Médecins de la Grande Guerre

Hommage aux soldats français qui reposent en Belgique

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Hommage aux soldats français qui reposent en Belgique

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Cimetière d'Anloy près de Maissin

Cimetière d'Anloy près de Maissin

Plaque commémorative au cimetière d'Anloy

Les Spahis rendent une visite au Cimetière militaire chaque année en mai. (Collection Marie-Thérèse Pipeaux)

Monument se trouvant près de l’église d’Anloy, sur lequel sont gravé les noms des victimes civiles ainsi que le nom du soldat Gabriel Toussaint. (Collection Marie-Thérèse Pipeaux)

Messe au Cimetière militaire en 2005. (Collection Marie-Thérèse Pipeaux)

Inauguration de la statue Mélancolie au cimetière militaire d’Anloy en août 2000. (Collection Marie-Thérèse Pipeaux)

Du 6 au 17 juin 2005, des soldats du bataillon allemand 801 de Neubrandenburg sont venus entretenir le Cimetière Militaire d'Anloy. Le dernier jour, un dépôt de gerbes en présence des porte-drapeaux de l'entité de Libin. (Collection Marie-Thérèse Pipeaux)

Carte relatant les positions

Document allemand

Hommage de l'armée allemande. Cimetière de Maissin, 16 juin 1918.

Le 14e hussards d’Alençon. Le 1er à gauche est le grand père maternel de monsieur Roger Cornevin-Hayton. Le Colonel Walerand de Hautecloque arrivant de l'école de cavalerie de Saumur, oncle du futur  Maréchal Leclerc, est en uniforme noir. (photo de monsieur Cornevin)

Plaque commémorative à l’entrée du cimetière de Maissin. (photo D. Delcambre)

Pierre Massé.

Plaque commémorative à l’entrée du cimetière de Maissin. (photo F. De Look)

Fosse commune où se trouvent les soldats non identifiés. (photo F. De Look)

Fosse commune où se trouvent les soldats non identifiés. (photo F. De Look)

Cimetière de Maissin. (photo D. Delcambre)

Le calvaire qui fut transporté au cimetière de Maissin en 1932. Le don du Calvaire de Tréflévénez, une des églises de la paroisse du Trehou, relevait donc des autorités de cette paroisse et il n’est, dès lors, pas étonnant que l’on ait considéré que le Calvaire venait du Trehou. Mais il ne venait pas de la Commune du Trehou mais de la Paroisse du Trehou et, très précisément de Tréflévénez. (photo F. De Look)

Petite explication concernant le Calvaire Breton. (photo F. De Look)

La plaque dans le cimetière. (photo D. Delcambre)

Un autre plan du calvaire breton. ( photo D. Delcambre)

Le dessus du calvaire breton. (photo D. Delcambre)

Au pied du calvaire breton. (photo D. Delcambre)

Maissin cimetière militaire et calvaire breton

Manon près du Calvaire breton - Cimetière de Maissin

Beaucoup de soldats blessés à Maissin furent transportés dans l’ambulance 1034 à Saint-Hubert

Beaucoup de soldats blessés à Maissin furent transportés dans l’ambulance 1034 à Saint-Hubert

Beaucoup de soldats blessés à Maissin furent transportés dans l’ambulance 1034 à Saint-Hubert



Cimetière d'Anloy près de Maissin

 

Hommage aux soldats français qui reposent en Belgique

Les Belges connaissent tous le village de Redu célèbre pour ses bouquinistes, mais  lorsqu'ils s'y rendent la plupart d'entre eux ignorent qu'à quelques km de là, dans le tout proche village de Maissin s'est déroulé il y a quelques années une des premières batailles de la première guerre mondiale, une bataille dramatique qui en l'espace de  quelques heures fit passer de vie à trépas près de cinq mille jeunes soldats français. C'était le 21 août 1914, les Français avaient fait mouvement pour affronter l'ennemi dans les Ardennes. Le 11ème Corps d'Armée du Général Eydoux atteignit Maissin le 22  août. Les éclaireurs, les cavaliers du 2ème chasseur arrivèrent au village à 7 heures suivi vers l'heure de midi par l' infanterie. Tout de suite ce fut le choc brutal contre l'infanterie allemande de la 25ème division. Le village et les bois environnants devinrent l'enjeu de combats acharnés. Attaques et contre-attaques se succédèrent sous le feu des mitrailleuses et des obus des deux artilleries. A 15 h, le 19ème R.I. se battait dans le village en contenant les assauts ennemis. Des compagnies des 93ème, 1167me, 118ème, et 137ème venues en renfort progressaient  en luttant pied à pied pour dégager Maissin. A 19 h, par une attaque à la baïonnette au son des clairons, les fantassins français rejetaient les Allemands du village. Pendant ce temps, les 62ème, 64ème et 65ème R.I. avaient lutté pour chaque crête et chaque bois que les Hessois leur disputaient avec une égale ténacité. Suivant le mouvement général de l'armée qui se reportait vers la frontière française, le 11ème C.A battit en retraite le 23 août en abandonnant le champ de bataille, les morts et les blessés intransportables à l'ennemi. Des centaines de blessés reçurent les premiers soins dans les villages de Transinne, Redu et Our où ils furent faits prisonniers par l'armée allemande. On peut considérer cette bataille de rencontre comme l'un des plus meurtriers affrontements, avec Rossignol et Ethe, du samedi 22 août dans le Luxembourg belge.


Maissin cimetière militaire et calvaire breton

Côté français, on perdit en tués, blessés ou disparus au cours de cette journée 4.500 hommes. A elle seule, la plus éprouvée, la 44ème brigade perdit 2.000 fantassins. Chez les Allemands, les pertes furent équivalentes et particulièrement dures à la 25ème division qui accusa 3.676 hommes hors de combat. Le régiment de la Garde grand-ducale hessoise, le 115ème grenadiers perdit 27 officiers et 760 fantassins. Pour les deux camps, les pertes de soldèrent en tout par environ dix mille hommes hors de combat.

Dès le 24 août 1914, après la retraite du 11ème corps d'armée français, l'armée impériale allemande procéda aux ensevelissements des centaines de morts restés sur le champ de bataille. L'inhumation des cadavres français et allemands dura une dizaine de jours. Plus de 500 civils belges réquisitionnés participèrent à l'enlèvement des corps et à leur enterrement. Maissin, le bois de Hautmont, le bois du Baulet étaient encombrés de cadavres qu'il fallut grouper et ramener vers les fosses communes. Sur la route de Transinne, au "Courtil", on creusa des fosses pour trente hommes. A cet endroit plus de 2.000 morts furent enterrés ainsi qu'au "Paulet", à proximité de la route de Lesse. Durant la guerre, l' autorité d'occupation allemande aménagea toutes ces nécropoles des combats d'août 1914. Des cérémonies d'inauguration s'y déroulèrent en présence de hautes personnalités militaires. (Dans la région des nécropoles du XVIIIème corps, le grand-duc de Hesse, Ernest LOUIS, participa à ces cérémonies). A Maissin, les corps français ou allemands des tombes, ou des fosses isolées, regroupés dans trois grandes nécropoles: cimetière n° 1 sur la route de Transinne, cimetière n° 2 et n° 3 sur la route de Lesse, furent réinhumés en tombes individuelles et en ossuaire. Après la guerre, de nombreuses cérémonies s'y déroulèrent car les Anciens Combattants du 11ème C.A venaient régulièrement en pèlerinage sur les tombes de leurs camarades tombés le 22 août 1914. A l'initiative de M. Pierre Masse, secrétaire de l 'Amicale des Anciens Combattants du 19ème R.I., membre de l 'association des écrivains combattants, et du curé de Maissin, l'abbé Swfich, un calvaire breton du XVIème siècle ramené de la commune du Tréhou, Finistère, se dressa dans l'enceinte du cimetière n° 2 pour commémorer le sacrifice des Bretons du 11ème corps. Il fut inauguré en août 1932 à l'occasion du 18ème anniversaire de la bataille et porte l'inscription suivante en langue bretonne, qui n'est plus comprise que par quelques - uns:

La morte est le meilleur pêcheur, car sa voix porte jusqu'au fond!  Écoute, compatriote, toi qui a du cœur: elle te demande d'être Breton de toute ton âme. Amis allons souvent nous recueillir sur les tombes.


Manon près du Calvaire breton - Cimetière de Maissin

Les terrains  des cimetières français en Belgique restent propriété de l' État belge qui les concède à titre gracieux à la France pour une durée illimitée tant que leur affectation demeure. Les sépultures françaises en Belgique sont placés sous le responsabilité de l'ambassade de France et des directions interdépartementales de Lille et de Metz du secrétariat des Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Maissin dépend de la direction de Metz. En 1955, les cimetières mixtes franco-allemands de la province d e Luxembourg se révélaient dans un tel état de délabrement dû aux intempéries que leur réfection s'avéra nécessaire et urgente. Il fut décidé qu'au lieu d'effectuer une réfection totale pour chacun d'eux, la suppression de quelques uns réduirait les travaux et les frais d'entretien ultérieurs. L'accord entre le Volksbund et le Bureau des nécropoles du Ministère des Anciens Combattants aboutit à retenir 9 cimetières à réaménager. Les travaux durèrent de 1956 à 1960.

A Maissin, le cimetière n° 2 dit "du calvaire breton" recueillit les restes mortels exhumés des petits cimetières les plus proches.382 soldats allemands et 46 français provenant des cimetières de Maissin, d' Ochamps et d' Orgéo y furent réinhumés. Les derniers travaux effectués: réfection des tombes et des monuments, pose d'une clôture, plantations et aménagement floral, se firent au cours de 1984 et 1985. Grâce aux travaux menés dans la partie allemande et dans la partie française, la nécropole mixte a acquis son aspect définitif qu'elle offrira désormais aux pèlerins et aux visiteurs. Aujourd'hui le cimetière militaire franco-allemand de Maissin  contient 282 Français et 513 allemands en tombes individuelles, 3.001  Français en deux ossuaires, 643 Français et 343 Allemands en un ossuaire mixte. En tout, 4.782 corps de combattants morts en août 1914.


Carte relatant les positions



Document allemand

Les pertes importantes au combat étaient dues à la conviction pour les deux armées qu'il fallait obligatoirement mener, quel qu'en soit le prix,  une guerre offensive. Pour vaincre, les officiers français  ne purent tenir compte de  la nature du terrain, de l ' effectif  des forces ennemies, de la  présence des mitrailleuses et des uniformes au pantalon rouge trop voyant. Une seule tactique prévalait : la marche en avant de l'infanterie... Pas étonnant dès lors, que ces combats se transformèrent en une effroyable tuerie comme nous le rappelle  les  deux témoignages que je vous livre ci-dessous et qui concernent  les affrontements terribles qui eurent lieu dans nos Ardennes entre le 20 et le 24 août 1914 entre soldats français et allemands.    

Le sergent Francis Peraud du 113 Régiment d'infanterie témoigne de la bataille de Baranzy

(témoignage rapporté  dans le livre écrit par le Dr Destemberg Jean-Daniel, " Les chemins de l'histoire", Editions Demars, B.P. 332-03003 Moulins, France, 1999) 

En I983, alors qu'il était âgé de 92 ans, le sergent Péraud du 113° R.I., m'écrivit ses souvenirs de guerre. Il vivait une paisible retraite dans son Bourbonnais natal. au crépuscule de sa vie, il voulait laisser son témoignage: le témoignage simple et sincère d'un homme au milieu de la tourmente. Il avait presque traversé le siècle, mais sa mémoire restait intacte. Sur le papier d'écolier, aucun détail ne manquait. Il n'était pas un homme d'écriture et quelques feuilles suffirent. Il les appela avec ironie: "Souvenirs d'un grain de sable". Nous sommes le 2 août 1914. L'assassinat à Sarajevo de l'Archiduc François-Ferdinand, héritier  d'Autriche-Hongrie, par un fanatique serbe, a entraîné un état de guerre entre la Serbie et l'Autriche. Le jeu des alliances se faisant, l'Allemagne se range aux côtés de l'Autriche; la France, l'Angleterre et la Russie aux côtés de la petite Serbie. Deux blocs sont face à face. La guerre est imminente. La mobilisation générale en France est décrétée. Trois millions sept cent mille Français entre 20 et 45 ans, vont rejoindre leurs unités d'affectation. C'est une liesse indescriptible. La France va enfin pouvoir donner à ces Allemands la leçon qu'ils méritent depuis 1870, depuis cette triste guerre qui nous a coûté l'Alsace et la Lorraine. Et c'est la fleur au fusil que les régiments de France vont marcher vers les frontières de l'Est et du nord. En face, même enthousiasme; le Kaiser Guillaume II, empereur d'Allemagne a annoncé à ses armées une guerre brève mais surtout fraîche et joyeuse. En principe, de part et d'autre, on doit être de retour pour Noël, chacun ayant, bien sûr, donné d'abord une bonne leçon à l'autre. C'est dans cette ambiance que le 113° R.I. de Blois rouvre ses portes à ses anciennes classes. Les jeunes veulent en découdre, montrer qu'ils sont là et bien là. En hâte, on reéquipe tout le monde. On organise le régiment en bataillons. On y retrouve parfois de vieilles connaissances, parfois bonnes, parfois mauvaises. qu'importe! La France a besoin d'eux et ils ont répondu présents. Très vite l'esprit de groupe reprend ses droits, les vieux souvenirs de régiment remontent à la surface. Bien sûr, on a laissé les parents là-bas, parfois c'est une femme avec des enfants. Le plus ennuyeux, c'est qu'on était en pleine période des moissons! Heureusement les vieux  ont repris du service dans les fermes. De toute façon, on n'a pas le choix... Le 5 août 1914, le 113ème R.I traverse Blois en défilé enthousiaste. La population l'accompagne jusqu'à la gare. ils sont magnifiques, nos soldats : képi rouge, capote bleu foncé: "gris de fer bleuté" comme on dit dans les états-majors, pantalon garance. A cela, on rajoute environ 40 kgs, entre le sac à dos appelé aussi "as de carreau", les cartouchières pleines, les brodequins à clous, les outils individuels, l'équipement complet de réserve et enfin le fusil Lebel avec sa baïonnette que les journalistes appelleront bientôt "Rosalie". Le sergent Péraud marche avec ses hommes. On ne manque pas d'une certaine fierté. Tout le régiment embarque dans des wagons, direction frontière de l'Est. La France a besoin d'eux. Le convoi s'ébranle; alors, derniers adieux; les mouchoirs s'agitent, on entend chanter la Marseillaise, le sifflet de la locomotive vient ponctuer ces saluts. Pour beaucoup, et ils ne s'en doutent pas encore, c'est la dernière fois qu'ils voient leur famille. Les mères, elles, ne s'y trompent pas; leur intuition  leur a déjà parlé. Le voyage est interminable. On a envie de se battre. Enfin on arrive près de Verdun et le régiment débarque à Sampigny, dans la Meuse, juste en face de la maison familiale du Président de la République, Raymond Poincaré. Puis, par étapes, on gagne Saint-Mihiel, où l'on va cantonner. Mais déjà les rumeurs de guerre se confirment. On a signalé la présence des Uhlans. des reconnaissances sont faites et on continue à progresser vers la frontière belge. Le 14 août, le régiment atteint Belrupt en Woëvre et passe la ligne des forts de la zone fortifiée de Verdun qui deviendra célèbre deux ans plus tard .On ne rencontre aucun ennemi, seuls quelques cadavres de chevaux. Enfin Longuyon ; on annonce que des prisonniers ont été faits. C'est plutôt bon signe, ça! N'est-ce pas? Et, le 21 août, on atteint le dernier village français avant la frontière belge; et ce village s'appelle Ville-Houdlémont. Là, la guerre est présente dans sa réalité. Quelques blessés allemands gisent. Au loin, des obus tombent sur des villages belges en train de brûler. Le 22 août, à 6h 50 du matin, le 113ème traverse la frontière, la compagnie du sergent Péraud en tête du régiment et sa section en tête des éclaireurs. Un cours d'eau gêne la manœuvre. On oblique légèrement pour profiter du pont d'une route menant au village de Baranzy, première localité belge occupée par l'ennemi. La compagnie passe le cours d'eau se déploie alors sur la gauche de la route face aux tranchées ennemies. Un ordre d'attaque jaillit: "A la baïonnette!". Alors, au pas de charge, les "pioupious" courent à leur destin. Les mitrailleuses allemandes cachées jusqu'alors, fauchent la totalité des assaillants. Le sergent Péraud est blessé, il tombe. Tous les hommes de la compagnie sont étendus autour de lui; certains bougent encore, d'autres appellent. Au coup de sifflet, les allemands arrivent en contre-attaque. Et ils ont reçu des ordres: achever les blessés. Le sergent Péraud, allongé sur le dos, la tête légèrement basculée en arrière est gêné par une petite croix qui lui recouvre une partie de la bouche. Cette petite croix, il la porte depuis qu'un général leur a fait distribuer après la messe de Ville-Houdlémont, avant la bataille. Incapable de bouger, il voit les Allemands achever ses copains à la baïonnette. Son tour va arriver; les tueurs se rapprochent. soudain, d'eux d'entre eux sont au-dessus de lui; l'un deux s'apprête à le percer au thorax, mais le deuxième aperçoit la petite croix et écarte l'arme. Le sergent Péraud pensa toute sa vie qu'il ne pouvait s'agir que d'un ecclésiastique. Car il se retrouva un des rares prisonniers de ce combat. On l'accroche alors au cou d'un autre blessé prisonnier pouvant encore marcher. Ils s'en vont jusqu'à Baranzy où, sur la place de l'église, ils retrouvent d'autres blessés français qui gisent là. On l'allonge dans l'église, transformée en poste de secours par les Allemands. Il va y rester  quelques jours avant d'être embarqué dans un wagon à bestiaux. Par Luxembourg, Trèves, Cassel et d'autres villes allemandes, on les emmène jusqu'au sud de Berlin, à Lublen-Fraunberg et dans une maison transformée en hôpital des religieuses soigneront ses blessures pendant plusieurs semaines. Une fois rétabli, il est envoyé dans un camp de prisonniers. Énorme camp récemment construit à Cottbus, en Prusse, pour accueillir dix mille prisonniers russes. Ce camp est constitué de dix énormes baraques  dans une forêt de sapins. Nos prisonniers français arrivent là. Une surprise les attend. Pour la population allemande, ce sont les premiers Français qu'elle voit, les premiers prisonniers et le sergent Péraud m'avoua que leur arrivée eut un véritable caractère triomphal. En petite colonne, ils ne sont que 90 au milieu de tous les russes, ils traversent la ville. Alors la population applaudit; les enfants courent après eux pour toucher le pantalon rouge; on leur fait presque une réception de bon accueil. Mais bien vite la triste réalité va s'imposer. Prisonniers dès les premiers jours de la guerre, ces hommes le resteront pendant 52 mois, d'août  1914 à janvier 1919. D'autres prisonniers français viendront les rejoindre. Informés parfois des événements du front par leurs gardiens, ils vivront des épreuves terribles dont une épidémie de' typhus exanthématique qui en tua des centaines. Le sergent Péraud ne put, malheureusement, garder la petite croix à laquelle il devait la vie.

Si, au cours de vos promenades, vous passez un jour sur la route qui suit la frontière franco-belge", entre Longwy et Virton, vous trouverez  à Signeulx un petit cimetière militaire français au bord de la route. Le site est un véritable enchantement: comme disait le poète Arthur Rimbaud: "C'est un trou de verdure, où chante une rivière". S'il vous plaît, arrêtez-vous et allez rendre visite à ces croix blanches. Vous vous rappellerez alors que là sont restés les petits du 113ème qui n'avaient, sans doute, pas eu la chance d'avoir une croix dans la bouche. 


Plaque commémorative au cimetière d'Anloy

Un lieutenant témoigne de la bataille  d'Ethe

("La Marne, Verdun", Georges Blond, Presses de la Cité, 1994)

Remarque préalable:

 Ce témoignage doit être pris avec réserve: Georges Blond a employé le procédé qui consiste à superposer à la réalité historique des dialogues inventés qui sont sensés la rendre plus vivante. Georges Blond n'indique pas le nom de l'officier qu'il fait parler. Ce dialogue, inspiré sans doute du travail de Grasset est donc  parsemé d'erreurs:

- le témoignage ne correspond pas à la situation des officiers du 103; au moment de prendre des dispositions de sûreté, les deux Généraux se trouvaient d'ailleurs au milieu du 104. De plus l'image d'un général de Trentinian imprudent et irréfléchi semble erronée. Des études historiques sérieuses attribuent la victoire de la bataille d'Ethe aux Français. La 7° division commandée par le général de Trentinian  a su conquérir  Ethe tenue par les Allemands et s'y maintenir  jusqu'au soir. Cet exploit  aurait  pu être exploité par le Corps d'armée français: la 7° division fixant l'ennemi de front, c'était le moment idéal pour ordonner une attaque vers l'est, dans le flanc des forces ennemies. Au lieu de cela, ce fut le repli général qui fut ordonné par le commandement supérieur.      

- les deux lieutenants du 103 blessés, mais survivants ce soir-là, l'un est mort le lendemain et l'autre, resté coincé au Jeune Bois, n'a jamais pu déboucher dans Ethe.

- des flancs gardes ont été déployés contrairement à ce qui est affirmé dans ce texte:

- Monsieur, j'ai 73 ans. En quatorze, j'étais lieutenant d'active. 103ème régiment d'infanterie, 4ème corps. C'est nous qui avons attaqué à Ethe près de Virton dans l'Ardenne belge. Je vous assure que les hommes avaient envie d'en découdre. En ce temps-là, tout le monde était patriote. Mes soldats étaient de bons enfants, mais ils disaient qu'il fallait en mettre un coup, fermer sa gueule à  Guillaume. Notre régiment s'est avancé sans éclairage, les flancs à découvert dans le pays boisé, au milieu d'un brouillard épais qui a duré près de 24 heures. Le général Félineau, chef de la 14ème brigade était inquiet de cette marche à l'aveuglette, il a fait part de son appréhension au général de Trentinian, qui commandait la division. Les circonstances ont voulu que je passe à ce moment juste à côté de ces deux généraux, sur la route de Gomery à Ethe, je me rappelle très bien. J'entends encore Trentinian, superbe, répondre du haut de son cheval: " Vous êtes bien timide, général ! ". Nous avons continué.

 "Les Allemands étaient dans le pays depuis cinq jours. Ils nous attendaient. Ils avaient profité du brouillard pour défiler leur artillerie dans les bois sur les hauteurs tout autour d'Ethe, leur infanterie avait évacué le bourg et quand nous sommes arrivés au fond de cette cuvette, ils nous sont tombés dessus. Leurs obus ont écrasés notre artillerie alors qu'elle débouchait à peine, et tout un régiment de hussards a été taillé en pièces. 14ème hussards, colonel de Hautecloque. Monsieur, les hommes n'ont pas lâché pied. Ma compagnie s'est élancée à l'assaut de la gare d'Ethe, défendue par un régiment de Wurtembergeois. Les hommes tiraient couchés, se levaient, se jetaient en avant, se couchaient et tiraient et, s'élançaient encore. Le règlement sur le service en campagne prévoyait qu'en vingt secondes la ligne d'assaut pouvait parcourir cinquante mètres avant que l'infanterie ennemie qui venait de tirer n'ait eu le temps d'épauler, de viser, de tirer à nouveau. Les auteurs du règlement avaient simplement oublié l'existence des mitrailleuses. Nous entendions distinctement deux de ces moulins à café; à chaque bond  notre ligne s'éclaircissait. A la fin le capitaine a commandé : " à la baïonnette ! ". il était midi, le brouillard s'était dissipé depuis longtemps, il faisait même rudement chaud. Les hommes chargés du sac ont commencé à courir lourdement sur cette prairie à contre-pente, tambour battant, clairon sonnant la charge. Nous ne sommes même pas arrivés jusqu'aux Wurtembergeois, tout le monde était tombé avant. J'étais parmi les blessés, je suis resté là, j'ai été ramassé après une contre-attaque, mais je ne vais pas raconter mes campagnes. je vous ai parlé de cette charge parce qu'elle était typique à ce moment-là. Elle était réglementaire et même quasiment obligatoire. J'ai bonne mémoire, je me rappelle encore par cœur des phrases de ce fameux Règlement du 2 décembre 1913. " Le succès  dépend plus encore de la vigueur et de la ténacité que de l'habileté dans les combinaisons. Les attaques sont toujours menées à fond avec la résolution d'aborder l'ennemi à l'arme blanche". Puisque vous vous intéressez à cette période, vous avez sans doute  entendu parler de la charge du 2ème zouaves à Auvelais, au moment de Charleroi. Tambour battant, clairon sonnant, comme nous à Ethe. Les mitrailleuses allemandes étaient à la fête. Et le 1er Tirailleurs, toujours à Charleroi ! Non seulement les mitrailleuses mais les 77 ont ouvert le feu sur les lignes d'assaut, de plein fouet. Les tirailleurs  chargeaient drapeau en tête. Les rares survivants, j'en ai connu, ont été désespérés parce que ce drapeau leur avait été enlevé. Au cours de l'assaut, il avait changé de main cinq fois. Le compte rendu de la journée disait: "Le porte-drapeau a été tué cinq fois".

Les pertes françaises d'août et septembre 1914 : 329.000 tués, disparus, prisonniers, morts dans les hôpitaux: en deux mois environ le sixième des pertes totales de la guerre.  


Hommage de l'armée allemande. Cimetière de Maissin, 16 juin 1918.

Conclusion:

33.443 soldats français succombèrent en Belgique durant la guerre 14-18 dont les deux tiers pendant les combats du 20 au  24 août 1914. Ces pertes  énormes ( presque autant que  les  pertes de l'armée belge pendant les quatre années de guerre) ne suscitèrent  jamais l'émoi légitime qu'elles auraient dû normalement  provoquer en France et en Allemagne. Il convenait en effet pour les Allemands, comme pour les Français de garder le moral de leurs troupes en cachant l'importance des pertes subies en quelques jours de combats dans une guerre à peine commencée et que les tacticiens de chaque camp avait prévu devoir être courte. Cette bataille des frontières fit bien plus de victimes que la bataille de Waterloo mais elle n' eut pas l'honneur de rentrer dans la légende qui préserve à jamais  les victimes de l'oubli.. Puisse la Belgique, elle aussi se souvenir des vies sacrifiées  de milliers de jeunes soldats français et allemands qui reposent sur son sol...


Annexes

1. Le témoignage de V. Joubaud combattant français à la bataille des 22 et 23 août 1914 à Maissin

Il s'agit d'une réponse à une demande de renseignements faite par l'Abbé Paul GERARD (Maissin 1889 - Maissin 1969), qui a vécu la bataille comme séminariste (ordonné en 1915). Tout laisse supposer que l'Abbé JOUBAUD a vécu la bataille comme soldat et est devenu prêtre par la suite.

Un grand merci à Madame Jeanne JEANGOUT pour ce document :

PAROISSE de DOINGT-FLAMICOURT.

DOINGT, le 5 mars 1964.

Cher confrère,

Je ne vous oublie pas et je me préoccupe de vous être de quelque utilité pour votre récit de la bataille de Maissin. J'ai en effet fait un pèlerinage émouvant en ce lieu pour moi historique où je reçus le baptême du feu le 22 août 1914. Je caressais de rêve depuis toujours. Il a fallu qu'un enfant de Maissin, le père Liévin, capucin, vienne prêcher une mission dans ma paroisse.
Il m'a décidé à faire ce voyage avec lui et m'a servi de guide.

La bataille de Maissin fut livrée par le 11ème corps d'armée qui y fut engagé à fond et à peu près avec tous ses effectifs.
Ces régiments étaient composés presque exclusivement de Bretons et de Vendéens, Ce corps d'armée ayant son siège à Nantes. Un corps d'armée comportait deux divisions pour le nôtre la 21ème et la 22ème. Dans chaque division 4 régiments d'infanterie, chaque régiment comptant 3000 hommes sur le pied de guerre. Il faut y ajouter au moins un régiment d'artillerie et un de Cavalerie. Enfin les formations auxiliaires quelques compagnies de Génie, le train des équipages pour le ravitaillement en vivres et munitions les services sanitaires. Au total entre 15000 et 20000 hommes. La division se fractionne en deux brigades. Mon régiment, le 65ème d'infanterie (ou de ligne) faisant partie de la 21ème Division et de la 42ème Brigade. Il tenait garnison à Nantes et l'autre régiment de la brigade, le 6ème R.I., à Ancenis, deux villes de la Loire atlantique. Les deux autres régiments de la division (43ème brigade) étaient en garnison, le 93ème R.I. à La Roche sur Ion, le 137ème R.I. à Fontenoy, deux villes de Vendée. Notre Division disposait d'un régiment d'Artillerie, le 51ème de Nantes et d'un régiment de Cavalerie, le 2ème Dragon de Nantes, d'un contingent du 60ème Génie d'Angers. La 22ème Division (447ème et 45ème Brigades) se composant du 116ème R.I. (Vannes), du 62ème R.I. (Lorient), du 118ème (Quimper), du 19ème (Brest), du 35ème et du 28ème régiment d'Artillerie (vannes) et du 2ème Chasseurs à Cheval (Pontivy).

Nous quittâmes nos garnisons le 5 août (je crois) et fûmes dirigés sur les Ardennes, de là, nous gagnâmes la Belgique par petites étapes en passant par Sedan.
Le régiment ne cantonnait jamais en entier dans le même village. Le 2 août au soir, ma compagnie (250 hommes) reçut comme cantonnement un pensionnat de jeunes filles à Bouillon dirigé par des religieuses françaises qui nous firent coucher dans les dortoirs et nous servirent un repas délicieux.

Le lendemain nous subîmes un orage en traversant une forêt entre Bouillon et Paliseul où nous croisâmes une division de cavalerie qui avait rempli sa mission d'avant-garde.
Nous comprîmes que l'heure de l'infanterie approchait. Où avons-nous stationné le 21 au soir. Je me souviens d'avoir lu sur un poteau « Blanche Oreille ». Notre dernière occupation fut d'allumer de grands feux pour sécher nos vêtements qui ruisselaient.
Le 22 au matin nous apercevons quelques cavaliers français et allemands aux prises à la lisière d'un bois.
Il est difficile de dire à quelle heure nous avons traversé Paliseul.
C'est par de petites routes et des chemins de terre que nous arrivions vers 4 heures de l'après-midi dans un ravin où les premières balles allemandes sifflèrent à nos oreilles. Bientôt l'artillerie entrait en action de part et d'autre. Le fracas des gros obus allemands à longue portée que nous avons baptisé du nom de « marmites » était autrement impressionnant que l'explosion de nos petits 75.
A partir de ce ravin, on fut disposé sur une ligne de tirailleurs à cinq mètres l'un de l'autre. Il s'agissait d'atteindre en gravissant une colline par des champs d'avoine l'orée d'un bois d'où partaient des balles d'un ennemi abrité dans des tranchées. Après quelques bonds en avant, nous avons pu nous rendre compte de l'ampleur de la bataille.
Sur notre droite, en haut de la colline, environ à un Km du bois devenu notre objectif, la 22ème division s'élançait furieusement à l'assaut du village de Maissin. C'était épique. Un régiment (le 19ème R.I. sans doute) montait à la charge musique en tête et drapeau déployé.
Un obus allemand tomba en plein sur le groupe de musiciens qui sonnaient la charge. La mêlée qui se déroula dans les rues de Maissin nous échappa de vue. Un peu plus tard les maisons flambaient.
Le troisième bataillon de mon régiment progressait à gauche des régiments finistériens, entre le bois et le village.
Nous, du deuxième bataillon, montions par bonds courts et rapides vers le bois. Un incident malencontreux se produisit à mi-chemin. Le 64ème R.I. nous suivait à une certaine distance.
Il n'était pas prévenu de notre présence en première ligne. Il nous prit pour des Allemands qui se sauvaient devant lui et se mit à nous tirer dans le dos. Il fut difficile de convaincre nos camarades de brigade.
Sonneries de la brigade, du régiment, du cessez le feu n'aboutissaient qu'à nous nous faire mitrailler de plus belle. Il fallait nous mettre carrément debout dans le champs d'avoine et nous avancer vers eux pour les faire cesser le tir.
Les bobards circulant déjà, racontaient que les Allemand imitaient nos sonneries et revêtaient l'uniforme français.
Nous repartîmes tous en avant comme un seul homme après échange de propos très militaires.
Un peu avant la nuit nous délogions les fantassins ennemis de leur tranchée.
Les clairons français sonnèrent le cessez le feu. Les conventions internationales qui interdisaient les combats de nuit furent observées pour la première et dernière fois. Cependant quelques camarades grisés par le succès s'engagèrent dans le bois où les baïonnettes fonctionnèrent. Plusieurs ne revinrent pas. Un caporal de ma compagnie aurait transpercé et fixé dans un arbre avec sa baïonnette un soldat allemand qui le mettait en joue et eu le temps de faire partir le coup, ils se seraient tués mutuellement à la même seconde.
Nous nous disions « On va sans doute passer la nuit sur la position prise à l'ennemi et demain matin nous reprendrons la marche en avant … vers Berlin ».
L'illusion fut de courte durée. Vers minuit un agent de liaison vint nous prévenir à voix basse de nous replier dans le plus grand silence. Notre division était menacée d'encerclement par la gauche.

La retraite de Belgique commençait. Le 23 août au soir nous étions de retour à Bouillon. Je montais la garde près d'un canon de 75 braqué au milieu de la route, prêt à tirer sur les Allemand qui tenteraient d'entrer dans la ville. Après le coup de boutoir de Sedan qui stoppa les Allemands sur la Meuse pendant plusieurs jours, le repli continua jusqu'à la Marne.
Mon régiment soutint des affrontements terribles à Bazeilles et au bois de la Marfée où il perdit plus de la moitié de ses effectifs.
Le chef du 3ème bataillon, commandant de Saint Exupéry, avait été tué à Maissin, celui du 2ème bataillon, commandant Toupin, fut tué au bois de la Marfée. Il y eut une véritable hécatombe d'officiers. Les pertes allemandes furent également sévères.
J'ai vu les tirs conjugués de nos trois régiments d'artillerie exterminer en un quart d'heure une division entière d'infanterie qui chargeait contre nous. Mais ceci ne fait pas partie de la bataille de Maissin. Sedan est déjà loin de chez vous.

Voici quelques renseignements qui pourront peut être vous servir sur la composition d'un régiment d'infanterie. Il comprenait trois bataillons de quatre compagnies chacun. A la tête du régiment un colonel, du bataillon un commandant, de la compagnie un capitaine.

Les régiments d'artillerie et de cavalerie avaient moitié moins d'hommes que les régiments d'infanterie.
Enfin le commandant du 11ème corps était le général Eydoux. Le 11ème corps d'armée appartenait à la 4ème Armée commandée par le général De Langle de Cary.

Maintenant abordons la question la plus importante. Où trouver les renseignements concernant chaque régiment du corps d'Armée et leur rôle à Maissin ? Après la guerre 14-18 l'histoire de la plupart sinon de tous ces régiments a été publiée. Pour ma part je n'ai pu me procurer l'histoire de mon régiment, le 65ème R.I.. Quand je l'ai demandée, l'édition était épuisée et n'a pas été renouvelée. Mais après renseignements j'ai appris que les archives du 11ème Corps d'armée étaient déposées à Rennes. Je vous conseille donc d'écrire à l'adresse suivante : Mr le Colonel de la Direction régionale du recrutement et de la statistique – Quartier Foch – Rennes – Ille et Vilaine. En lui signalant de quelle mission vous êtes chargé, je pense qu'il accepterait de mettre à votre disposition, au moins temporairement, un exemplaire de l'histoire de chaque régiment du 11ème corps d'armée. Je ne vois pas d'autre moyen de vous documenter. En tous cas, si le colonel ne disposait pas de ces histoires régimentaires, il pourrait sans doute vous indiquer où vous pourriez vous les procurer.

Je voudrais bien me trouver à Maissin ce 24 août 1964. Mais je suis atteint d'une coxarthrose double très évoluée ce qui me rend le déplacement très difficile.
De tout cœur je vous souhaite plein succès à votre projet et j'achète d'avance un exemplaire du livre que vous préparez.
Veuillez agréer, cher confrère, l'assurance de ma fraternelle sympathie.

                    

V. Joubaud

2. Le Calvaire breton du cimetière militaire de  MAISSIN

par Pierre Wustefeld 

Dans les années 1980, nous recevions une lettre d’amis bretons très chers. Elle, épouse d’un médecin de Dinan,  nous écrivait : «  En  1932, jeune fille, j’avais accompagné ma grand-mère maternelle à la remise d’un calvaire breton du xvi ème siècle à des  autorités belges, pour qu’il soit placé  dans le cimetière militaire où avaient été inhumés  plusieurs milliers de soldats bretons, tombés les 22 et 23 août 1914 dans les Ardennes belges.

Ma grand-mère maternelle, Madame de l’Estang du Rusquec, avait été priée à cette cérémonie  car elle avait perdu, au cours de la guerre trois fils et un gendre  morts au champ d’honneur. »

Notre amie, Madame Gautier-Hardouin, nous demandait si nous pourrions retrouver le cimetière où se trouvait ce calvaire, car c’est là qu’avait été inhumé l’un de ses oncles, âgé de 22 ans, Adrien de l’Estang du Rusquec, tué dans les premiers jours de la guerre et dont le corps n’avait pas été retrouvé.

Un des remarquables sites de l’Armée française, www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr  me permit de retrouver la fiche signalétique d’Adrien de l’Estang du Rusquec, brigadier au 118ème RI, tué et disparu à Maissin  le 22 août 1914.

(Outre la sienne, figurent dans ces fiches celles de deux de ses frères et celles de deux de ses oncles ou cousins).

Avec le 19ème RI, dont il était le régiment frère et le 116ème RI,  le 118ème  (Régiment de Quimper) constituait la 44ème Brigade de la 22ème division, appelée Division Bretonne.

C’est celle-ci qui fut engagée  et, en grande partie, massacrée  dans les combats menés dans cette région de  Paliseul, Maissin, Rossignol.

Le site  http://cecile_meunier.club.fr/index.htm  me permit de retracer les mouvements de cette unité et, dès lors, de situer le cimetière dont, peu après je trouvai des photos dans le site du Docteur Loodts  « Médecins de la Grande Guerre ». Dans les témoignages que comporte ce site, un très bel article  de la rubrique   «soldats »  évoquait d’ailleurs  « l’Histoire des soldats français  sacrifiés dans nos Ardennes. »

Nos amis  bretons vinrent à Maissin et firent une émouvante visite au cimetière, se recueillant devant la tombe commune où reposait leur oncle.

Je n’avais cependant pas évoqué avec eux l’origine du Calvaire, m’en tenant aux indications reprises dans le site qui mentionnaient  « Calvaire de Ty  Ruz » sous une photo, ou, dans un article : « calvaire ramené de la commune de Trehou ».

Le hasard a voulu que  quelques années plus tard nous assistions à un  mariage  dans le pays de Landerneau-Daoulas, à  proximité de Brest.

Le père de la mariée, officier français  retraité dans la région de sa famille, avait tenu à ce que la cérémonie  soit « bilingue »  français et breton  et, pour cette raison, le mariage se faisait  dans une petite église  dont le recteur était son professeur de breton.

Proche de chez lui, cette église était celle de Tréflévénez.

Au cours du déjeuner, un de mes commensaux étant un général  d’origine bretonne également retiré dans la région, nous en vînmes à évoquer la recherche que j’avais faite et notre amitié  avec une petite-fille de Madame du Rusquec.

Et c’est alors qu’il me confia qu’il l’avait encore connue, lorsqu’elle vivait dans sa propriété à Tréflévénez où les trois fils qu’elle avait perdus à la guerre étaient nés.

C’était d’ailleurs pour cette raison que le calvaire  de la petite église avait été offert à la Belgique afin qu’il rejoigne les enfants du pays inhumés à Maissin.

Passant par Dinan, au retour vers la Belgique,  nous y retrouvions notre amie qui, tout heureuse que nous ayons, par hasard, découvert le pays de son enfance, nous confirmait qu’effectivement c’était le calvaire de Tréflévénez  qu’elle était venue revoir avec nous à Maissin.

                                                       *              *              *

Comme nous le notions plus haut, dans différents documents, le calvaire est mentionné comme venant de  « la Commune de Trehou, dans le Finistère. »

En fait, cela s’explique de la manière suivante (www. le Trehou/wikipedia):

«  La  paroisse de TREHOU, faisait partie de l’archidiocèse de  Leon, relevant de l’Evêché de Leon.

 Elle avait comme trêves : Tréflévénez et Treveur (qu’elle a absorbée).

 Trêve, en Bretagne  est une subdivision de la paroisse. En toponymie, elle a le sens de quartier. »

Le don du Calvaire de  Tréflévénéz, une des églises de la paroisse du Trehou, relevait donc des autorités de cette paroisse et il n’est, dès lors, pas étonnant que l’on ait considéré que le Calvaire venait du Trehou.

Mais il ne venait pas de la Commune  du Trehou mais de la Paroisse  du Trehou et, très précisément de Tréflévénez. (Ne pas omettre les trois accents…)

Pierre WUSTEFELD





Cimetière d'Anloy près de Maissin



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