Médecins de la Grande Guerre

L'hôpital de Beveren

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L'hôpital de Beveren S/Yser.

point  [article]
Le plan de l’hôpital de Beveren

Construction de l’hôpital de Beveren s/Yser.

Construction de l’hôpital de Beveren s/Yser.

Construction de l’hôpital de Beveren s/Yser.

Construction de l’hôpital de Beveren s/Yser.

L’hôpital vu d’avion à 1000 mètres. (photo Tonneau et Etienne)

Vues panoramiques de l’hôpital. (photo Tonneau et Etienne)

Salle des entrants. (photo Tonneau et Etienne)

Service radiographique. (photo Tonneau et Etienne)

Salle de stérilisation. (photo Tonneau et Etienne)

Une salle d’opération. (photo Tonneau et Etienne)

Une opération. (photo Tonneau et Etienne)

Les corridors. (photo Tonneau et Etienne)

Un pavillon de blessés. (photo Tonneau et Etienne)

La salle de pansements. (photo Tonneau et Etienne)

Laboratoire de bactériologie. (photo Tonneau et Etienne)

Cabinet d’ophtalmologie. (photo Tonneau et Etienne)

Laboratoire d’électro et de mécano-thérapie. (photo Tonneau et Etienne)

La pharmacie. (photo Tonneau et Etienne)

La chapelle. (photo Tonneau et Etienne)

Groupe des Officiers. (photo Tonneau et Etienne)

Groupe des Infirmières. (photo Tonneau et Etienne)

Cuisine de la troupe. (photo Tonneau et Etienne)

Mess des Officiers. (photo Tonneau et Etienne)

Salon des Infirmières. (photo Tonneau et Etienne)

La centrale électrique. (photo Tonneau et Etienne)

L’étuve à désinfection. (photo Tonneau et Etienne)

La salle des fêtes. (photo Tonneau et Etienne)

Le jardin potager et la ferme. (photo Tonneau et Etienne)

Cette notice datant de 1917 et concernant l’hôpital de Beveren à été publiée par l’Imprimerie de l’Institut Militaire Belge des Invalides et Orphelins de la guerre à Port Villez. Son auteur est le Dr Derache fondateur et directeur de cette importante formation médicale.


Le Lieutenant Général Médecin Derache (photo de Patrick Bossaert Derache, colorisée par Francis De Look)

NOTICE

L’hôpital de Beveren est situé dans la Flandre Occidentale, sur la route de Linde à Beveren, à 2500 mètres du village de Beveren et à 1200 mètres du village de Stavele, près des rives de l’Yser, à un carrefour de routes secondaires. Il est donc en dehors de toute agglomération.

Sa façade principale orientée du sud-ouest au nord-est regarde la partie sud de notre front dont elle est distante de 9 kilomètres à son point le plus rapproché.

Il est facilement accessible aux voitures de tout genres. Les blessés y arrivent ordinairement en un temps qui varie entre deux et quatre heures.

L’hôpital se compose de baraquements bâtis à peu près tous sur le même type ; ce sont des baraquements en bois à double cloison et double toiture sur la description desquels nous reviendrons plus bas (voir chapitre pavillons).

Vu à vol d’oiseau, et la photographie prise d’un avion ou le plan nous le montre très bien, l’hôpital a dans son ensemble la forme d’un H majuscule dont la branche transversale serait légèrement rehaussée.

Les deux jambages verticaux sont constitués par deux longs couloirs couverts à paroi fibrociment, éclairés de multiples fenêtres, sur lesquels sont disposés perpendiculairement et s’ouvrent dix pavillons de blessés.

L’hôpital est ainsi donc formé d’une aile droite et d’une aile gauche. La branche transversale de l’H est formée par un long couloir qui réunit les deux ailes du bâtiment. Sur ce couloir transversal sont disposés le pavillon des entrants, la salle de radiographie, les salles d’opération, les laboratoires (laboratoires de recherches physiologiques, laboratoires d’histologie, laboratoires de bactériologie, laboratoires de chimie), le service des spécialités (oto-rhino-laryngologie, électrodiagnostic, ophtalmologie, physiothérapie, stomatologie, prothèse dentaire).

Grâce à ces couloirs latéraux et transversaux on peut donc transporter un blessé à couvert, à l’abri du froid et des intempéries de n’importe quel point de l’hôpital à n’importe quel autre point.

Dans l’espace de terrain compris entre les branches de l’H, on a tracé en avant des jardins français, en arrière des jardins anglais avec pelouses, bordures de fleurs, bancs, tentes, où le convalescent peut se promener, se reposer, jouir de l’air, du soleil et de la verdure.

En arrière de l’hôpital proprement dit sont disposés en deux séries parallèles les pavillons des infirmières, des médecins, de la pharmacie, du personnel, des magasins, plus en arrière la salle de réunion et tout au fond la buanderie, les écuries, l’étable et le service des immondices.

Cette description un peu panoramique étant brossée, passons à une description de détail, et pour cela suivons un blessé de la salle des entrants jusqu’au lit de sa salle ; nous passerons ensuite en revue l’ensemble des services institués pour ses soins.



Salle des entrants. (photo Tonneau et Etienne)

SALLE DES ENTRANTS.

Une route de macadam accessible aux autos permet aux blessés d’arriver jusqu’à sa porte.
La nuit une flèche lumineuse et une croix rouge guident et renseignent les chauffeurs des ambulances.
Le pavillon des entrants est divisé en quatre chambres successives :

1°) Une première chambre sert de corps de garde.

Là se tiennent nuit et jour les brancardiers de service sous la direction d’un sous-officier. Dans une chambrette ménagée dans une encoignure loge le médecin de garde qui est ainsi immédiatement prévenu de l’entrée d’un ou des blessés. Le jour le médecin de garde occupé à son service est appelé par le tintement d’une cloche qui peut s’entendre de n’importe  quel point de l’hôpital.

Dans cette salle le blessé est rapidement déshabille, débarrassé de ses effets inévitablement toujours souillés.

Ces effets, s’ils ne sont pas trop détériorés, sont placés dans un sac puis stérilisé, lavé, raccommodés et déposés au magasin.

Le sous-officier de garde prend le nom, le lieu de naissance, l’adresse des parents du blessé, recueille son argent s’il veut le lui confier, veille à ce que les menus objets auxquels il tient, lettres, photographies, portefeuille, soient mis à part et déposés sur sa table de nuit près de son lit où il les retrouvera quand il rentrera dans la salle.

Le blessé déshabillé et les formalités étant faites, on le transporte dans la chambre suivante :

2°) Dans cette seconde chambre est disposée une rangée de dix lits à matelas imperméables toujours prêts et propres. Un lavabo et une éponge se trouvent à côté de chaque lit. Le blessé déposé sur un de ces lits est immédiatement nettoyé, lavé à l’eau chaude et au savon, réchauffé par des bouillottes et par des appareils à air chaud électriques, par les infirmières de garde, puis le médecin aidé des infirmières passe à l’examen des blessures, les rafraîchit, les nettoie, renouvelle le pansement, s’il y a lieu. Des boîtes de pansements stérilisés sont à sa disposition.

L’examen médical terminé, le blessé lavé et soigné, est recouvert de linge propre. Quand le blessé quitte cette salle les draps de lit sont renouvelés, les matelas sont lavés, le parquet nettoyé, le tout est arrangé pour recevoir d’autres patients.

3°) La chambre qui suit est en somme une petite salle d’opération. On trouve dans cette salle un jeu d’instruments toujours prêts et stérilisés, une table d’opération, des pansements.

Supposons qu’on ait à arrêter une hémorragie, à pratiquer une injection intraveineuse, à faire un pansement compliqué où encore à procéder à une opération d’extrême urgence, c’est dans cette salle rapidement et facilement qu’on pourra intervenir.

4°) Une quatrième chambre complète ce pavillon des entrants. Cette chambre qu’on pourrait appeler « salle des agonisants » comprend trois lits. C’est sur un de ces lits qu’on dépose le blessé gravement atteint dont les minutes sont comptées (éclatement crânien, traumatismes violents, effets explosifs des membres, etc…) un tel blessé ne peut être transporté au milieu d’un pavillon où il ne trouve pas le repos ; sa mort impressionnerait ses camarades.



Service radiographique. (photo Tonneau et Etienne)

SERVICE RADIOLOGIQUE.

En face de cette salle des entrants, séparée d’elle par la simple largeur du couloir transversal se trouve le service radiologique. Le blessé qui sort de la salle des entrants est, ordinairement transporté sous l’ampoule. Très rares sont les blessés qui ne passent pas aux rayons X.

La plaque fait le diagnostic, il est souvent bien difficile de dire s’il y a un projectile ou non inclus dans les tissus, l’orifice d’entrée et la nature du traumatisme renseignent souvent mal ; bien des pénétrations abdominales nous ont été révélées par rayons X ; il est naturellement inutile d’insister sur l’importance de la radiographie en cas de légions osseuses.

a)      Installation fixe.

      Elle se compose :

1)      d’un contact tournant Gaiffe grand modèle sur courrant continu de 110 volts avec déclencheur automatique permettant la radiographie très rapide (jusqu’à 1/50e de seconde) ;

2)      d’une table radiologique Belot permettant l’éclairage par le haut et par le bas (ampoules Goolidge sous table et par-dessus) et servant à tous les besoins radiologiques ;

3)      d’une table radiologique Ledoux-Lebard avec radiobathymètre Dessane pour localisations radioscopiques des projectiles et leur extraction sous le contrôle intermittent de l’écran.

Les locaux comportent :

1)      un laboratoire de radiologie pour manipulations ordinaires de radiographie et radioscopie (table de Belot) une chambre noire en annexe et un local réservé au classement des fichiers ;

2)      une pièce intermédiaire où sont disposés les appareils générateurs du courant a haute tension (courant tournant, tableau de commande et rhéostats montés sur paravent mobile) ;

3)      une salle d’opération (table Ledoux-Lebard réservée aux recherches de projectiles sous le contrôle intermittent de l’écran et à leur localisation au radiobathymètre. En vue des deux usages, ce local peut être ou fortement éclairé (lumière abondante du jour, éclairage électrique à 400 bougies) ou plongé dans une obscurité complète.
C’est dans cette salle qu’on opère de préférence l’extraction des projectiles qui siègent profondément dans les régions difficiles à aborder et d’où on prévoit qu’ils seront difficiles à extraire.
L’installation dispose de deux ampoules Coolidge réservées aux opérations radiographiques et radioscopiques courantes, et de plusieurs ampoules de différents modèles (Pilon, Watson), d’un stéréoscope de Wheatsone, d’un compas de Hirtz avec centreur Charlier, d’un téléphone de Hidley et d’un doigtier de la Baume-Pluvinal, etc.
Les clichés intéressants sont reproduits en diapositives. Le laboratoire dispose enfin d’une petite installation de secours Butt sur bobine et interrupteur rotatif à mercure et à gaz.

b)      Installation transportable.

Elle est fournie par une voiture radiologique autonome Gaiffe montée sur châssis Saurer, comportant un groupe électrogène avec bobine et interrupteur à mercure et à gaz, une table radiologique complète pour l’éclairage par le haut et par le bas, un pied support d’ampoule, une chambre noire et tous les accessoires permettant toutes les opérations radiologiques au lit du malade. Cette voiture radiologique nous a donné les meilleurs résultats, elle nous a permis de contrôler nos immobilisations et nos extensions de fractures. Les radiographies prises successivement après les corrections faites à l’extension et à l’immobilisation nous ont permis d’arriver à des coaptations idéalement bout à bout des extrémités osseuses fracturées. Nous sommes arrivés ainsi à obtenir des résultats réellement étonnants chez les fracturés de la cuisse.

Le cliché étant pris, les localisations faites, l’intervention décidée, le blessé est conduit à la salle d’opération.

Les salles d’opération sont situées au milieu du grand couloir transversal, au centre même de l’hôpital dont elles forment visiblement le cœur.

Les salles d’opération se composent de deux grandes salles rectangulaires de 8 mètres sur 6 mètres réunies par une salle intermédiaire qui est la salle de stérilisation, de 6 mètres sur 6 mètres.

Les salles d’opération et de stérilisation répondent à toutes les exigences de la chirurgie ; elles sont peintes en blanc au ripolin émail, pavées de carreaux céramiques éclairées latéralement par de larges baies en verre dépoli, éclairées par le haut pat un plafond à panneaux vitrés.

Le soir l’éclairage est assuré par de nombreuses lampes de 400 bougies montées sur fils à contre poids et qui peuvent s’abaisser et être tenue par un aide. Un réflecteur nickelé à 4 lampes sur pied portatif peut encore éclairer le champ opératoire dans les interventions délicates.

Un système de jalousies qu’on abaisse à la tombée du jour cache la nuit les feux de la salle d’opération.

Le chauffage des salles d’opération est assuré par un chauffage central à eau chaude qui forme un système indépendant.

Quatre gros tubes émaillés encadrent chaque salle et y entretiennent nuit et jour une température constante. Sur ces tubes on fait chauffer les couvertures qui envelopperont le blessé pendant le transport jusqu’à sa salle.

Ajoutons ici que sur la partie du couloir où s’ouvrent les salles d’opération deux portes à deux battants empêchent le froid et les courants d’air de pénétrer et de venir abaisser la température.



Une salle d’opération. (photo Tonneau et Etienne)

SALLE D’OPERATION SEPTIQUE.

Une des deux salles d’opération est réservée en temps normal aux opérations courantes de chirurgie de guerre ; telles que les extractions de balles, d’éclats d’obus et de grenades, les débridements, les épluchages des plaies, les nettoyages des trajets, etc.

Un électro-vibreur de Bergonié appliqué au mur facilite cette chirurgie des extractions.

Cette salle comprend trois tables à renversement où peuvent travailler à l’aise et en même temps trois équipes de médecins.

Des tables de narcose, des étagères en verre, des vitrines à instruments, des tabourets nickelés, des boites à pansements montées sur supports métalliques, des flacons à antiseptiques en complètent le mobilier.

SALLE D’OPERATION ASEPTIQUE.

Cette salle d’opération est réservée en temps normal aux interventions qui exigent une aseptie absolue, laparotomie de guerre, hernies, appendicectomies, etc…

Trois tables permettent ici également à trois équipes de médecins de travailler en même temps.

Le mobilier est exactement le même que celui de l’autre salle ; notons cependant ici un gros électro-aimant employé en chirurgie oculaire et crânienne.

SALLE D’OPERATION AVEC TABLE LEDOUX - LEBARD.

Nous l’ajoutons ici pour grouper le service opératoire, nous en avons parlé au chapitre « Service radiologique ».

Cette salle avons-nous dit est une annexe du laboratoire de radiographie, elle permet l’extraction des projectiles sous le contrôle intermittent. Elle dispose de toute l’instrumentation Ledoux-Lebard-Ombredame.

INSTRUMENTATION DES SALLES D’OPERATION.

Les salles d’opération possèdent tout le matériel nécessaire pour toutes les interventions possibles sur les membres, l’abdomen, le thorax, les yeux, le crâne, le squelette, la gorge, le nez, les oreilles, etc.

Nous avons déjà signalé comme instrumentation un peu spéciale l’électro-vibreur de Bergonié, l’électro-aimant, le compas de Hirtz, avec centreur Charlier, le doigtier de la Baume. Nous signalons encore l’instrumentation complète de Lambotte et le trépan électrique de de Martel.

SALLE DE NARCOSE.

Avant de pénétrer dans la salle d’opération, le blessé passe par une petite salle située en face sur le couloir transversal. Dans cette salle le blessé est rasé, désinfecté et endormi sur une table roulante.

Donc le blessé ne pénètre dans la salle d’opération que endormi, préparé, recouvert de linge propre.



Salle de stérilisation. (photo Tonneau et Etienne)

SALLE DE STERILISATION.

C’est là, qu’après s’être débarrassé de ses vêtements de dessus, qu’on dépose dans un vestiaire, le chirurgien se désinfecte. Des lavabos avec distribution d’eau stérile chaude et froide, des brosses stérilisées sont à sa disposition.

L’eau stérile des lavabos est fournie par deux réservoirs remplis d’eau qu’on stérilise journellement dans une chaudière autoclave verticale chauffée par un grand réchaud à pétrole à 4 becs bunsen. Une cheminée d’aérage assure l’évacuation des gaz et des odeurs qui résultent de la combustion de ces vapeurs de pétrole.

Un autoclave horizontal sert encore à la désinfection des instruments, d’après le système Bellanger de Paris.

Ordinairement cependant, les instruments sont stérilisés dans de larges bouilleuses qu’on chauffe sur une cuisinière ou sur des réchauds à pétrole.

Une étuve sèche en amiante doublée de tôle est employée et réservée exclusivement à la désinfection des instruments coupants, bistouris et ciseaux.

Le mobilier de cette salle de stérilisation est complété par des tables recouvertes de zinc sur lesquelles sont disposées les boites de réserve de pansements, les boites de tabliers stérilisés, les champs opératoires, les bonnets, les brosses stérilisées, la poissonnière avec les gants stériles, les bassins avec les solutions antiseptiques et l’alcool.

Le blessé opéré et enveloppé de couvertures chauffées préalablement sur les tubes de chauffage de la salle d’opération est transporté alors sur un brancard roulant à son pavillon où son lit a été préparé.



Un pavillon de blessés. (photo Tonneau et Etienne)

PAVILLONS.

Chaque pavillon étant absolument du même type la description d’un seul suffira.

Chaque pavillon est un bâtiment en bois à double paroi et à double toiture d’une longueur de 28 mètres et d’une largeur de 6, 25 mètres. Il est construit sur des dés en maçonnerie plus ou moins élevés suivant les pavillons allant de 0, 50 m. à 1, 80 m. La hauteur de la maçonnerie diffère d’un pavillon à l’autre. Tout l’hôpital formant un « tout » communiquant et horizontal, les pavillons ont dû être plus ou moins élevés pour corriger la déclivité du terrain. L’élévation du pavillon assure une bonne ventilation du plancher des salles et met le bâtiment à l’abri de l’humidité.

Il contient ordinairement 26 blessés dans la salle commune ; plus 2 blessés dans deux chambres d’isolement situées à droite et à gauche à l’entrée.

Les deux chambrettes qui se trouvent à l’autre extrémité du pavillon et qui font pendant à celles de l’entrée servent l’une de salle de bains, salle de réserve de vaisselle, l’autre de tisanerie et de lingerie.

Tout à l’extrémité du pavillon enfin, et séparés du reste du bâtiment par une cloison et une porte, se trouvent deux réduits servant l’un de débarras pour seaux, urinaux, balais, torchons, l’autre de W.C.

Le W.C. est composé d’un siège sous lequel est disposé une tinette mobile. Les matières fécales sont enfouies dans de la sciure de bois contenue dans un réservoir en sablier mobile. En tirant une poignée, on incline le réservoir qui projette la sciure. La chasse, en somme, au lieu de se faire par eau se fait par sciure de bois. La façade postérieure du pavillon est percée d’une fenêtre par laquelle on vient prendre chaque jour (service de l’incinération) les matières des tinettes, le linge sale, et les pansements souillés.

La toiture des pavillons est formée d’un double revêtement de bois recouvert d’un produit spécial « rock ».

A l’extérieur le pavillon est peint en gris, à l’intérieur en blanc. Le plancher est recouvert de linoléum. 24 fenêtres de chaque côté éclairent largement la salle. Des volets extérieurs mobiles sur coulisses sont destinés à protéger les blessés contre les rayons du soleil et le soir à masquer l’éclairage de la salle aux observateurs ennemis.

Cet éclairage du soir est fourni par 3 lampes de 50 bougies et deux lampes veilleuses après l’extinction des feux et lumières.

La ventilation du pavillon mérite qu’on s’y arrête. Elle est assurée par 28 vasistas placés de chaque côté d’un belvédère qui surmonte le milieu de la toiture. L’air se renouvelle constamment dans cette espèce de long couloir. Ajoutons que les fenêtres latérales peuvent s’ouvrir également. Ventilé par le haut (belvédère), ventilé latéralement, ventilé par les couloirs, le pavillon ne dégage jamais aucune odeur, l’atmosphère y est toujours fraîche, ne dégage pas l’odeur habituelle aux hôpitaux.

Le chauffage du pavillon est assuré par trois poêles à feu continu.

MATERIEL DES SALLES.

Chaque salle dispose d’un lit en fer tubé avec sommier métallique, matelas, traversin ; de draps de lit, d’un oreiller et de couvertures en nombre suffisant et variable suivant les saisons.

A côté de chaque lit se trouve une table de nuit en bois verni, à étage et tiroir où le malade peut caser les menus objets qu’il tient à avoir près de lui.

Chaque salle dispose d’un chariot de pansement, en bois à étagères, monté sur roulettes. Le chariot pouvant rouler d’un lit à l’autre facilite les pansements courants au lit du malade.

Sur le chariot sont disposés  les instruments, les solutions antiseptiques, les bassins et les seaux à pansements. Une poissonnière et une lampe à alcool sont à la disposition du médecin pour stériliser gants, instruments canules, etc…

Deux grandes cruches sont remplies chaque matin d’eau stérile prise à la pharmacie et utilisée à l’heure des pansements. Chaque salle est encore pourvue d’une cuve thermophore permettant de conserver de l’eau chaude pendant 24 heures.

Chaque pavillon est approvisionné de bouillottes, de sacs en caoutchouc pour injection de sérum, de matelas à eau, des pannes, d’urinaux, de crachoirs dont la désinfection est rigoureusement assurée.

Un grand bac en tôle placé près du W.C. est destiné à recevoir les pansements souillés et les détritus. Comme les tinettes, ces bacs sont vidés plusieurs fois par jour par la fenêtre placée dans la paroi postérieure du pavillon.

Le service du pavillon est assuré par deux infirmières et par deux brancardiers sous la direction d’un médecin.



La salle de pansements. (photo Tonneau et Etienne)

LA SALLE DE PANSEMENTS.

Un pavillon de la série des pavillons des blessés, et donc encore une fois accessible par les couloirs sert de salle de pansements. Cette salle de pansements est subdivisée en 4 locaux successifs :

1 -  Une salle de plâtres

C’est dans cette salle que l’on fait les appareils plâtrés. Une table en zinc sur laquelle est couché le blessé permet l’application de l’appareil.

2 – La salle de pansements proprement dite.

On y trouve deux tables d’opération, des boites à pansement, des solutions antiseptiques, des instruments, des étagères, des tables en bois, des tables à narcoses, des armoires, etc…

La salle est chauffée par une grande cuisinière qui sert en même temps à l’ébullition des instruments et à la stérilisation de l’eau. C’est dans cette salle que l’on fait le grand pansement impossible au lit du blessé.

Les tables d’opération où l’on peut mettre le blessé dans la position voulue, rendent le pansement plus facile, moins douloureux ; l’instrumentation et les champs opératoires dont on dispose comme dans une véritable salle d’opération permettent de le faire d’une façon plus soignée et plus rigoureusement aseptique.

3 – La 3e chambre est une petite salle d’opération septique.

C’est là que l’on pratique les interventions telles que les ouvertures d’abcès, de phlegmons, débridements de trajets purulents, excision de tissus mortifiés dans les gangrènes gazeuses, etc..

Une table d’opération et le matériel nécessaire permettent de pratiquer toutes ces interventions.

4 – Une 4e chambre sert de dépôt de gaze non stérilisée. C’est là que la gaze est débitée, coupée en compresses, roulée en tampons pour être envoyée à la stérilisation et ensuite distribuée à la salle d’opération et dans les salles des blessés.



Laboratoire de bactériologie. (photo Tonneau et Etienne)

LES LABORATOIRES.

Un pavillon  entier comprend les 4 laboratoires.

1 – Laboratoire de physiologie.

On y pratique des expériences sur les chiens et les cobayes. Des tables, une gouttière, des appareils, des rouleaux enregistreurs, un métronome, son à la disposition des opérateurs.

2 – Laboratoire d’histologie.

Il est muni de tout le nécessaire pour préparation et examen des pièces anatomiques intéressantes (colorants, miro-tome, microscope, étuve, etc).

3 – Laboratoire de bactériologie.

Egalement muni de tout le nécessaire.

On y pratique journellement des préparations (hémocultures, cultures microbiennes diverses, examens de sécrétions des plaies dont on établit la courbe microbienne, examen de culots de centrifugation d’urines ou de liquides céphalorachidiens, analyses microbiennes des eaux, etc.)

Réaction de Widal, réaction de Wassermann, etc.

4 – Laboratoire de chimie.

Il est consacré à l’analyse des urines, des eaux, des denrées alimentaires, etc.

Il dispose de tous les produits chimiques et appareils indispensables (appareils de centrifugation, appareils de dosage, hottes d’aérage, chalumeaux, bec de Bunsen, etc).

LES SERVICES DES SPECIALITES.

Laboratoire de recherches cliniques sur les affections du système nerveux.

Il est annexé à l’hôpital un laboratoire de recherches cliniques sur les affections du système nerveux. On y étudie, on y détermine la lésion nerveuse dont un blessé peut être atteint, on y décide de l’utilité d’une intervention.

Ce laboratoire est encore destiné à fixer le déficit fonctionnel des blessés du cerveau, de la moelle et des nerfs au moment de leur évacuation.

Il dispose des instruments courants de la pratique neurologique et notamment d’une table d’électrodiagnostic avec métronome interrupteur inverseur, clef de Courtade, combinateur de Wattville, etc.

Oto-rhino-laryngologie.

Ce service est doté d’une instrumentation perfectionnée permettant des examens complets et des interventions spéciales.

Ces examens complètent ceux qui son faits dans les premières formations sanitaires et confirment ainsi l’opportunité d’une intervention, de soins spéciaux immédiats ou la nécessité de l’envoi d’un patient à l’arrière.

Outre le traitement des affections banales et des lésions traumatiques relevées chez les hospitalisés, le service assure quotidiennement à 14 h.1/2 l’examen des malades externes.

Ces consultations externes sont alimentées par des soldats venant des infirmeries ou des cantonnements voisins et par des civils réfugiés ou nécessiteux. Comme instrumentation le service dispose d’appareils précis pour le diagnostic des affections du nez, de la gorge et des oreilles ; éclairage électrique, instrumentation pour la trachéoscopie, l’oesophagoscopie, la translumination des sinus, etc.



Cabinet d’ophtalmologie. (photo Tonneau et Etienne)

Service d’ophtalmologie.

Ce service comprend un cabinet de consultation auquel est annexé un cabinet noir pour les examens ophtalmologiques.

Il dispose de tout le matériel nécessaire aux examens des yeux, et aux soins à leur donner. Fauteuil mécanique avec appui-tête à renversement, échelles diverses, boîte à essai, diploscope de Remy, stéréoscope, périmètre et ophtalmomètre de Javal.

Les interventions se font dans une des salles d’opération de l’hôpital, où se trouve un électro-aimant à main de Hirschberg pour l’extraction des corps étrangers intraoculaires.



Laboratoire d’électro et de mécano-thérapie. (photo Tonneau et Etienne)

La Physiothérapie.

Elle comprend :

1)      Une station de mécanothérapie où nous disposons des principaux appareils de mobilisation active, passive et activo-passive des différentes articulations. Les traumatisés de guerre doivent être mobilisés précocement. Dans la salle au lit même du blessé nous avons soin de commencer le plus tôt possible la mobilisation à la main, cette mobilisation est alors complétée dès que l’on peut, par un traitement aux appareils.
Notre installation permet de faire profiter le blessé pendant son séjour à l’hôpital des bienfaits du mouvement, en attendant son transport à l’institut de Rouen où il suivra un traitement plus complet.

2)      Les appareils à air chaud.
Six boîtes de chêne doublées d’amiante où sont disposés des résistances  permettent de donner des bains d’air chaud, la T° de ces boites peut s’élever à 120°. Nous possédons deux boites pour membre inférieur, deux pour membre supérieur, deux pour l’épaule. L’air chaud nous a donné les meilleurs résultats dans le traitement des plaies atones avec empâtement périphérique, des oedèmes inflammatoires, des arthrites, des foyers d’ostéite et des vieux trajets purulents.

3)      Une installation de bains électriques destinés au traitement physiothérapique des lésions des nerfs périphériques. Cette installation se compose de deux postes de traitement gaivanique  et d’un poste de traitement faradique.
Poste de traitement galvanique avec milliampère réducteur, de potentiel et clé de Courtade ;    poste de traitement faradique constitué par une résistance (lampe à filament de carbone réduisant les 110 volts de la source électrique à 3
½ volts potentiel nécessaire pour alimenter un appareil de Tripier Gaiffe.
Un métronome interrupteur inverseur, des baquets en faïence, des électrodes complètent l’installation.

Service de stomatologie.

Les locaux réservés au service de stomatologie comprennent :

1° Une salle d’attende

2° Un bureau

3° La dentisterie opératoire : large salle généreusement éclairée munie de trois fauteuils.
On y fait toutes les petites opérations de dentisterie opératoire, extraction, obturation, etc.
Les clients sont nombreux, tous les blessés profitant de leur séjour à l’hôpital pour se faire examiner et soigner les dents.
On y soigne en outre les soldats et officiers des unités voisines.

4° Un atelier de prothèse monté de façon à y faire tous les travaux de caoutchouc ou de métal nécessaires aux traitements des fractures de mâchoires et à la prothèse restauratrice des maxillaires.



La pharmacie. (photo Tonneau et Etienne)

PHARMACIE.

Le service pharmaceutique dispose de deux pavillons séparés par une cour cimentée.

L’un de ces pavillons comprend les chambres des pharmaciens, l’officine et la tisanerie.

C’est à l’officine que chaque matin, les infirmiers vont chercher les pansements et les médicaments prescrits par les médecins des salles et qui leur sont remis à travers un guichet.

La tisanerie fournit la tisane aux blessés.

Un appareil à distiller l’eau fournit l’eau distillée nécessaire à la préparation des solutions, des potions et du sérum employés journellement.

L’autre pavillon est séparé en trois chambres :

a)      Une chambre qui sert de dépôt d’objets de pansements, de béquilles, de cerceaux, d’urinaux, d’appareils pour fractures, etc.

b)      Une chambre qui sert de magasin de réserve  pour les produits médicamenteux.

c)      Une troisième chambre complètement indépendante et séparée des deux autres, qui sert de magasin aux liquides et matières inflammables. Dans la cour séparant ces deux pavillons se trouvent trois chaudières chauffées au charbon pour stériliser l’eau employée dans les salles et qui fonctionnent toute la journée.
Dans ces chaudières, l’eau est en même temps stérilisée et décolorée par une solution de K. Mn o
4, la teinte violette que prend l’eau est ensuite corrigée par une solution d’eau oxygénée.
C’est dans cette cour encore, qu’on procède au lavage et rinçage des bouteilles.
Un appareil à stériliser l’eau pour les rayons ultraviolets est également installé dans cette cour.

FONCTIONNEMENT DU SERVICE MEDICAL.

Au cours de ces pages nous avons eu l’occasion déjà d’en parler. Il est cependant intéressant de grouper en un seul chapitre le fonctionnement de notre hôpital, tout au moins dans ses points importants.

Dès qu’un blessé entre, avons-nous dit, il est examiné par le médecin de garde. Le médecin de garde décide alors si une radiographie est nécessaire, si une intervention d’urgence s’impose et signale au médecin de la salle où sera placé le blessé la gravité du cas. Il fera passer le cas grave avant le cas bénin et le blessé touché depuis plusieurs heures avant le blessé touché depuis peu de temps. Il rendra compte encore du cas s’il le faut au médecin chef. Un médecin est attaché à chaque salle ; il y est aidé de deux infirmières et de deux infirmiers. Le médecin d’une salle opère ou assiste à l’intervention pratiquée sur ses blessés. Il les suit dans l’évolution de leurs lésions journellement et s’occupe de leurs pansements ; tâche de satisfaire leurs désirs, les console et les encourage. Les infirmières sont chargées de veiller à la propreté de leurs blessés, signalent au médecin de la salle ce qui se passe pendant ses absences, prennent les températures, renouvellent les draps de lit, s’occupent de la stérilisation des instruments, des gants, veillent encore à ce que l’approvisionnement d’objets de pansement de linge, de médicaments soit suffisant, elles veillent enfin à la propreté et à la bonne tenue des salles.

Les infirmiers sont chargés de la grosse besogne ; nettoyage, brossage, préparation des bains, distribution des aliments, approvisionnement de charbons, vidange, etc.

La nuit, le médecin de garde chargé du service des entrants, est en outre chargé du service des salles ; il est aidé par trois infirmières qui, régulièrement, font les tour des pavillons, donnent aux blessés les soins indiqués et surveillent particulièrement les cas graves signalés.

Un infirmier de garde dans chaque salle est chargé de passer les urinaux, les pannes, etc. Il appelle les infirmières et le médecin en cas de nécessité.

Une équipe opératoire est chargée d’opérer la nuit les blessés dont les lésions réclament l’intervention.

Chaque matin, le médecin directeur fait le tour des salles, examine les blessés, décide des interventions et du traitement à instituer ; le soir, il procède à une seconde visite spécialement pour les blessés graves.

Le médecin des salles est encore chargé de la rédaction des feuilles de clinique du blessé.

Les élèves médecins aident les médecins dans le service des salles et sont chargés des narcoses.

L’après-dîner les médecins chargés de services s’occupent des blessés en traitement et ouvrent leurs consultations.



La chapelle. (photo Tonneau et Etienne)

SERVICE DU CULTE.

Un pavillon situé à l’extrémité d’une des rangées de pavillons a été transformé en chapelle.

La chapelle est donc accessible par les couloirs. Les blessés couchés peuvent y être transportés à couvert et à l’abri du froid.

Beaucoup d’objets prélevés dans les ruines d’Ypres ont permis d’orner convenablement l’autel. Des chaises et des bancs sont à la disposition des assistants.

Un aumônier attaché à l’établissement est chargé du culte. Il est prévenu par le médecin de l’entrée d’un blessé grave ou de l’état de celui-ci.

EAUX.

L’eau employée à l’hôpital de Beveren provient de trois sources.

1° Ruisseau.

On a capté un ruisseau qui prend sa source entre Leyseele et Klein-Leyseele ; ce ruisseau se déverse dans un grand bassin creusé dans une prairie où l’eau est décantée. De là elle passe à travers un filtre composé de coke, de gravier, de sable et de galets, et est refoulée par une pompe actionnée à l’électricité dans le château d’eau. L’analyse moyenne des eaux du ruisseau a donné :

Degré hydrotimétrique                                                         23

Résidu à 100                                                                       36

Nitrites                                                                               0

Ammoniaque                                                                       0

Nitrates                                                                              0,79

Chlorure sodique                                                                 0,065

Matières organiques en acide oxaliques                                 0.19

Analyse bactériologique : nombreuses espèces liquéfiantes.                               Coli : deux colonies trouvées une fois sur six analyses.

A l’époque des sécheresses le débit du ruisseau est devenu insuffisant. On a procédé à un curage du ruisseau, ce qui n’a d’ailleurs fourni de l’eau que pendant quelques jours.
L’analyse après ce curage a révélé la présence de H
2 S.

2° Eau de l’Yser.

A ce moment pour suffire aux besoins de l’hôpital il a fallut amener au bassin de décantation l’eau de l’Yser.
On a installé près du pont de Stavele, sous un petit pavillon, une pompe électrique avec moteur à essence qui amène par une longue tuyauterie l’eau de l’Yser à raison de 12 M³ par heure.

L’analyse des eaux de l’Yser donne comme résultat :

Degré hydrotimétrique                                                   23

Nitrites                                                                         0

Résidu à 100                                                                 0,30

Ammoniaque                                                                 0,30

Nitrates                                                                        0,063

Chlorure de sodium                                                        0,060

Matières organiques                                                      0,17

Analyse bactériologique : moyenne en quatre jours : 1450 colonies.

L’analyse après décantation donne un résidu moins fort : 0,20.

On a constaté des traces de fer provenant de la canalisation nouvelle.

Au bassin de décantation l’eau de l’Yser est comme l’eau du ruisseau, filtrée et refoulée par la pompe jusqu’au château d’eau.

Ces eaux servent exclusivement aux usages domestiques.

3° Puits.

On a creusé un puits de 5 mètres de diamètre d’une profondeur de 8 mètres. Une pompe actionnée à l’électricité refoule également l’eau de ce puits jusqu’au château d’eau dans un réservoir spécial. Cette eau du puits sert exclusivement aux usages de la cuisine et de la pharmacie où elle est amenée par une canalisation indépendante de la canalisation des autres réservoirs.

L’analyse a donné comme résultats :

Degré hydrotimétrique                                                   26

Résidus                                                                         0,40

Traces de nitrite                                                            /

Traces d’ammoniaque                                                   /

Nitrates                                                                        0,084

Chlorure de sodium                                                        0,071

Matières organiques                                                      0,30

L’analyse bactériologique donne de nombreux liquéfiants fluorescents.

Cette eau n’est consommée qu’après ébullition.

Le château d’eau.

Le château d’eau est monté sur un échafaudage de 8 mètres de haut fait de troncs d’arbres. Il est situé sur la partie du terrain la plus élevée de l’hôpital.
Cet échafaudage supporte quatre réservoirs cylindriques de tôle.
Dans tris de ces réservoirs est refoulée l’eau du bassin de décantation qui alimente tout l’hôpital. Dans le quatrième est refoulée l’eau du puits qui alimente exclusivement comme nous l’avons dit la cuisine et la pharmacie.
De ces réservoirs l’eau se déverse dans des tuyauteries. La pression fournie par la hauteur de l’échafaudage et l’élévation du terrain est amplement suffisante pour amener l’eau aux robinets des différents services.

BUANDERIE. – LINGERIE.

L’hôpital possède une buanderie mécanique qui permet de laver la quantité énorme de linge que les soins des blessés exigent. Cette buanderie se compose d’une grande chaudière à vapeur et d’un moteur qui actionne au moyen de courroies de transmission et de poulies toute une série d’appareils à laver le linge.

Le linge d’abord trempé dans de grands bacs est jeté dans des cylindres, lessiveuses à palettes intérieures où par le frottement dans une savonnée, il se nettoie ; il repasse ensuite dans des bacs de rinçage puis dans des turbines où par la force centrifuge il est exprimé et séché en peu de temps. Enfin le linge sortant des turbines passe à travers des rouleaux calandreurs.

Un grand séchoir dont le chauffage est assuré par de gros radiateurs à ailettes à courant de vapeur permet de sécher rapidement le linge qui sort de la buanderie. A cette buanderie est annexée une lingerie où le linge est vérifié, réparé, repassé, plié et mis en place.

BAINS.

La salle de bains comprend 8 cabines pour dames, 3 cabines pour officiers, 2 cabines pour sous-officiers, 1 cabine pour bains spéciaux.
Chaque cabine comprend une baignoire émaillée avec robinet à eau chaude et eau froide.
Huit cabines douches sont à la disposition du personnel de l’établissement.
L’eau chaude fournie aux bains provient d’un réservoir dont l’eau est chauffée par la vapeur de la chaudière de la buanderie.

STERILISATION.

Le service de stérilisation se compose d’une grande étuve et d’une chaudière qui lui envoie la vapeur sous pression.
C’est dans cette étuve que nous stérilisons chaque jour les nombreuses boites à pansement, les tabliers, les compresses utilisées à la salle d’opération et dans les salles.
La T° de l’étuve est poussée jusqu’à 131°. C’est aussi dans cette étuve que l’on désinfecte les effets des entrants et les literies à 125°.

LES EAUX RESIDUAIRES.

Toutes les eaux résiduaires de l’hôpital, eaux de buanderie, de cuisine, de relave, etc., sont déversées par une canalisation spéciale dans deux fosses cimentées.
Avant de s’écouler dans la fosse de décantation, les eaux résiduaires passent dans un collecteur où elles barbotent sur un lit de chaux. Après ainsi barboté, elles s’écoulent dans la fosse de décantation sur un lit d’alun. Pendant qu’une des fosses se remplit pendant la journée ; le soir, on ferme la vanne, on écume l’eau et l’écume est transportée à l’incinération, puis on remue tout le contenu de la fosse, on mélange donc eaux sales, chaux entraînée du collecteur et alun et on laisse le tout reposer toute la nuit. Le lendemain matin on ouvre le robinet de vidange et la fosse se vide. On ouvre en même temps la vanne du collecteur de l’autre fosse qui se remplit à son tour pour subir les mêmes manipulations et se vider le lendemain, tandis que l’autre se remplit de nouveau et ainsi de suite.
L’eau qui sort des fosses est filtrée sur un filtre grossier formé de briques concassées et s’écoule dans un ruisseau jusqu’à l’Yser en aval de l’endroit où l’on puise l’eau pour les besoins de l’hôpital.

EVACUATION DES IMMONDICES.

Les déjections des blessés, les pansements souillés, les matières usées, etc., sont incinérées dans un grand four incinérateur (Hors fall destructor) installé en arrière des baraquements de l’hôpital. Une corvée de deux hommes est chargée du service des vidanges.
Deux fois par jour une charrette tirée par un cheval fait le tour d’un chemin de ronde  qui encadre le derrière des pavillons. Les hommes chargés du service enlèvent et vident les tinettes, bacs à pansements et à ordures déposés au fond des salles et transporte leur contenu à l’incinération.

RAVITAILLEMENT DE L’HOPITAL.

La viande est fournie tous les jours par la boucherie de la division qui occupe le secteur auquel correspond l’hôpital. Le pain provient de la boulangerie militaire d’Adinkerke d’où il est amené tous les jours par voie ferrée jusqu’à Klein-Leyseele ; de Klein-Leyseele il est transporté à l’hôpital par auto camion. Le beurre et les œufs sont achetés les mercredis et samedis de chaque semaine au marché de Dunkerque d’où ils sont amenés par chemin de fer et autos. La bière est fournie toutes les semaines par la brasserie militaire, le vin et les diverses denrées tous les jours par l’intendance. Le charbon est amené également chaque mois de Calais par chemin fer et par auto camions.
Enfin, le lait et les légumes sont fournis en partie par la ferme et le potager de l’hôpital.

LA DEPENSE.

Un pavillon parallèle à la cuisine sert de magasin pour les denrées alimentaires ; on y dépose toute la provision de haricots, riz, café, œufs, etc., qu’on fournit à la cuisine.
Sous ce pavillon on a creusé une cave cimentée pour la bière, le vin des blessés ; on y dépose encore en raison de la fraîcheur de l’endroit, la viande et les légumes.



Cuisine de la troupe. (photo Tonneau et Etienne)

CUISINE.

Un pavillon situé au milieu du jardin, au milieu de l’hôpital donc, est affecté au service de la cuisine.
Trois grandes cuisinières servent à la préparation des aliments. Cinq douches spéciales servent à la préparation du café, à l’ébullition du lait, de l’eau, à la cuisson des pommes de terre et de la soupe.
Une glacière de grande dimension est destinée à la conservation des aliments putrescibles.
De grandes tables en zinc, un grand bac de relave doublé de zinc, une large distribution d’eau, des cuves thermophores, des machines à hacher, etc., tout le matériel d’une cuisine complètent l’installation.
Un grand tableau où sont inscrits les régimes spéciaux facilite le service des cuisiniers.



Le jardin potager et la ferme. (photo Tonneau et Etienne)

LA FERME.

Nous avons à l’hôpital 12 vaches laitières qui fournissent journellement une certaine quantité de lait frais pour les blessés. Il s’en faut cependant de beaucoup que le lait des vaches suffise à la consommation, on est obligé de compléter la ration du malade par une certaine quantité de lait condensé.
Nous engraissons également une douzaine de porcs avec les déchets de la nourriture.
Une écurie où sont logés les chevaux des officiers montés et le cheval de trait de la charrette à immondices complète la ferme.
L’écurie, l’étable, la porcherie ont été complètement pavées en briques afin de rendre l’évacuation du fumier et le nettoyage des locaux plus facile.



Groupe des Officiers. (photo Tonneau et Etienne)


Groupe des Infirmières. (photo Tonneau et Etienne)

PERSONNEL.

L’hôpital est dirigé par un médecin chef de service assisté de 12 médecins, d’un médecin radiographe et de 10 élèves médecins. Trois pharmaciens sont attachés au service pharmaceutique. Un officier gestionnaire, assisté de deux officiers, est chargé du service administratif sous l’autorité du médecin chef.
60 infirmières sont affectées au service des blessés, des salles d’opération et de la lingerie. Le personnel subalterne comprend les infirmiers, chauffeurs, électriciens, etc., nécessaire au fonctionnement de l’établissement.

LOGEMENT, CUISINE ET MESS DES INFIRMIERES, MEDECINS ET OFFICIERS.

Deux pavillons servent au logement des infirmières. Ces pavillons ont été divisés de chaque côté en quatorze chambrettes à parois d’éternit et clôturées au dehors par un rideau sur glissière. Chaque chambrette est éclairée par une fenêtre vasistas. Chaque infirmière dispose d’un lit et d’un petit mobilier indispensable : lavabo, étagère, penderie, etc.
Deux pavillons également servent au logement des médecins. Les chambres des médecins sont également clôturées par des panneaux de fibrociment et meublées d’un lit, d’une table de nuit, d’un lavabo, d’une étagère et d’une penderie. Trois pavillons forment la cuisine, le mess des infirmières et celui des officiers. La cuisine, située entre les deux mess est réunie à l’un et à l’autre par un couloir transversal qui facilite le service. La cuisine comprend une cuisinière grand modèle et tous les ustensiles nécessaires à la préparation des aliments. Le mess des dames comprend deux grands locaux :

Un salon meublé de meubles anglais coquettement disposés permet aux dames de se réunir.

Une salle à manger avec tables et chaises.

Le mess des officiers comprend :

Une salle à manger avec tables, chaises et buffet.

Une tabagie garnie de tables, chaises et fauteuils club, qui sert de salle de réunion. C’est dans cette salle qu’une fois par semaine se font encore entre médecins des causeries médicales.

Une bibliothèque avec tables, chaises, etc., où chacun peut aller consulter les principaux livres classiques, les périodiques, les revues, les journaux médicaux qui y sont déposés.

LOGEMENT DU PERSONNEL.

Trois baraquements forment les dortoirs du personnel. Chaque dortoir, contient 35 à 40 lits tubés de même type que ceux des blessés. Les quatre chambrettes des extrémités ont été réservées aux sous-officiers. Un quatrième baraquement divisé en deux locaux inégaux et séparés par une cloison sert de mess pour sous-officiers et de mess pour les soldats.

MAGASIN ET VESTIAIRE.

Deux pavillons servent :

L’un de magasin de réserve de vêtements, linges, draps, literies, ustensiles en tous genres nécessaires aux blessés.
L’autre de vestiaire où sont rangés et classés les vêtements désinfectés des soldats en traitement à l’hôpital.



La salle des fêtes. (photo Tonneau et Etienne)

LA SALLE DES FETES, CONCERTS ET RECREATIONS.

Une immense salle de réunion longue de 32 mètres, large de 12 mètres, permet de donner aux blessés les représentations théâtrales les plus variées (comédies, drames, opéras, opérettes, cinéma, etc.)
Cette salle comprend une scène avec jeux de lumières, décors, rideaux, sous-sol pour orchestre, des chaises, des bancs permettent de caser plus de 1000 personnes. A l’heure de la représentation les blessés transportables sont placés au premier rang. Il ne se passe pas de semaine où des artistes professionnels ou amateurs ne viennent distraire leurs glorieux camarades. Les musiques militaires prêtent leur concours aimable pour rehausser l’éclat de ses représentations. Et c’est un spectacle bien impressionnant et qui est bien de cette guerre de voir couchés sur leurs brancards et enveloppés de pansements des fractures de mâchoires rire quand même et des amputés de bras essayer d’applaudir et, derrière eux une Souveraine émue, des chefs fiers et des infirmières maternelles qui, sous leur coiffe blanche, les regardent attendries. Cette salle des fêtes sert encore de salle de conférences. Les médecins des régiments sont alors invités à venir entendre les maîtres qui nous font l’honneur de venir prendre la parole. Enfin, cette salle des fêtes peut, en cas d’abondance, d’afflux d’entrants, servir de salle de blessés où on peut caser 100 lits.
Par les après-dîners d’été, les musiques militaires viennent encore dans nos jardins nous donner des concerts où elles jouent à la grande joie des malades des airs connus, des refrains de chez nous, de Flandre et de Wallonie, tout parfumés de terroir.
Dans les salles, des jeux de patience, de loto, de dames, d’échecs, de cartes, sont à la disposition des blessés.
Des gravures, des fleurs fournies par notre jardin que nos infirmières ont à cœur de renouveler, apportent une note claire et gaie dans l’atmosphère des pavillons.

BIBLIOTHEQUE.

Une bibliothèque assez fournie, composée de livres français et flamands, permet aux blessés au lit de se distraire.
Cette bibliothèque, ouverte tous les jours, est tenue par une dame infirmière. Les blessés viennent y échanger les livres lus  contre d’autres pour eux et leurs camarades.
Des journaux sont distribués quotidiennement dans les salles.

LES JARDINS.

Nous avons déjà signalé les jardins anglais, les jardins français et les plantations de pommes de terre. Signalons encore en arrière des bâtiments un grand jardin potager qui fournit une bonne partie des légumes à la cuisine.

GARAGES.

Les garages sont situés à l’extrémité droite de l’hôpital par rapport à la façade principale.
Le baraquement qui sert à cet usage est entièrement pavé de briques et peut abriter 14 voitures automobiles. L’hôpital en possède 10 dont voici le détail :
4 ambulances Panhard Levassor qui peuvent contenir chacune 5 blessés couchés.
Une ambulance Germain qui peut en contenir 4.
Une grosse voiture-lit F.N. chauffée par une lampe à pétrole.
Une voiture Torpédo pour le service de l’administration.
Une limousine pour le service du médecin directeur.
Une grande voiture radiographique Saurer.
Enfin, un petit camion automobile qui sert au ravitaillement.

Le garage se trouve à proximité de la route à laquelle il est relié par une autre route construite à l’intérieur de l’hôpital et qui permet aux automobiles d’arriver jusqu’à ses portes.



La centrale électrique. (photo Tonneau et Etienne)

LE GROUPE ELECTROGENE.

L’hôpital tout entier est éclairé à l’électricité.
L’éclairage et l’énergie électrique nécessaire aux services radiographiques, physiothérapiques, etc., est fourni par :

a)      deux dynamos et deux moteurs de 45 HP à huiles lourdes.

b)      Une batterie d’accumulateurs de 60 éléments.

SERVICE DE L’INCENDIE.

De multiples précautions ont été prises pour prévenir ou limiter l’incendie dans nos baraquements tout en bois.
Une échelle est appliquée aux murs de chaque pavillon. Chaque salle possède une hache à incendie, dans chaque salle encore ont été placés bien en évidence des extincteurs et des bouteilles grenades. Trois citernes bétonnées ont été creusées dans les jardins et sont constamment remplies. Elles sont destinées à alimenter les pompes à incendie dont dispose l’hôpital. En cas de nécessité le bassin de décantation et le puits seraient naturellement mis à contribution.

LA MORGUE.

Un petit pavillon situé au fond de l’hôpital sert de dépôt mortuaire.

Ce pavillon est divisé en deux salles :

la morgue proprement dite,

la salle d’autopsie.

Après la mort, le blessé est conduit au dépôt mortuaire, où sa famille si elle est à portée pourra venir le saluer. Il y est mis en bière et recouvert du drapeau national. Après les formalités nécessaires il est transporté dans un village voisin où il est enterré suivi de ses camarades avec les honneurs militaires.
Si la nature de la blessure et de ses complications, si l’état d’une affection survenue secondairement rendent un examen nécrosique scientifiquement utile, le cadavre est déposé à la salle d’autopsie où l’on fera avec le moins de dégâts anatomiques possibles une autopsie discrète et strictement limitée.

LE MUSEE.

Cette chirurgie de guerre si riche en leçons doit avoir ses souvenirs.
On a créé à l’hôpital de Beveren un musée où sont classées et conservées précieusement les pièces anatomiques intéressantes, les pièces squelettiques fracturées reconstituées avec leurs esquilles en place, les calottes crâniennes traumatisées, certains projectiles extraits, des photographies de plaies, toute la collection de radiographies en diapositives et les feuilles de cliniques de tous les blessés en traitement dans nos salles.

Beveren-sur-Yser, le 1e août 1917.

                                                                                                                                 Dr Derache.



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