Médecins de la Grande Guerre

Le camp de réfugiés belges de Nunspeet

point  Accueil   -   point  Intro   -   point  Conférences   -   point  Articles

point  Photos   -   point  M'écrire   -   point  Livre d'Or   -   point  Liens   -   point  Mises à jour   -   point  Statistiques

Le camp de réfugiés belges de Nunspeet[1]

Par Eddy Bruyère

       La relation des années passées par les réfugiés belges aux Pays-Bas pendant la Première Guerre est restée relativement limitée et les photos comme les souvenirs ont été peu exploités jusqu'à il y a peu. Ce qui est étonnant, lorsqu'on connaît le nombre impressionnant de personnes qui ont été accueillies aux Pays-Bas, pour un temps ou pour la durée de la guerre. Un des rares écrits visétois, en dehors des courriers de l'époque, reste ce poème wallon d'Albert Jaminet, titré  A nos frés Holandais[2]. En relation avec nos recherches, nous avons eu récemment la chance de pouvoir feuilleter un album de photos, intéressant reportage sur la vie dans le camp de réfugiés belges de Nunspeet[3]. Rappelons que des Visétois ont été accueillis dans ce camp après être passés par Eijsden et par d'autres centres d'accueil. Nous savons que les familles Bourdoux, Demarteau, Dantinne, notamment, y ont séjourné. Ces archives méritent d'être diffusées pour rappeler la vie de nos compatriotes pendant la première guerre mondiale. Rappelons aussi que, pour différentes raisons, des réfugiés sont restés jusqu'au printemps et même jusqu'à l'été 1919 aux Pays-Bas.

       En août 1914, les bonnes sœurs de Fouron-le-Comte, des ursulines, ont quitté le village pour fuir la guerre et se réfugier aux Pays-Bas tout proches. Elles ont finalement été accueillies dans le camp de Nunspeet. Agencé à la hâte pour accueillir une partie des centaines de milliers de réfugiés belges arrivés aux Pays-Bas, ce camp fut progressivement amélioré pour répondre à des normes d'hygiène et de confort plus correctes. Parallèlement, des classes, des ateliers et des moyens de divertissement ont pu être organisés et occuper enfants et adultes. De leur côté, les sœurs se sont dévouées à soigner les réfugiés belges et à enseigner leurs enfants. L'une d'entre elles, mère Joseph, a rassemblé et conservé les photos de ces années tragiques.

       Ces vues constituent un témoignage intéressant sur l'organisation et sur quelques événements festifs vécus par les réfugiés. Ces souvenirs illustrent la vie dans le camp à partir de 1916, après que les occupants ont vu leur situation s'améliorer notablement. Car les conditions de vie furent souvent mauvaises les premiers temps, des conditions parfois lamentables ayant été vécues dans des camps surchargés suite à l'arrivée inopinée d'un million de réfugiés aux Pays-Bas. Le camp a fonctionné jusqu'au printemps 1919, le temps d'organiser administrativement les rapatriements après le départ des derniers Allemands de Belgique.

       Le camp de Nunspeet a profité de progrès dans les infrastructures et d'extensions[4]  au cours des années, lorsque les autorités se sont rendu compte que le « provisoire » risquait de durer des années. Des photos portent d'ailleurs au dos les mentions de « premier » et de « troisième » village.

       Mère Joseph, née Louisa Horsrnans[5], a privilégié les photos en lien avec sa vocation et son métier d'enseignante. Ce qui explique la composition de l'album de souvenir qui les contient. Certaines photos sont signées « Ch. Du Houx - foto atelier kamp Harderwijck ». Le camp d'Harderwijck était proche et regroupait des internés belges qui disposaient de plusieurs ateliers pour occuper ces soldats, dont un atelier de photographie.

       Si l'armistice signé le 11 novembre 1918 a mis fin aux combats, plusieurs mois s'écoulèrent encore avant de pouvoir rapatrier les derniers réfugiés. Il fallut en effet tenir compte de l'évacuation des armées allemandes, qui devaient quitter le pays en quinze jours (avec de nouvelles scènes de violences et de vols, malheureusement). Puis il fallut encore se mettre en ordre administrativement. De nombreuses personnes, trop pressées, ont d'ailleurs été refoulées aux frontières en l'absence de justificatifs délivrés par leur commune d'adoption. Ce qui explique la date assez tardive de la dernière photo.



Le camp de réfugiés belges de Nunspeet.

point  [article]
Les sœurs belges rassemblées dans la « salle à manger» de leur baraquement, soit mère Marie-Josèph, qui a rassemblé les photos dans l'album, mère Antoinette, mère Julienne, mère Agnès (décédée à Nunspeet en 1917), mère Hubertine et mère Philomène.

Une grande procession est organisée dans le camp en fête (juin 1916).

Une des classes de « gardiennes » rassemblée dans le speelbosch. Les enfants étaient nombreux dans le camp.

Photo de la famille Loncke, de Gits (Flandre occidentale), dans ses meubles, à Nunspeet.

Saint-Nicolas est venu en carrosse dans le camp, ce qui est conforme à la tradition, aux Pays-Bas.

Mgr van de Wetering, archevêque d'Utrecht, arrive dans le camp pour donner le sacrement de confirmation aux enfants belges en âge de le recevoir.

A cette occasion, Mgr van de Wetering a fait le tour de camp de Nunspeet et visité les réfugiés.

L'important cortège de la procession annuelle fait le tour du camp.

Inauguration d'une nouvelle église dans le camp de Nunspeet.

Inauguration d'une nouvelle église dans le camp de Nunspeet.

Le père Stanislas et le « catéchisme » : les enfants suivaient l'enseignement religieux comme en Belgique.

Enterrement de mère Agnès dans le petit cimetière du camp. Les trois prêtres sont le père Stanislas, le père André et le vicaire A. Bodson, aumônier du camp et ancien Visétois.( Les archives conservent un courrier expédié par l'abbé Bodson depuis le camp de Nunspeet)

Les institutrices « gardiennes » qui se sont occupées des enfants de 1915 à 1919.

Les travaux d'aiguille ont rassemblé aussi bien les dames que les étudiantes. La laine et le tissu étaient distribués et les travailleuses recevaient une rémunération. Les vêtements, cousus ou tricotés, servaient aux réfugiés et étaient envoyés aux prisonniers et aux internés belges.

Mère Antoinette et sa classe.

Une autre famille belge réfugiée.

Les enseignants entourent le commandant du camp – à remarquer, le très grand nombre de ceux-ci. Sur un document, nous trouvons la mention « classe 29 », qui semble confirmer le nombre élevé de classes.

Le commandant du camp, de Nunspeet, van Seghbroeck.

La classe de Mlle Loncke.

Camp d'Uden*, classe de gardienne. La carte est datée de juin 1919, ce qui confirme que le retour vers la Belgique a été tardif pour certains. Le rapatriement des réfugiés a été organisé administrativement et les papiers devaient être en règle pour regagner la Belgique.* Uden est un camp créé et mis en service en février 1915 pour accueillir des réfugiés belges. Voir : « Le Limbourg néerlandais salvateur », op. cit.

Le souvenir des réfugiés belges est resté vivace aux Pays-Bas. Récemment, deux ouvrages intéressant les Visétois ont été publiés. Le premier, à l'occasion d'une exposition montée dans le parc du château d'Eijsden, les 25 et 26 août 2018 : Border village, dorp aan de grens van de groote oor/og (Mémorial 1918-2018 Eijsden, 30 pages photocopiées, nombreuses illustrations). Et VAN DER STEEN Paul, Scampschot. Een k/ein Neder/ands dorp aan de rand van de Groote Oor/og, Uitgeverij Balans, Amsterdam, 2014, 288 p.      



[1] Tiré du « Papegaie » le journal des Anciens Arquebusiers de Visé n° 137 – janvier 2019.

[2] Poème en wallon publié dans Visé royène l'Basse Mouse, Imprimerie Wagelmans, s.d., p. 22. Bibliothèque AA. Albert Jaminet a été interné avec son père dans le camp d'Oldebroek et il apporte des précisions intéressantes sur leurs activités.

[3] Province de Gueldre

[4] Voir : « Le Limbourg néerlandais salvateur, terre de refuge pour les Visétois », in Les Nouvelles Notices visétoises, n° 133.

[5] Née à Klimmen, dans le Limbourg hollandais, le 27 septembre 1889, elle a été pensionnaire chez les religieuses ursulines de Fouron-le-Comte. Entrée à son tour dans les ordres en 1913, elle a notamment enseigné la physique et la chimie au pensionnat de Fouron-le-Comte. Une de ses sœurs aînées a épousé Joseph Ernon, dont le petit-fils Jean-Marie conserve entre autres ces précieuses photos.



© P.Loodts Medecins de la grande guerre. 2000-2020. Tout droit réservé. ©