contient de nombreux témoignages et attestations. La Légion d’Honneur est sollicité à titre posthume. Ce praticien ne reçoit... que la Médaille des Epidémies et n’est cité  qu’à l’ordre du Régiment.  

 

 

 





[1] Renseignements recueillis par Monsieur Richard, Président de l’  « Association Bretagne 14-18 » et envoyés par Houyoux M., L'Institut Notre-Dame de Philippeville (Belgique) – Ambulance française et allemande. Carnets de l’Entre-Sambre-et-Meuse – Cerfontaine – 2000

 



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