Médecins de la Grande Guerre

La Reine-Infirmière

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La Reine infirmière.

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Sa majesté la Reine Elisabeth, infirmière.

Sa majesté la Reine Elisabeth, infirmière.

D'un geste prévenant dont elle avait le secret, la Reine aide M. P. Weyemberg, président du groupement des plus grands mutilés de guerre combattants, amputé des deux jambes, à descendre le perron du château (9 juin 1959).

La Reine Elisabeth et les aveugles de guerre. (musée royal de l’armée)

Le Roi en bonne compagnie. Marche de la Madeleine, Gosselies 19/07/2009. (photo Dr Loodts)

Le Roi en bonne compagnie. Marche de la Madeleine, Gosselies 19/07/2009. (photo Dr Loodts)

Le lecteur trouvera dans l'article "Le destin extraordinaire du Dr Depage." de nombreux renseignements sur le rôle de la Reine Élisabeth au cours de la Grande Guerre..

Le texte  présenté ici est avant tout un vibrant  hommage rendu  à l'infirmière que fut Élisabeth de Belgique. Qui mieux qu'un médecin ou un blessé pourrait témoigner des qualités d'une infirmière? Nous avons donc chercher et  retrouver les souvenirs de deux de ces hommes qui nous entretiennent  chacun de leur point de vue de ce que fut  "leur" ange blanc. 


Sa majesté la Reine Elisabeth, infirmière.

Le Dr Van de Velde parle de la Reine Infirmière

Le 18 septembre 1964, lors de l'inauguration de la plaque commémorative érigée à l'emplacement de ce que fut l'ambulance 'l'Océan", à La Panne, le Dr Van de Velde, ancien chirurgien de l'hôpital, témoigna de l'inlassable activité de la Reine Élisabeth au service des soldats blessés.

Quand après la bataille de l'Yser, Sa Majesté la Reine Élisabeth se rendit compte de la nécessité urgente d'ouvrir un centre chirurgical, elle fit appel au Dr Depage qui venait de monter l'hôpital de la Croix-Rouge "Jeanne d'Arc" à Calais.

Tout de suite, la reine et le Docteur Depage furent d'accord pour aménager l'hôtel de l'Océan. L'ambulance fut prête le 21 décembre 1914.

Pendant plus de trois ans, Sa Majesté la Reine Élisabeth y est venue presque tous les matins. Initiée depuis sa jeunesse à la médecine, la reine se mit rapidement au courant et accepta la mission, combien délicate de soigner les grands blessés.

Avec le traitement par la méthode de Carrel qui correspondait en 1915 à ce que fut la pénicilline pendant la dernière guerre, ce n'était pas chose facile.

Car, quand on pense à ces grands blessés dont certains avaient de ces plaies énormes, qui parfois s'étendaient du genou à la hanche et au fond desquelles on voyait l'os de la cuisse fracturé en huit, neufs endroits différents, on s'imagine quel supplice  devait représenter ce pansement journalier.

Prudemment, on devait dénuder la plaie; il fallait alors la frotter longuement avec un tampon d'ouate, imbibé d'oléate de soude, pour la débarrasser de toutes les sérosités qui s'y étaient accumulées en 24 heures, la rincer, la sécher avec des tampons de gaze et puis  avec adresse remettre à leur place les 15 à 25 petits tubes en caoutchouc qui servaient à irriguer la plaie toutes les heures.

Avec quelle douceur, tout cela devait être fait.

Ce n'est pas étonnant que ces grands blessés attendaient tous les matins, avec impatience, l'arrivée de la Reine, non pas seulement parce qu' ils étaient fiers d'être soignés par leur Reine, mais parce que quand on souffre atrocement on pense surtout à sa douleur et qu'ils savaient qu'avec Elle ils ne souffriraient pas.

Parmi ces grands blessés, il y eu un jeune Anglais qui avait aussi une plaie horrible. Les deux premiers jours, il avait été soigné par quelqu'un d'autre; quand le quatrième jour on voulut le replacer sur la même table, il refusa catégoriquement et, désignant du doigt la Reine, sans même savoir qui c'était, il cria: "I want my nurse, there!" ("je veux mon infirmière, celle-là!")

C'est avec un fier sourire que la Reine accueillit cet humble hommage si justement mérité.

Parfois, les matinées de pansement étaient interrompues par l'arrivée d'un grand nombre de blessés. Comme les opérations  devaient se faire rapidement dans l'intérêt des blessés, on s'y attelait de suite, et la Reine devenait une assistante extrêmement utile.

Parfois, la Reine allait au front, au poste avancé de Nieuport notamment, où le Dr Neuman travaillait dans les caves d'une brasserie.

Sans s'inquiéter le moins du monde de la proximité avec le front, et du danger que cela représentait, la Reine partait en ambulance, dans une de ces ambulances d'alors qui était fermée avec des bâches, par où s'engouffrait le vent et la poussière et qui, sur ces mauvaises routes en pavés, bombardées tous les jours, remplies de trous et d'ornières, cahotait à vous rendre malade.

C'était après une attaque nocturne que la Reine voulait aller sur place: elle désirait se rendre compte  s'il n'y avait pas trop de blessés graves, si elle ne pouvait pas aider ou si on n'avait besoin de rien.

L'après-midi, la Reine allait voir les blessés et les malades dans les hôpitaux du front.

Sa Majesté la Reine Élisabeth a toujours eu cette faculté de deviner, cette finesse d'observation et de clairvoyance qui lui permettent de déceler de suite, chez les personnes avec qui elle est en conversation, leurs pensées ou si elles ont de graves soucis.

Elle parlait à tous les blessés, mais s'attardait toujours un peu auprès de celui chez qui elle sentait une peine.

C'était un gamin de18 ans, au service depuis deux jours pour une fracture du bras. "Vous n'avez pas trop mal?", lui dit la Reine.

- "Oh! non, Madame"; mais devinant une profonde préoccupation: "Ne puis-je rien faire pour vous?"

-"Oh! oui, Madame, j'habite seul avec ma maman dans un petit village des Ardennes, et depuis un an et demi je n'ai pu écrire à ma pauvre maman et suis sans nouvelles d'elle. Si vous pouvez, Madame, lui faire savoir que je vais très bien."

C'était un autre avec une grave fracture de cuisse que la Reine sentait très inquiet: "J'ai deux enfants, Madame, et quand j'ai été mobilisé, l'une de mes petites filles, - celle que j'aime le plus - était très gravement malade, et les médecins parlaient d'une grande opération. Et, d'une voix tremblante, avec de grosses larmes sur les joues, il ajoutait: "Depuis deux ans, Madame, je ne sais pas si elle vit encore."

Et chaque fois, la Reine  faisait prendre noms et adresses, promettait d'avoir ou de donner des nouvelles, trouvait les mots qu' il fallait pour les consoler, leur donnait du courage et leur adressait son si gracieux sourire.

Et, quand elle quittait la salle, elle laissait derrière elle une atmosphère de calme, d'espoir et de réconfort.

En dehors de ses occupations pour les blessés et les soldats, la Reine était toujours à la recherche des tristesses et des misères humaines qui pouvait exister dans ce petit coin de Belgique; Elle organisait des secours, payait de sa personne, ouvrait des écoles, faisait monter des pavillons pour les orphelins et  les malades, venait en aide à de vieilles personnes en difficultés, et tout cela avec une modestie, une simplicité telles qu'on ne saura jamais tout ce que Sa Majesté la Reine Élisabeth a fait pendant ces quatre années de guerre.

Puisse ce monument, qui vient d'être dévoilé, signifier pour ceux qui passeront par ici plus tard, bien plus tard, qu'il y avait une fois une reine qui, pendant toute Sa vie, n'a pensé qu'au bonheur des autres, à la paix sur terre et à la grande union de tous les hommes.

P. Weyemberg, Président des Plus Grands Mutilés évoque la Reine Infirmière


D'un geste prévenant dont elle avait le secret, la Reine aide M. P. Weyemberg, président du groupement des plus grands mutilés de guerre combattants, amputé des deux jambes, à descendre le perron du château (9 juin 1959).

Dans une interview accordée à M. Hugues Verhenne parue dans le journal "'Le Soir"  du 26 novembre  1965, P. Weyemberg, Président des Plus Grands Mutilés de Belgique, évoqua en ces termes émus le souvenir de notre Reine-Infirmière qui venait de décéder trois jours auparavant.

M. Weyemberg, pensif, devant une photo dédicacée de la Reine Élisabeth...

C'est le Président des Plus grands Mutilés de Belgique.  Nous connaissons tous sa silhouette étrange, poignante, une tête magnifique d'énergie, de vitalité, les courtes flammes d'argent de la chevelure, le corps athlétique et les deux pilons noirs, qui brusquement, par leur claquement sourd, rappellent la guerre, la souffrance et l'irréparable...

Il est ému le président. Et beaucoup plus qu'il ne veut le laisser paraître. Pour lui,, pour les combattants de la Grande Guerre, c'est un de leurs derniers témoins qui s'en va. Et pour témoigner au grand Tribunal du Silence...

- Nous l'aimions bien dit-il. C'était une femme forte. Elle avait une intelligence profonde, précise, aiguë. La jeunesse, dans sa plénitude, dans son avidité, ne sait pas aujourd'hui que la Reine fut jeune, belle, toute petite, toute menue. Le contraste entre cette silhouette mince, légère, presque minuscule, et les idées d'homme qui sortaient de cette tête si féminine, était extraordinaire...

- Quand avez-vous vu la Reine pour la dernière fois?..

-En septembre 1964. Mais cela, c'est un souvenir presque privé, amical, intime. elle nous avait reçus, quelques mutilés et moi, au château du Stuyvenberg, avec  cette  simplicité qui était presque, chez elle, une séduction. A notre arrivée, elle fumait une cigarette   à l'aide d'un porte-cigarette interminable, elle nous permit de fumer aussi. Même à celui qui n'aimait que la pipe! Mais elle ne reprit pas une nouvelle cigarette. elle le refusa.

"Je dois me modérer, dit-elle. Mon médecin m'interdit de fumer..."

-Tiens ! lui dis-je. Moi c'est le tabac qui me tient en forme et de bonne humeur.

Elle fit un léger sourire et répondit:

"Oh! je vous en prie ! Dites-le à mon médecin !"

- Mais, poursuit M. Weyemberg, la dernière image de la Reine Élisabeth, pour nous les anciens combattants, c'est celle de 1964, quand elle passa en revue, du fond de sa voiture garnie de coussins et de couvertures, tout ce qui restait de l'armée de 1914. Vous vous souvenez ?

- J'étais là, avenue de Tervueren. J'ai vu cet hommage de larmes offerts par ces vieux hommes à leur vieille souveraine.

De chaque côté, on savait que c'était la dernière fois...

- Oui. elle avait absolument tenu à venir. Elle était pourtant fatiguée, malade...

- Et vous, Monsieur Weyemberg, quand avez-vous vu la Reine pour la première fois?

Son regard  et sa mémoire s'évadent. Pas difficile d'imaginer le lent tournoiement des souvenirs. Engagé à seize ans et demi. Douzième de Ligne, puis le vingtième; l' Yser, et ce jour de juin 1917 où une grenade  "Pigeon" - une grenade de trois kilos, tirée au fusil, du boyau allemand- à dix mètres à peine du boyau belge - Boesinghe - sa vieille écluse, l'eau, l'odeur de marais, de pourriture - lui éclata entre les pieds...

- Je n'avais pas dix-neuf ans... dit-il. On me transporta à l'hôpital de Beveren-sur-Yser, dirigé par le Dr Derache. Double amputation... Le choc de la blessure et, plus terrible, le choc mental. J'émergeai tout juste à temps pour voir le Roi Albert. Décoration... je sens encore sa poignée de main. C'est ce qu'il me donnait de meilleur, de tout son cœur. Tous deux, nous savions  si bien, tacitement, la vérité profonde des choses... Puis, le matin du 14 juillet, arriva la Reine Élisabeth. Je somnolais encore dans la souffrance. Que voulez-vous? Je ne puis employer qu'une seule image, très banale, mais très vraie. Une apparition. En majesté minuscule, dans un grand envol respectueux de tabliers blancs et de voiles d'infirmières.

Le Reine visitait les blessés. Elle me sourit. Je reçus un bouquet de violettes, et des bonbons...

 Et elle passa. Chaque fois que je l'ai revue, - et ce fut presque pendant un demi-siècle - la bonne vision de blancheur, de glissement, d'immatérialité réapparaissait...

Il rêve un instant. Son regard change. Je pressens que l'histoire n'est pas finie.

- Et après? On dirait que votre mémoire se retient à quelque chose ?

- Oui avoue-t-il. Et si je vous le dis, c'est pour mieux faire saisir combien les rois et les reines sont enserrés à leur insu dans des liens invisibles...

Cette visite, c'était le 14 juillet. La Reine s'éloigna. j'avais encore mon bouquet de violettes à la main, un peu ému, un peu stupide.

Une dame d'honneur, préoccupée, s'approcha de mon lit :

"Êtes-vous Français?"  - "Non, Madame, Belge."

"Je suis désolée. C'est le 14 juillet aujourd'hui et la Reine  visite les blessés français. Elle verra les blessés belges le 21 juillet..."

Et je vis s'envoler le bouquet de violettes... Il ne me revint pas. Trois jours plus tard, j'étais transféré dans un autre hôpital..

- Et... et vous ne l'avez jamais dit à la reine, après ?

Il a un coup d'œil de lion, et :

- Pensez-vous ! qu'y pouvait-elle, la pauvre ? 


 

MAMAN !

D’un auteur inconnu.

Traduit du wallon par Francis De Look.


C’est une histoire. Une belle histoire de mon papa.

Quand j’étais gentille et que je faisais bien mes devoirs, mon papa, chaque fois me la racontait.

C’était pendant la guerre, sur l’Yser, on s’était battu, on avait eu chaud. Les soldats avaient profité de la nuit pour aller rechercher, entre les deux lignes, les blessés et les morts. Joseph, camarade de jeunesse de mon papa, était là…étendu…sans vie sur le brancard ; et une fois arrivé au poste de secours, il avait fallu retirer les maudites balles.

Après l’opération, Joseph était revenu à lui, mais avec la fièvre il racontait des choses qui n’avaient ni queue ni tête. Des histoires qui auraient fait rire si on n’avait pas été en train de pleurer ! Mais tout à coup, voici une infirmière qui avance « Ange de douceur et de charité ». Tout le monde se regarde tout étonné, une infirmière ! Une femme ! En première ligne ! Les soldats, plein de respect et d’attention, lui firent place. L’infirmière s’approcha du blessé et d’une main fine, lui caressa le front. Le petit soldat ouvrant des grands yeux et laissant couler ses larmes…Cria : Maman !...Maman !...Est-ce vous…Est-ce vous ma petite maman ! Alors pour toute réponse, la gentille infirmière posa, sur le front du pauvre enfant, une baise, la baise que les mamans donnent à leurs petits quand ils ont mal ! Joseph, sentant la douceur qui ne trompe jamais, a fermé ses yeux et s’est endormi. Et ce n’est qu’à l’hôpital qu’il se réveilla.

Quelques mois après, Joseph, à peine remis, était de retour au front auprès de ses anciens camarades. Il reparlait souvent de la gentille infirmière qu’il n’avait jamais revue. Ne disait-il pas que ça devait être sa maman, accourue par un miracle du Bon Dieu, pour l’empêcher de mourir ? Mon papa, tout comme les autres, n’auraient jamais voulu le démentir !

Un peu après la rentrée de Joseph au front, un jour que le régiment était au repos, le Roi Albert, le Roi vaillant, était venu lui-même remettre à une poignée de braves, la Croix de Guerre ! Ah , disait mon papa, je me souviendrai de cette heure-là toute ma vie ! Nous étions heureux ! Ah, c’était un homme notre gentil Roi ! Toujours au milieu de son armée, dans les dangers, dans les misères, toujours simple et montrant dans ses yeux qu’il aimait bien ses soldats et que dans son cœur, nous avions la première place. Le Roi, après avoir accroché la médaille, félicitait tout le monde en donnant la main. Seulement, en arrivant devant Joseph, à lui seul, il remit une lettre...

Après la cérémonie, mon papa vit son camarade Joseph ouvrir, en tremblant, la mystérieuse enveloppe et en retirer…une image…un portrait ! Il le regarde un bon moment et voilà tout d’un coup qu’il se met à pleurer…à pleurer à chaudes larmes ! Et bien Joseph, dit mon papa, qu’y a-t-il ? Qu’avez-vous ? Allez, qu’avez-vous ? Il ne pouvait répondre tellement il était ému. Mon papa lui prit l’image hors des mains. C’était le portrait de la douce infirmière qui avait de sa main fine, caressé le front du malheureux par une nuit de douleurs.

Elle avait écrit quelques mots pour Joseph.

« Votre maman d’un soir de bataille, Elisabeth de Belgique ».


 

MAME !

D’un auteur inconnu.

Cess-t’ine histwère – Ine belle histwère di m’papa. Qwand dj’esteus djintèye èt qui dj’féve bin mes dwèrs, mi papa, chaque côp, m’el racontév :

C’estèu dè timps del guére, so l’Yser, on s’aveut battou, on z’aveut st’avou tchaud. Les sôdârs avî profité del nute, po v’ni r’cwèri inte les deux lignes, les blessîs èt les mwérts. Djôsef, camarâde dî djonesse di m’papa, esteut là…stindou…sins vèye so â brancârd ; èt on côp arrivé â poste di s’cours, il aveut fallou r’sètchi les mâditès balles.

Après l’opérâtion, djôsef esteut riv’nou à lu, mins plein d’fîve, racontant des afféres qui n’avî ni cou ni tchesse. Des afféres ! qu’ârî fait rire si on n’aveut nin stu à tchouler. Mins tot d’on côp, vochal ine infirmîre qu’avance « Andje di douceûr et d’tchârité ». Tot l’monde si r’louque tot èwaré, ine infirmîre ! ine feûme ! en prumîre ligne ! Les sôdârs pleins d’respect èt d’attintion, fî plèce. L’infirmîre s’approcha dè blessî èt d’ine fène mins, lî caressa l’front. Li p’tit sôdâr droviant des grands oûyes èt leyant corri ses lâmes…brèya : Mame !...Mame !...est-ce vos…est-ce vos mi p’tit’mame ! Adon po tote risponse, li djintèye infirmîre metta so l’front dè pauv èfant ine bâhe, li bâhe qui les mames dinaient st’à leûs p’tits qwand i z’ont dè mâs. Djôsef, sintant l’douceûr qui n’trompe mây, a serré ses oûyes èt s’a st’èdwermou. Et ci n’est seûlmint qu’à l’hospitâ qu’sa dispierté.

Quéqu’ meus après, Djôsef, à pone rimètou, esteut rivnou â front, adlé ses anciens camarâdes. I rdjâséve todis del djintèye infirmîre qui n’aveus mây rivèyou. T’hév’ti nins qui dvév ess si mame, accorowe d’on mirâcle dè Bon Diu, po l’espètchî dè mori. Mi papa tot comme les autes n’âri jamoy volou l’disminti.

On pô après l’rintrèye di Djôsef â front, on djoû qui l’rédjimint esteut st’â r’pos, li Rwè Albert, li Rwè vaillant, esteut vnou lu minme rimèt’â n’pougnèye di braves, li creux d’guère ! Ah ! dihév-ti m’papa, dji m’sovinrè di cist’heûre-là tote mi vèye. Nos estîs st’hureux ! ah, c’esteu st’ine ome noss binamé Rwè ! todis â mittant di s’ârmèye, divins les dandjîs, divins les miséres, todis simple, èt mostrant d’vins ses oûyes qui l’inmév’bin ses sôdârs èt qu’èss’cours, nos avî l’prumîre plèce. Li Rwè, après z’aveûr accrotchî l’mèdaille, félicitéve tot l’monde, tot d’nant l’min. Seulmint, tot z’arrivant d’vant Djôsef, i li d’na, à lu tot seû, ine lettre.

Après l’cérémonie, mi papa vèya s’camarâde Djôsef droviant tot tronlant li mystérieuse enveloppe èt ennè sètcha foû…ine imâdje…on paurtrait…el’rilouque on bon moumint, è vla tot d’on côp qui s’mette à tchouler…à tchouler…à tchaudès lâmes. Et bin Djôsef, dis’ti m’papa, qui n’a-t-i ?...qu’avév ?...allè djans, qu’avév ? I n’polév risponde télmint qu’esteut estoumaqué. Mi papa li prit l’imâdje foû dès mins. C’esteut l’paurtrait del douce infirmîre qu’aveut, di s’fène min, caressé l’front dè mâlhureux par ine nute di dôleûrs.

Elle aveût s’crî quéquès mots po Djôsef :

« Votre Maman d’un soir de bataille, Elisabeth de Belgique ».



Petite Reine

Par delà le champ de bataille,

Derrière la zone de feu,

Quand les obus et la mitraille

Sifflent, en croisant dans l’air bleu

 

Leurs rigoureuses trajectoires ;

Quand la mêlée aux rangs pressés,

Sous l’aile ardente des victoires,

Grouille autour des corps entassés,

 

Une frêle et noble infirmière

Aux yeux tendres, au cœur viril,

Vaque à sa tâche coutumière,

Insoucieuse du péril.

 

De ville en ville, avec vaillance,

Elle a suivi tous les combats,

Et d’ambulance en ambulance

Disputé sa proie au trépas.

 

Elle vient à qui la réclame,

A son aspect l’espoir refleurit,

Et d’ambulance en ambulance

Disputé sa proie au trépas.

 

Elle vient à qui la réclame,

A son aspect l’espoir refleurit,

Et son sourire est un dictame

Qui réconforte et qui guérit.

 

Elle sait le mot qui fait vivre

Malgré les cruautés du sort,

Elle sait le mot qui délivre

Et rend moins amère la mort.

 

Sa main panse, sa voix console,

Tout subit son charme apaisant ;

Et c’est son cher nom qui s’envole

Des lèvres de l’agonisant.

 

Petite Reine qui naguère

De ton palais familial,

Pour soigner les maux de la guerre,

Avais fait un vaste hôpital,

 

Toi, qui, souriante et sereine

Comme l’étoile du matin,

Dresse ta grâce souveraine

Devant les assauts du destin,

 

Dont la douce pitié se penche

Sur le front pâle des mourants

Et qui calmes de ta main blanche

La fièvre aux accès délirants,

 

Toi, que l’Univers entier prône,

- Héroïne sans le savoir 

Et qui mets la gloire du trône

Au-dessous de l’obscur devoir,

 

Toi, dont la tendresse infinie

A des trésors inépuisés,

Petite Reine, sois bénie

Au nom de tous les cœurs brisés !

 

A. Vierset.

 

Les Femmes Héroïques

A sa Majesté la Reine des Belges.

I

En ces jours où chacun offre son dévouement,

Saluons, célébrons l'héroïsme des femmes,

La splendide vaillance imprégnée en leurs âmes,

L'angélique douceur qui cache leur tourment.

 

Nos mondaines d'hier se penchent tendrement

Sur des estropiés, des blessés qui se pâment,

Assistant sans faiblir, aux plus douloureux drames,

Ramenant l'Espérance, en un geste charmant ...

 

Nobles anges gardiens de nos chères patries,

Vous êtes les joyaux de nos terres meurtries,

Et les aides puissants du triomphe futur !

 

Honneur et gratitude à l'Anglaise énergique ...

Honneur à la Française à l'esprit noble et pur ...

Honneur à toi, surtout, fille de la Belgique !

 

II

Certaines d'entre vous ont atteint le sommet,

Le faîte du Sublime… ont gagné leur couronne

De guerrière ou de sainte ... Une étoile rayonne

A leur front maintenant lumineux à jamais !

 

Chantons leur charité : Leur gloire 108 permet,

Et peut-être là-haut l'Eternel nous l'ordonne,

Tout d'abord, acclamons la martyre du trône,

La compagne du chef Albert le Bien-Aimé ;

 

De la Belgique en deuil la douce et noble Reine

Qui, depuis si longtemps, se trouve dans la peine,

Triste et digne, ainsi que la Vierge à Nazareth ...

 

Son cœur n'est que douleurs, son pays n'est que ruines ...

Mais le Monde a sacré le nom d'Elisabeth :

Elle est à jamais la Heine des Héroïnes !...

 

III

... Et là-bas, près de la Meurthe, à Gerbeviller,

Alors que l'ennemi s'approchait du village,

Que nos soldats, sentant qu'ils perdaient l'avantage,

Se voyaient obligés, tous, de se replier,

 

Une femme apparut…. On l'entendait prier

Sous la blanche cornette entourant son visage ...

Seule pour s'opposer au massacre, au pillage

Elle eut le geste vrai qu'il fallait employer !

 

Le Prussien réfréna sa sauvage folie

Devant le chapelet, la voix de Sœur Julie,

Et, s'inclinant, honteux, respecta le hameau.

 

... Devant l'officier lui décernant la médaille,

Sœur Julie, en son cœur, ne sut trouver qu'un mot :

« Pourquoi la croix ?  C'est pour mon Dieu que je travaille ! »

 

IV

Lorsque les Allemands parvinrent à Soissons,

(Les édiles avaient abandonné la ville ...)

Ils trouvèrent, régnant sur la foule civile,

Un maire original : un bourgmestre en jupons !

 

Une femme bravant les périls, les affronts,

Afin de remplacer ceux qu'une crainte vile

Avaient fait déserteurs, dicta calme et tranquille

Ses conditions aux Etats-Majors Teutons ...

 

Madame Macherez triompha de leur rage,

Et dompta leur orgueil... Son sublime courage

Sera dans l'avenir à jamais consacré ...

 

Et saluons aussi son émule en vaillance,

La reine de Paris, Madame Poincaré,

Générale en chef du corps de .la Bienfaisance !

 

V

Chaque jour, visitant nos hôpitaux nombreux,

N'avons-nous pas croisé, nurses d'expérience,

Trempant leurs blanches mains dans le sang de la France,

Nos princesses du « chic », dont le cœur généreux

 

S'est ému, s'est broyé devant l'évent affreux ...

Elles ont, au salon, préféré l'ambulance,

Nymphes du dévouement et de la vigilance

Qui, d'un désespéré, savent faire un heureux !

 

... Rayon consolateur de cette guerre ignoble,

L'infirmière, pauvre ou riche, modeste ou noble,

Partout laisse un sillon où sa grâce opéra ...

 

Et dans le Paradis, où vont les belles âmes,

Parmi les Esprits purs, Dieu vous réservera

Une place d'honneur, ô héroïques Femmes !...

Jules Courquin. "

En récompense de ce poème, l'Auteur a reçu, du Secrétariat de Sa Majesté la Reine des Belges, une aimable lettre qui restera, pour lui, un précieux souvenir des événements d'aujourd'hui.

 



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