Médecins de la Grande Guerre
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Le lieutenant Kerf
à l'assaut de la ferme Violette le 30 septembre 1918. A Claude-Pascal Perna… qui
a fait resurgir du passé le lieutenant Kerf Table des matières 1) Introduction 2) Lettre du capitaine Kerf
à son ami Léo 3) La conquête des fermes: texte écrit par un
sergent (signature illisible) du 1er régiment de ligne 4) Conclusion 1) Introduction Il y a quelques jours un ami me remettait une farde
contenant des documents afférents à la guerre 14-18. Parmi ces documents se
trouvait le brouillon d’une lettre
manuscrite qui me parut très digne d’intérêt. Ce texte daté de 1929 avait comme
auteur un certain Kerf,
ancien lieutenant pendant 2) Lettre de Kerf
à son ami Léo Lefranc Commencé le 4 avril1929, terminé le 8 avril. Mon cher
Léo, Excuse-moi de ne te répondre qu’aujourd’hui à la lettre
du 24 mars. Mais je rendre de congé. Nous avons passé les vacances de Pâques à Strasbourg
chez mes beaux-parents. En rentrant ce matin, j’ai trouvé ton mot. Je t‘envoie
inclus le bulletin d’adhésion complété. J’ai souscrit comme membre d’honneur,
bien que je doive te dire que les camarades dont tu me parles ont certainement
des situations plus lucratives qu’un capitaine d’infanterie, mais je veux faire
un effort pour les chers et anciens frères d’armes auxquels je pense bien
souvent. Quant à t’adresser une narration de la prise de Violette,
je pense que seul cela me sera assez difficile. Je fais t’en expliquer les
raisons. 1) j’ai des carnets de peloton
assez bien au courant, mais ils s’arrêtent au 3 août, date à laquelle j’ai été
évacué du camp de Salonique (secteur Nieuport) pour rhumatisme articulaire. A 2) Comme ordre pour l’attaque voici
tout ce que j’ai : Au lieutenant Kerf Préparez tout pour l’attaque
projetée (munitions etc..). Il y aura préparation d’artillerie de 4h30 à 5h30…Le 1er peloton est
désigné pour se porter à l’attaque en 1er lieu (un peloton par Cie).
D’autres ordres parviendront ultérieurement. Tu sais comme moi que les
autres ordres ne sont jamais arrivés. A la dernière minute, tout a été changé.
Au lieu d’un peloton par compagnie, les compagnies ont attaqué en entier. Mais comme ordres reçus :
néant. Or par respect pour ce pauvre Chaubet, il
faudrait inventer quelques instructions que nous aurions reçues, cela n’est pas
bien difficile. Cornette le fera aisément, moi aussi d’ailleurs. Mais je n’ai
plus le moindre bout de plan directeur, ni même de carte. Je suis ici dans une
situation spéciale à la disposition du gouvernement de 3) j’ai récolté des
renseignements à droite et à gauche avant de partir à l’attaque surtout sur le
plan directeur que Richard m’avait confié un moment. Il y avait le croquis de ma
reconnaissance faite en pleine nuit à la lueur des fusées. Cela me suffirait si
je l’avais, mais tu sais que j’ai été blessé dès le début .Or l’infirmier - je
ne connais plus son nom- c’était un Schaerbeeckois,
un mécanicien je crois, qui s’est
magnifiquement conduit - a coupé ma capote et ma tunique pour faire un
pansement. J’ai été évacué avec une chemise coupée en deux et une culotte pour
tout vêtement et je n’ai plus jamais revu les autres vêtements. Or tous les
papiers sur lesquels j’avais quelques annotations étaient dans mes poches. 4) J’ai été blessé dès l’abordage
et évacué aussitôt. C’est toi seul, qui
t’es battu comme un lion et dont les
Allemands eux-mêmes ont dû faire l’éloge, qui sais ce qui s’est passé jusqu’au
bout. Bogaerts lui-même a été blessé quelques minutes
après moi. En résumé, à mon avis, le récit exact de la prise de Violette ne
pourrait être fait qu’en collaboration au moins de nous trois, Léon, toi et
moi. Malheureusement je ne reviens pas souvent à Bruxelles parce que le voyage
est cher du fait que nous ne jouissons d’aucune réduction sur les chemins de fer
français. Je propose donc ceci. Je vais rassembler sur le papier les souvenirs
qui me restent de cette journée, non pas sous forme de récits mais au fur et à
mesure qu’ils me viennent à l’idée. Bogaerts et toi
vous y ajouterez vos souvenirs personnels. Cornette fera volontiers les
quelques instructions militaires nécessaires. Vous êtes sur place et vous vous
rencontrerez certainement facilement. Si tu tiens à ce que ce soit moi qui
fasse la narration, je tacherai de mettre mes souvenirs sous forme de récit. Il
suffira de m’envoyer les brouillons. Sinon, je suis persuadé que n’importe
lequel d’entre vous le rédigera tout aussi bien que moi, peut-être beaucoup
mieux. Je suis néanmoins très sensible, mon cher Léo, à l’honneur que tu me
fais en me confiant la rédaction de ce fait d’armes. Je t’envoie ci-dessous les
souvenirs qui me restent de cette mémorable journée, et qui commencent déjà à
s’estomper ! Je ne possède malheureusement absolument aucun document qui
puisse servir de carcasse ou plutôt de plan à un récit. Mes bonnes amitiés aux
camarades, mes hommages à ta femme et cordialement à toi. Il est bien entendu que j’écris mes souvenirs au fur et à
mesure qu’ils me passent par la tête, sans aucune idée de soigner mon style.
Vous en prendrez ce que vous jugerez intéressant, le restant vous le
supprimerez ; je vous donne carte blanche à ce sujet. Je suis sorti de l’hôpital de Cabourg à Adinkerke le 27
septembre 1918 après-midi et j’ai rejoint le I/1
(Première compagnie du premier régiment de Ligne) à Wulpen.
J’étais très fatigué en arrivant parce que j’étais couché depuis trois semaines
et que je m’étais levé pour la première fois ce jour-là. J’avais une valise
assez lourde que j’ai d’ailleurs dû abandonner en route parce qu’entre
Adinkerke et Wulpen j’ai dû faire presque tout le
trajet à pied. En arrivant, j’ai appris que le régiment allait prendre
l’offensive et tâcher de percer vers Mannekensver et
Ostende. Toute la nuit j’ai entendu le bombardement des lignes allemandes par
la flotte britannique. Il pleuvait à torrents. Le 28 au matin, le col B.E.M.
Moulin a réuni les officiers pour les mettre au courant de la situation et de
la mission de la 5.D.I. Nous sommes partis aux tranchées. Vu mon état de santé,
j’ai eu l’autorisation de m’y faire conduire par la voiture de compagnie. A mon
arrivée, j’ai appris que la compagnie devait envoyer une reconnaissance vers la ferme
Violette, Tersille et Groote M. que le I/1 devait attaquer le lendemain. Je me suis offert pour
diriger cette reconnaissance et j’ai eu beaucoup de difficultés à obtenir cette
faveur. Le major Lecrique voulait absolument que je
reste en deuxième ligne parce que j’étais exempt de service. Je lui ai expliqué
que j’avais déjà beaucoup de difficultés à quitter l’hôpital ; le docteur Colard (je ne garantis pas l’orthographe) prétendait que je
ne résisterais pas à la première marche. Mais ce n’est pas après un exil de
cinq ans que je voulais rester dans un lit d’hôpital alors que le régiment
allait rentrer au pays. J’ai consenti à ce qu’il m’exempte de service pour 6
jours uniquement pour pouvoir rejoindre mes camarades (sans cette exemption, on
ne m’aurait pas autorisé à quitter l’hôpital). D’autre part je commandais mon
peloton depuis décembre 1916 ; et pour la première fois qu’il allait
donner l’assaut aux lignes allemandes le major voulait que je reste en deuxième
ligne. Je lui expliquai que tous mes hommes diraient que le lieutenant a la frousse et ne croiraient pas que c’est
par raison de santé. Bref, le major se rendit à mes arguments et j’obtins gain
de cause. Je suis parti le 28, je ne me rappelle plus à quelle heure, mais il
faisait nuit. La reconnaissance devait être appuyée par le feu des mortiers des
tranchées. Nous sommes partis à la file indienne. Le terrain était très
mauvais. C’était l’ancienne plaine inondée et l’on avançait péniblement car on
s’enfonçait dans la boue. Il pleuvait. Les éclatements des bombes lancées par
les mortiers de tranchée me servaient de point de direction. Pendant toute la
marche, les Allemands (2ème régiment d’Infanterie de Marine si j’ai
bonne mémoire) lançaient fusée sur fusée. Mais ils n’ont pas tiré un coup de
feu. Quand j’ai été arrêté par un réseau de fils barbelés tellement épais qu’on
ne pouvait plus couper les fils sans danger d’être découverts, j’ai arrêté mon
peloton. Je l’ai déployé en tirailleurs, les F.M. aux ailes. Je voyais très
bien Violette point d’appui en fer à cheval, les entrées des abris du côté des
lignes allemandes. Je voyais même les sentinelles. Les Allemands étaient
nerveux et s’attendaient à un raid ou bien ils nous entendaient, car ils
lançaient fusée sur fusée, mais je le répète, ils n’ont pas tiré un seul coup
de fusil. A la lueur des fusées, j’ai pu
faire un croquis de la position ennemie et des défenses accessoires qui la
protégeaient. J’y ai indiqué des endroits où à mon avis des patrouilles
envoyées avant l’attaque devaient aller couper les fils de fer. Lorsque j’ai eu
les renseignements que je pouvais obtenir, je me suis replié vers nos lignes où
je suis rentré avec mes hommes sans incident et sans autres pertes que quelques
hommes qui s’étaient blessés dans les fils de fer. Je me souviens de Christiaens et de Lebrun.
En rentrant j’ai rendu compte de ma mission au capitaine Chaubet puis, plus tard, le major Lecrique
m’a fait appeler et je lui ai donné les renseignements que j’avais pu obtenir
en vue de l’attaque du lendemain. Dans la nuit du 29 au 30 septembre 1918, je suis parti
avec mon peloton pour chercher des passerelles à la gare de Ramscapelle ;
au retour, nous avons été bombardés par des obus à gaz ; j’ai eu quelques
blessés, Macken entre autres. A l’aube, la première Cie
a attaqué Violette, pendant que la seconde devait prendre Tersill
et la 3ème Groote M. Chaque compagnie était renforcée par une
section de mitrailleuse et par quelques auxiliaires du génie qui devaient placer les passerelles sur les Vaart. La section Mi de l’adjudant De Rudder
marchait avec nous. Nous sommes partis de Reikenhoeck,
Bogaerts en tête avec son peloton, le 3ème.
C’est lui qui devait entamer l’action. Je suivais avec le mien (1er).
Lefranc devait tenir la liaison entre la 1ère et 3ème
division qui était à notre droite. Il ne put remplir sa mission car la 3ème
échoua dans son attaque, ne pouvant plus passer le Beverdijk
grossi par les pluies, et il revint à Volette, ou plutôt vers un petit abri, un
peu en avant de Violette (Lefranc pourrait mieux que moi préciser les détails) Moi, je quittai Reikenhoeck en
même temps que ce brave Prosper Van de Putte, lieutenant à la 2ème.
Je le verrai toujours levant sa canne au moment où nous nous quittâmes en me
disant : « On les aura ! ». Non seulement je ne l’ai jamais
revu, mais c’est avec peine que l’on a pu, plus tard, retrouver et identifier
les restes du pauvre garçon. J’eus beaucoup de malchance durant la marche
d’approche. J’avais des jambières dont l’une s’ouvrait constamment en dessous.
Je le refermai plusieurs fois, puis, impatienté, j’ai enlevé mes jambières et
je les ai jetées au loin ! Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est
qu’aussitôt mes jambières enlevées, mes bottines restèrent enlisées dans la
boue et je fus pied nus, ce qui me fit beaucoup souffrir en traversant les
barbelés. Puis mon imperméable resta accroché dans les fils de fer barbelés. A
ce moment, on entendait les premiers
coups de fusil des hommes de Bogaerts qui
attaquaient. La tête de mon peloton hâta le pas et pour ne pas être dépassé par
mes hommes dont Bels mon ordonnance gardait la tête, je dus dégrafer mon
imperméable, le laisser sur place et c’est en courant, que j’ai pu reprendre la tête de mon
peloton. En arrivant devant Violette, nouvelle désillusion. Je disposai mes
hommes en tirailleurs moitié à ma droite, moitié à ma gauche. A mon coup de sifflet, ils sautèrent dans la tranchée
allemande et quand je voulus moi, sauter à mon tour ce me fut impossible !
Il était environ 9 heures du matin à ce moment. J’étais sorti de l’hôpital
l’avant-veille après-midi. J’avais fait le trajet Adinkerke-Wulpen
à pied, puis ma reconnaissance de la nuit précédente, conduit la corvée à la
gare de Ramskapelle, et, de suite après, la marche
d’approche, j’avais les pieds en sang. J’étais éreinté. Impossible d’escalader
le parapet de Violette. A ma gauche, à la clarté du jour naissant, j’ai
remarqué la passerelle qui donnait accès à la ferme, du côté des lignes
allemandes, et je m’y dirigeai pour entrer dans Violette par cette voie. Mais
sur la passerelle, il y avait une sentinelle que j’entendis brusquement crier
« Werda ». Mais le marin, me voyant marcher
vers lui, browning au poing d’un air résolu, jeta son fusil, leva les bras en
l’air en criant « Kamarad ». Je levai la
main pour lui faire signe d’aller vers l’arrière. Malheureusement la sentinelle
était double et je tombai dans le piège que m’avais tendu les deux hommes. Le
premier avait attiré mon attention en criant « Kamarad »
de sorte que je ne vis pas le second qui, au moment où je levai le bras, tira sur moi, pour ainsi dire à bout portant.
En même temps que j’entendis la détonation, je vis la flamme sortir du canon de
son fusil, mais, à part une espèce de coup de fouet, je n’éprouvai aucune
douleur de sorte que j’ignorais que j’étais blessé. Ce n’est que plusieurs
minutes plus tard que mon ordonnance me dit : « mon lieutenant, vous
avez du sang sur votre capote, vous êtes probablement blessé » Mais je
crus être resté accroché dans les fils de fer barbelés et je n’y pas pris
attention. J’allais donc tirer à mon tour sur le factionnaire allemand quand je
fus assailli par une voilée de grenades et je n’eus pas le temps de m’aplatir
contre un travers pour me protéger. Je fus néanmoins blessé assez cruellement
par un éclat à l’index gauche. Quand le jet de grenades cessa, je suivis la
passerelle et j’entrai dans le poste. C’était un point d’appui en demi-cercle,
convexe du côté des boches, formé de plusieurs abris en béton dont les entrées
étaient dirigées du côté des boches…
C’est ce qui explique comment l’ennemi put à peu près anéantir la
première compagnie avant de reprendre le poste par une contre attaque. Entre
les abris se trouvaient des tranchées en terre rapportée. Le premier que je
rencontrai en entrant dans le poste
était un soldat de l’infanterie de marine allemande agitant un immense drapeau
de Je compris alors seulement
pourquoi ma capote était tachée de sang. Le coup de fusil tiré par la
sentinelle m’avait atteint du côté gauche. Je me fis transporter contre le
parapet d’une tranchée auquel je me suis adossé, assis par terre. Je
distinguais Bogaerts qui discutait avec animation à
l’avant du poste avec un ennemi. Je vis
celui-ci monter sur la banquette et faire rentrer dans le poste une vingtaine
de soldats allemands qui s’étaient enfuis et cachés dans la prairie entre
Violette et l’Yser au moment de l’assaut. A ce moment je me suis évanoui. Quand
je revins à moi, je n’avais plus que mes culottes ; les bretelles et ma
chemise étaient coupées et j’avais la poitrine entourée d’un pansement rouge de sang sous mon bras
gauche. C’était mon brave infirmier qui m’avait transporté dans l’abri et on
m’avait pansé. Je voulus remettre ma tunique mais impossible de bouger le bras.
On m’enroula une couverture au travers du corps. J’avais encore mon masque, mon
casque et mon browning. Je voulus reprendre le commandement du poste, c’était
mon devoir car j’étais le plus ancien officier présent, le capitaine n’y étant
pas encore arrivé. Le caporal Van Slichelen qui se trouvait près de moi s’y opposa
formellement disant que je tomberais au premier pas que j’essaierais de faire.
Bref, je ne pus que me faire sortir de l’abri et installer à nouveau contre le
parapet pour emplir ma mission le mieux que je pouvais. J’y étais à peine
arrivé que je vis Lefranc debout sur un abri et criant : « face à
gauche attention à la contre-attaque ! ». Il donnait des ordres à un
fusil-mitrailleur auprès duquel si j’ai bonne mémoire se trouvait le caporal Warnier. Je fis appeler le sergent Parmentier et je lui dis
de tacher de tourner contre les Allemands les deux mitrailleuses que nous leur
avions prises. Je donnai l’ordre à mon signaleur de lancer une fusée rouge pour
demander un feu de barrage. Mais le brave garçon me répondit : « Les
fusées sont abîmées par l’eau et inutilisables ». A ce moment, le
capitaine Chaubet vint vers moi en me disant :
Qu’est-ce que tu fais ici ? Va te faire soigner ! » Tranquillisé sur la situation par la vue du commandant de
Compagnie, j’obéis. Les soldats Bils et Gesquière me transportèrent. Je n’ai jamais souffert autant
que pendant cette marche de Violette à Reikenhoeck.
J’étais blessé au doigt par un éclat de grenade, j’avais une balle dans la
poitrine. J’étais à peu près nu et il faisait un temps épouvantable. Nous
étions obligés de traverser un feu de barrage nourri, et malgré mes blessures,
j’ai dû plusieurs fois m’abriter dans des trous d’obus plein d’eau. Nous avions
fini par arriver à Reikenhoeck où je vis le lieutenant
Richard assez inquiet. Je luis dis que violette était pris. Il ne voulait pas
le croire. J’ai dû lui affirmer avec force que j’en venais. J’ai pu lui donner
quelques détails puis, je me suis évanoui à nouveau. J’ai su à mon retour au
régiment à Eertevelde, quelques jours avant
l’armistice, qu’on m’avait cru tué, qu’on avait envoyé une patrouille à la
recherche de mon corps. Le premier sergent facteur Forge du bataillon m’a même
remis deux lettres sur lesquelles il avait marqué décédé le 1/10/18. Je ne veux pas terminer ces lignes sans insister sur la
brillante conduite du lieutenant Lefranc qui tout jeune officier a pris le
commandement de la première compagnie, tous les autres officiers ayant été tués
ou blessés, et a exercé ce commandement
toute la journée dans des conditions extrêmement difficiles. Il n’a été pris
par les Allemands qu’après avoir tiré toutes les cartouches qu’il avait dans
son browning ! J’ai toujours cité et je continuerai à le donner en exemple
cette brillante conduite dont Je verse ce jour cent francs au compte chèque postal
603.43 de 3) Le texte ci-dessous écrit par un sergent était sans doute destiné
à la publication dans un journal tenu
par les soldats du 1er régiment de ligne. L’héroïsme du Jass. 30 Septembre 18. (nom illisible, commençant peut-être par Ram…) La proclamation du roi avait été lue et acclamée par ses
soldats et l’aube du 27 septembre s’était levée derrière le rideau de feu et de
mitraille. Les bataillons après les bataillons étaient entrés dans la fournaise
et les braves jass-braves entre les braves- marchaient, tuaient mouraient… Notre régiment ne connut pas les heures épiques d’Houthulst ;
le destin lui réservait d’autres gloires. L’aube du 28 septembre le trouva en ligne de
Saint-Georges à Pervijse. La violence inouïe de
l’attaque des nôtres avait profondément ébranlé les troupes allemandes, la
continuité meurtrière, implacable de la bataille leur fit entrevoir la défaite
prochaine. Il fallait la retarder coûte que coûte, cette défaite prélude à la
fin d’in empire. Les réserves étaient rares ou nulles. Dans quel secteur l’Etat
Major allemand aurait-il pu en puiser ? Peut-être le calme qui régnait
dans celui au devant de nos lignes, protégé par d’immenses inondation, le
tenterait-il à affaiblir certaines garnisons ? Dès lors, notre mission
était toute tracée. L’heure du destin avait sonné pour le 1er de
Ligne. A 6oo mètres de nos avant-postes s’érigeaient, séparés de
nous par un marécage infect, derniers vestiges de l’inondation, les fermes
fortifiées Terstill et de « Vous irez,
vous vaincrez et vous vous établirez » avait dit le Colonel.
« Demain d’autres gloires vous attendent ». A minuit, nos petits soldats plongeaient dans la vase,
s’enfonçant à mi-corps dans ce cloaque d’eaux glauques et boueuses. A l’aube
suivant, après de longues heures d’effort surhumains vécues dans cette nuit de
fange et de boue faite de sang et de chair putréfiée, tombeau de combien des
leurs, une poignée de braves se lança à l’assaut des fermes, témoins muets de
la farouche énergie de ces héros indomptés. Ils firent simplement- comme ils
firent toutes choses- ce que le Colonel avait prescrit, les fermes furent
conquises, occupées, et pas un Allemand ne survécut. « Demain d’autres conquêtes vous attendent »
avait encore dit le Colonel ! A midi, l’artillerie allemande déclencha un formidable
tir de destruction sur les positions conquises par nos hommes. « Qu’importe, ils tiendront jusqu’à la
mort ! » Le soir vint et la relève s’en fut vers les fermes
désormais fameuses. Ils allèrent… Nuit noire ; silence des heures lugubres
et traîtresses…Les fermes ! Derrière les parapets conquis, des casques,
nos casques, on les voyait déjà, montaient la garde. Voici la relève ! Soudain de tous les coins, de tous
les parapets, de tous les abris, les mitrailleuses semaient la mort dans les
rangs des nôtres surpris. Les vainqueurs avaient été massacrés jusqu’au dernier
et l’Allemand, rusé et perfide s’était coiffé du casque de nos héros. Les
hommes avaient été fauchés, les survivants s’étaient jetés dans les marécages.
Agonie féroce ! Trois longs jours et trois longues nuits ! Sous les
yeux des nôtres impuissants et les sarcasmes de nos ennemis, la fange s’était
refermée à jamais sur les derniers survivants de cette épopée. Ces lieux
sinistres ne furent plus réoccupés. Les Allemands leur forfait accompli,
avaient déserté les fermes. Quelques jours plus tard, parmi les prisonniers que
nous fîmes, un officier allemand nous fit le récit de cette journée mémorable
et quand nous lui demandâmes la raison
de l’abandon précipité des fermes, il nous répondit : « Vous ne
pouviez plus revenir, vous ne pouviez
pousser plus haut l’héroïsme ». 4) Conclusion L’assaut de la
ferme Violette par les soldats belges commença
sous d’heureux auspices mais se transforma rapidement en une défaite. Le lieutenant Kerf, blessé, fut reconduit vers l’arrière peu après
l’arrivée à la ferme Violette du capitaine Chaubet qui commandait la 1ère Cie. La
narration du sergent complète le récit du lieutenant Kerf.
Il nous apprend que les Allemands contre attaquèrent rapidement et reconquirent
leur position fortifiée en faisant beaucoup de victimes parmi les Belges. Il
semble bien que ce ne soit pourtant pas exact
car d’après Jan Vancoillie qui étudia le journal du 4ème régiment des marins allemands[2], 90 soldats belges furent faits prisonniers
lors de la contre attaque. Quand la relève belge, le soir, atteignit Violette, elle était persuadée que la position était aux mains de la première compagnie. L’ennemi laissa sans doute la compagnie de relève s’approcher le plus possible de Violette avant d’ouvrir le feu dévastateur des mitrailleuses ! Toujours d’après notre sergent narrateur, de nombreux soldats de la relève, après avoir été mitraillés à courte distance, moururent sans soins dans les prairies de la ferme transformées en marécages. Pourtant, si l’on se base sur les anciennes sépultures connues des soldats aux alentours de la ferme Violette[3], seuls deux soldats succombèrent à la ferme Violette, le 30 septembre 18, lors de l’offensive libératrice. Ce nombre est en totale contradiction avec le récit du sergent. Seule l’étude approfondie du journal du 1er régiment de ligne pourrait peut-être nous éclairer ! Avis aux amateurs ! Dr Loodts.P
[1] Le capitaine Chaubet - né à Gand le
13 avril 1882. Adresse : Laken, Boulevard Emiel Bockxstael, 240. Père : Achille François ; mère : VAN
HOLLE Ida Eugénie. Tué par un obus le 30
septembrer 1918 à Sint
Joris (ferme "Violette") et enterré à l’origine à Sint
Joris, hoeve "Violette". Marié avec CORBIAUX Ernestine Ghislaine Louise Marie ; 14
janvier 1915 : Hospitalisé
au "Salon Richelieu" (Calais). Sous-lieutenant de réserve nommé par ordre
journalier de l’Armée à la date du 1917/06/07. Nommé lieutenant de
réserve le 1917/07/02 ; arrivé le
1918/02/16 à la 1 Cie / 1 régiment de ligne. Nommé capitaine par arrêté
Royal le 1918/03/27. Sa tombe actuelle n’est pas connue. Sa dépouille fut
peut-être rapatriée par sa famille après la guerre, peut-être à Laeken où à Gand où se trouvait un caveau familial. [2] Ce renseignement provient du site créé par la famille Loones propriétaire de la ferme Violette depuis de nombreuses générations. Le lecteur y trouvera aussi la liste des militaires belges qui y sont décédés avec certitude. http://www.loones.eu/De%20Violette.html [3] Voir le 2 |