Médecins de la Grande Guerre

Le Dr Debaisieux

point  Accueil   -   point  Intro   -   point  Conférences   -   point  Articles

point  Photos   -   point  M'écrire   -   point  Livre d'Or   -   point  Liens   -   point  Mises à jour   -   point  Statistiques


Le Docteur Debaisieux.

point  [article]
Le docteur Georges Debaisieux

Le docteur Georges Debaisieux sur la plage.

Le docteur Govaerts dans le labo à La Panne

Lors d'un diner.

L'équipe du Dr Debaisieux.

A l'hôpital.

A l'Océan.

Au docteur Debaisieux, avec toute l'expression de ma reconnaissance. Jamin Vriwan 1915. To be or not to be . Merckem - 12 - 17 -

Les mutations.

Lettre d'avis.

Lettre de nomination tenant lieu de brevet.

Lettre de nomination tenant lieu de brevet.

Du ministre de la guerre.

Carte d'identité pour ambulancier ayant appartenu au professeur Théophile Debaisieux , père de Georges (recto)

Carte d'identité pour ambulancier ayant appartenu au professeur Théophile Debaisieux , père de Georges (verso)

Un beau timbre poste !

L'hôpital de Vinckem.

Des blessés.

En campagne.

Dans les tentes.

Les lits.

Grand hôtel de l'Océan devenu par la force des choses, l'ambulance de l'Océan.

Les soins par le Dr Debaisieux et son équipe.

Georges Debaisieux est né à Louvain le 10 septembre 1882

 

Carrière médicale avant la guerre

19 juillet 1905 : troisième doctorat avec la plus grande distinction

Octobre 1905 à octobre 1906 : interne dans le service de Théophile Debaisieux (son père) il s’initie à la chirurgie

Novembre 1906 à mai 1907: Vienne

Mai à novembre 1907 : Heidelberg

Avril 1908 à octobre 1909 : Liverpool

Novembre 1909 à mai 1910 : Paris

Mai 1910 à novembre 1910 : Berlin

Octobre 1910 : Nommé chargé de cours à l’Université Catholique de Louvain

Juillet 1912 : Agrégé à l’Université Catholique de Louvain

1914 : Professeur ordinaire à l’Université Catholique de Louvain

 

Travail réalisé par Véronique de Halleux qui remercie chaleureusement sa Bonne-Maman Nicole Oldenhove de Guertechin, née Debaisieux, d’avoir gardé et trié précieusement toutes la correspondance et les archives du Docteur Debaisieux dont voici quelques extraits.

1913 : personne ne se doute encore des terribles années qui vont suivre et qui aboutiront à une haine profonde des Allemands que l’on appellera « les boches ».


Le docteur Georges Debaisieux

Le Docteur Georges Debaisieux assiste à un Congrès à Düsseldorf (Allemagne) et écrit à sa femme

« Je rentre à l’instant après avoir écouté pendant huit heures et, sans sourciller, des « Herr Professor » à lunettes d’or qui ont péroré en allemand sur des sujets les plus disparates. Schockaert, n’y tenant plus, a déclaré qu’il préférait donner des cours que de les suivre et il a repris le train pour Louvain. Je dois dire que j’avais une furieuse envie d’en faire autant et de l’accompagner : en réalité, le congrès ne répond pas tout à fait à notre attente, la plupart de ces messieurs se contentent de faire une conférence devant un tapis vert et un auditoire plutôt somnolant ; on opère relativement peu et comme nous sommes environ 150 dans la salle d’opération, on ne voit pas grand chose. Si je suis resté, c’est qu’on nous annonce pour samedi deux chirurgiens viennois que je connais et que je voudrais revoir. D’autre part, je ne puis m’en aller décemment sans faire une visite à Madame Wikel chez qui j’ai dîné avant-hier. Elle avait chez elle deux dames et une vingtaine de messieurs parmi lesquels deux italiens, un anglais, un français, un hollandais, Depage et moi. C’est te dire qu’on a parlé toutes les langues même le flamand.(…) »

Extraits du journal de campagne et des echanges epistolaires du Docteur Debaisieux.

 

Du 1er Août au 9 octobre 1914, en campagne entre Anvers et Louvain.

1er août (2ème anniversaire de mariage)

Mobilisation générale – ordre de rejoindre vers 0h. Départ brusqué à 4h du matin avec Sterkmans. Le voyage de Louvain à Hémixem n’est pas facile ; il faut changer de train à Malines, à Vieux-Dieu et à Hoboken. A toutes les haltes, les réservistes viennent prendre le train, parlent de leur femme, de leurs enfants, de leurs moyens de subsistance (…). Vers midi, il y a 24 000 hommes qu’il a fallu habiller, armer et examiner. Tout cela s’est fait rapidement et avec un ordre admirable. Vers la soirée, je fus désigné pour exercer les fonctions de médecin de bataillon au 26ème régiment de ligne et on me donna l’ordre de rejoindre immédiatement mon régiment caserné à Anvers.

2 août, Berchem

Je suis seul médecin jusqu’à présent au régiment qui compte 6000 hommes. C’est dire si j’ai de l’ouvrage. J’ai du inspecter tous les logements ce matin et faire la visite des malades.

14 août, Aerschot, à sa femme

Je t’écris sur une cartouchière au milieu des retranchements. Nous sommes au bivouac et nous y resterons probablement plusieurs jours, nous occupons une position superbe et les hommes sont admirables d’entrain et de gaieté. Tu ne peux pas t’imaginer comme nous sommes reçus partout ou nous passons. Nous ne manquons de rien, les habitants nous fournissent abondamment du tabac, de la bière, du café, des œufs, des tartines et refusent absolument toute rémunération. J’ai reçu hier ma nomination de sous-lieutenant, cela me donne droit à 500 frs d’indemnité de mise en campagne que je t’enverrai pour cadeau de fête, dès que l’on me les donnera.

26 août, Haecht

Le combat reprend au lever du soleil. L’ennemi a reçu du renfort pendant la nuit. Le poste de secours et le village sont bombardés. Deux obus pénètrent dans une maison en face de l’église, à moins de 10 mètres de nous. Le Docteur Jacminot est renversé de sa bicyclette par le déplacement d’air. Vers 10 heures du matin, ordre de battre en retraite : Keersbergen – Putte, logés chez le Docteur Reusens.

Circulaire du 31 aôut 1914

Je rappelle que pendant le combat, l’emplacement sanitaire des régiments, des postes de secours et des lieux d’hospitalisation provisoire ne peut être déterminé que par l’autorité médicale et non par les chefs militaires.

De même, les dispensés en temps de paix et les brancardiers ne doivent recevoir d’ordre que des médecins. C’est à ces derniers qu’il appartient de fixer le moment opportun où ces formations doivent être établies et leur emplacement.

Au terme du règlement, le relèvement des blessés ne peut se faire que pendant les accalmies.

Lieutenant Général Commandant Dossain

11 septembre, Wezemaal

Vers 10 heures du matin, on nous reporte en réserve générale en arrière du village de Wezemaal. Le soir, on prend des positions d’avant poste en avant de Wezemaal. Bivouac. Le Docteur Jacminot et moi nous passons la nuit dans la voiture d’ambulance sur des brancards.

29 septembre, entre les forts de Wavre-Ste-Catherine et Wavre-Notre-Dame

Le bombardement continue avec violence nous forçant à changer plusieurs fois l’emplacement de notre poste de secours. Vers midi, la poudrière du fort de Wavre-Ste-Catherine saute.

30 septembre, entre les forts de Wavre-Ste-Catherine et Wavre-Notre-Dame

Même jeu. Successivement, tous les forts et redoutes des environs sont détruits. On ramasse des morceaux de fusées réglées à 15.400 m. Nos canons sont incapables d’atteindre les batteries ennemies dont on connaît d’ailleurs l’emplacement. (Vilvorde et Heist-op-den-Berg). Le tir des obusiers de 42 est remarquablement précis. Ces obus, longs de 1,40 m et pesant plus de 500 kg entrent dans le béton de nos forts comme dans du beurre. Après avoir détruit forts et redoutes, l’ennemi bombarde les batteries d’intervalle et les routes qui donnent accès aux tranchées.

9 et 10 octobre 1914 d’Anvers à Bulscamp

9 octobre

A 0 heure, éclairé par l’incendie des tanks à pétrole. Alors commence une retraite de 24 heures à travers le pays de Waes. Les routes sont encombrées de fuyards : hommes, femmes, enfants, charrettes, bétail, tout un peuple fuyant devant l’envahisseur. Notre colonne avance péniblement à travers cette cohue, à raison de 2 à 3 km à l’heure. Beveren-Waes. Pendant les arrêts forcés résultant de l’encombrement, les hommes épuisés par les émotions et la fatigue se laissent tomber au bord de la route et s’endorment. Moi-même, je m’endors un moment, couché à terre et je me réveille entre les pattes d’un cheval. Arrêt à Vraessene : une heure de repos. Nous repartons vers Moerbeke mais au moment d’atteindre ce village, une batterie ennemie se démasque brusquement sur notre gauche. Elle tire à shrapnell sur la ligne de chemin de fer, parallèle à la route, à 100 mètre à droite. Cette attaque en flanc, arrivant à l’improviste, cause un moment de stupeur. Mon bataillon gagne le Nord de la file indienne en se dissimulant le long des haies, dans les fossés, dans les sapinières. Nous arrivons ainsi à gagner un point nommé Kruisstraet, départ immédiat sur Zelzate où nous arrivons vers 9h du soir. Nous n’avons plus dormi depuis plus de 60 heures et nous avons marchés pendant 25 heures, avec une heure d’arrêt. Avant d’arriver à Zelzate, nous avons longé la frontière hollandaise pendant 3 km. A plusieurs reprises, j’ai parlé aux soldats hollandais des postes frontières notamment pour leur demander des journaux. La fatigue, les émotions, la panique récente, la tentation de la frontière ouverte qui constitue un abri nous ont fait perdre la moitié de notre effectif. Le reste bivouaque sur les trottoirs de Zelzate.

10 octobre, départ pour Eeklo – 11 octobre train d’Eeklo à Furnes et marche jusqu’à Bulscamp.


En campagne.

Du 12 octobre 1914 au 19 janvier 1915, en campagne dans un triangle qui se situe entre Poperinge, Ostende et La Panne.

15 octobre, Nieuport

Départ à 6 heures. Organisons position défensive sur la rive gauche de l’Yser entre Nieuport-Bains et Nieuport-Ville. Poste de secours à l’intersection de la route précédente et de celle de Furnes. (…)

17 octobre, Nieuport

8 heures du matin. Nuit calme. L’ennemi est tout près de nous mais jusqu’à présent, il n’attaque pas. Calme plat. Vers 9h, on entend le canon (probablement nos pièces de 15è). On raconte que l’ennemi a été repoussé cette nuit à Poperinge. Officiellement, l’ennemi occupe Ostende, Leffinghe, Ghistelles, Ichteghem, Zarren et Eessen, Staden, West-Roosebeke, Wevelghem. Les anglais occupent le front Zonnebeke, Gheluwe. Cavalerie amie à Elverdinghe. L’ordre est de résister à outrance : « Ni l’importance des pertes, ni la supériorité numérique de l’adversaire, ni la menace de l’enveloppement, ni l’enveloppement lui-même ne justifieront un mouvement de recul. » Cela nous promet de l’amusement !

19 octobre, Nieuport

Vers 11h, l’ennemi commence à bombarder nos positions. Il répond à nos 7.5 par des obus de 15 après avoir repéré son tir à Shrapnells. La canonnade se poursuit jusqu’au soir, accompagnée de temps en temps par le crépitement de la fusillade. A 16.30, exécution de deux sentinelles qui ont abandonné leur poste. La détonation brève et nette du feu de peloton retentit comme une fausse note dans la symphonie des obus et des shrapnells. Je suis appelé à constater le décès. Les deux cadavres gisent couchés l’un sur l’autre, presque enlacés. L’un des condamnés porte les galons de caporal ; on ne s’est pas donné la peine de le dégrader. Tous deux ont fait face au feu sans bandeau, adossés à une meule. Ils sont tombés, frappés chacun de deux balles à la tête et à la poitrine. Je surveille l’inhumation tandis que les aumôniers récitent des prières liturgiques.

23 octobre, Nieuport

Pendant la nuit, nos troupes (9ème L. et 1er Chasseurs) attaquent Lombartzijde. A 5 heures, on vient nous réveiller pour nous demander d’aller prendre des blessés à la maison maritime, à l’entrée de l’estacade. Magnifique levé de soleil sur les dunes. A nos pieds, la mer avec l’escadre au loin. Nous nous arrêtons un instant pour admirer le spectacle au seuil d’une villa ; la villa s’appelle « Villa Pax » ! Le canon tonne de toutes parts.

30 octobre, entre Jokveld et Allaertshuyzen

1h30 du matin. Soigné quelques blessés. La fusillade a cessé ; l’artillerie continue à bombarder les tranchées. Nous avons la perspective de passer une nuit blanche faute de paille ou de matelas. Vers 5 heures, la fusillade reprend.

De 19 à 22 heures, nous travaillons sans interruption. Des équipes sont envoyées à Jokveld pour évacuer les blessés qui restent là-bas. Nous avons pansé une dizaine de belges, autant de soldats du 16ème chasseurs et au moins 25 tirailleurs tunisiens. Ils nous racontent qu’ils ont emporté Ramskapelle d’assaut avec les belges et les français.

31 octobre, Allaertshuyzen, Jokveld, Wulpen et Ramskapelle

Nous avons pansé des blessés toute la nuit. Depuis 36 heures, mon poste en a évacué 150 dont un tiers de français et tunisiens.

Les mois de novembre et décembre sont caractérisés par des aller-retour sur le front et en repos à la Panne.

2 novembre, La Panne, à son beau-frère Jules Roberti

Nous aussi nous avons eu la vie très dure depuis quelque temps. Pendant 19 jours nous avons tenu l’Yser aux environs de Nieuport, nous avons dû résister à des attaques très violentes et finalement mon régiment a emporté d’assaut le village de Ramscapelle. Cela nous a coûté très cher ! Le 6ème et le 26ème de ligne, reconstitués en un seul régiment représentent actuellement un effectif de 1700 hommes soit 2/3 de pertes. Aussi nous a-t-on envoyé 48 heures à La Panne pour nous refaire.

Novembre 1914, Note relative a l’assainissement du champ de bataille.

Il importe au plus haut point que les divisions procèdent sans aucun retard à l’assainissement du champ de bataille. Chaque division assure ce travail dans son secteur avec le plus grand soin. Le travail sera effectué par la compagnie des travailleurs annexée au bataillon divisionnaire du génie à désigner par le Commandant de la Division. Cette compagnie sera aidée par les corvées de brancardiers sous la direction de médecins auxquels seront attachés des officiers d’administration. Le Commandant des travailleurs du génie effectuent les travaux de terrassement et d’incinération. Les brancardiers explorent le terrain et réunissent les cadavres d’hommes et d’animaux en tas séparés sous la direction des médecins. Les officiers d’administration constatent l’identité des cadavres, recueillent les objets précieux trouvés et dressent les actes de décès. Les travailleurs du génie concourront au transport de cadavres s’il y a lieu. Les cadavres étant réunis, on procédera à leur incinération ; à cet effet, on constituera une sorte de bûcher formé de lits successifs de branchages et de cadavres et ce lit sera arrosé copieusement de goudron et le tout soumis à l’incinération. Si l’état du terrain le permet, on creusera d’abord de grandes fosses au fond desquelles on constituera des lits successifs de branchages et de cadavres. On aura soin d’établir les bûchers en plein champ, à une certaine distance des localités et des cours d’eau. Après incinération complète, les débris résultant de l’opération seront recouverts d’une couche de terre d’un mètre au moins. Les brancardiers seront réquisitionnés sur place, le goudron sera pris par les divisions aux gares de Furnes et d’Avecapelle. Le G.Q.G. 1ère section avertira au moment où ces approvisionnements se trouveront dans les gares. Pendant les travaux dont il s’agit ci-dessous, la gendarmerie des divisions fera circuler des patrouilles à pied et à cheval pour écarter les rôdeurs et les spectateurs et participer à la surveillance des travailleurs. Au besoin, le médecin divisionnaire réquisitionnera la chaux.

Le Commandant du G.Q.G. à Reuch.

4 novembre, Nieuport

A 6 heures du matin, départ pour Nieuport. Nous arrivons devant la ville vers 11 heures. On n’avance pas, vive fusillade devant nous. Notre artillerie ouvre le feu. La 2 D.A. à l’ordre de se porter toute entière en avant ; sur la rive droite de l’Yser vers Lombartzijde et Rattevalle pour permettre au reste de l’armée d’agir vers le pont de Schoorbakke. Le combat se poursuit avec violence jusqu’au soir. Le 7ème cherche à emporter Lombatzijde mais il est repoussé. A 9 heures du soir, mon bataillon retourne occuper la même position que le 15 octobre. Nous allons installer notre poste à la ferme Dobbelaere que nous avons déjà occupée précédemment.

Ordre du 5 novembre 1914

Les médecins Debaisieux, van Huffel et Buelens désigneront un infirmier par compagnie pour assurer le service sanitaire à la ligne de combat. Cet infirmier donnera les premiers soins aux blessés ; il sera porteur d’une musette à pansements, d’un nombre suffisant de cartouches de pansements et d’attelles. Les médecins pourront désigner les dispensés en temps de paix pour porter le sac d’ambulance et remplacer les infirmiers momentanément indisponibles. Les noms des infirmiers me parviendront aussitôt que possible. Tout changement apporté me sera communiqué.

Le médecin du Régiment

8 novembre, La Panne

La Panne-Hôtel Continental (Siège du Q.G. de la Division). Nous menons une vie de rentier. On flâne sur la digue. Toujours des navires de guerre qui croisent au large.

16 décembre, Nieuport

Voilà plus de 60 jours qu’on se bat sur l’Yser : nous avons avancé d’un km.

19 décembre, La Panne

On vaccine le I/6è contre la fièvre typhoïde. Une injection unique de ¾ cc du vaccin de Wright.

21 décembre, La Panne

Dîner au Terlinck avec Henrard. L’après-midi, je vais voir les installations à l’hôpital Depage. Assister à une désarticulation du genou par un chirurgien anglais. Procédé de Stephen Smith ; tient à la fois de la méthode oblique et de celle à deux lambeaux latéraux. Cicatrice verticale postérieure. Intéressant mais la dissection du manchon est laborieuse. Je n’ai pas compris ce qui a déterminé le chirurgien à amputer si haut : il s’agissait d’une blessure au pied, par éclat d’obus, chez un vieillard, il est vrai.

9 janvier 1915

Je passe médecin de bataillon avec Thiry et Spinoit comme adjoints.

10 janvier

On annonce notre départ prochain, probablement demain. Nous allons relever la 5ème division dans le secteur de Dixmude.

14 janvier, St-Jacques-Capelle

Les rôles de garde sont changés : 3 jours de piquet, 3 jours de repos, 3 jours de tranchées. Mon bataillon rentre ce soir du piquet. Le poste de secours installé dans la cave de l’école à St-Jacques-Capelle a sauté aujourd’hui. Un obus 28 est tombé sur la maison. Heureusement personne n’est blessé.

18 janvier, La Panne, lettre à sa femme

Deux mots en hâte pour t’annoncer que j’ai quitté l’armée de campagne et que j’ai été désigné comme assistant à l’ambulance de l’Océan à la Panne. Ma nomination a paru hier aux ordres. Je la dois principalement à une démarche du Docteur Depage qui était avec moi au Congrès de Chirurgie à Dusseldorf et qui devient mon chef. Je suis heureux de ce changement pour plusieurs raisons ; ce sera pour toi un soulagement de me savoir en sûreté et c’est pourquoi je m’empresse de t’annoncer la nouvelle. De mon côté, j’aurai une besogne beaucoup plus intéressante et je serai à même de rendre plus de services qu’auparavant. Cependant, ce n’est pas sans regret que j’ai quitté mon régiment, j’y avais de bons camarades et la vie qu’on y menait n’était pas sans charme. A vrai dire, elle n’était pas particulièrement confortable ; on changeait de domicile plus souvent que de chemise et il m’est arrivé de rester quarante jours sans me déshabiller ! De temps en temps, on était dérangé par la chute intempestive de quelques obus, qui faisaient d’ailleurs plus de bruit que de mal ; on était incommodé par beaucoup d’autres choses mais on n’y pensait plus le lendemain…

Fin du journal de campagne

Du 20 janvier 1915 au 12 août 1917, A l’hopital de l’Ocean à La Panne


A l'Océan.

20 janvier 1915

L’organisation de l’ambulance me paraît très bien comprise. Le bâtiment est de 4 étages. Chaque étage a 38 lits, un chirurgien est affecté à chaque étage.

1er Vandevelde, 2ème White, 3ème Janssen, 4ème moi. Chaque chirurgien a un médecin assistant. Henrard et Perremans, radiographes, Govaerts, laboratoire. Le personnel infirmier se compose d’une quarantaine de nurses sous la direction d’une matrone. De nombreux brancardiers et de boy-scouts. La garde de nuit est organisée de la façon suivante : 1 médecin ou chirurgien (1ère garde) veille toute la nuit. Un autre garde se tient à la disposition du premier mais à la faculté de se coucher. En outre, à chaque étage une nurse et un brancardier ou un boy-scout veillent. Lorsqu’un entrant est amené il est examiné par le médecin de 1ère garde. La matrone indique l’étage où il sera logé, elle répartit les blessés d’une manière uniforme dans les 4 services.

Pendant le jour, le médecin de garde remet le blessé au chirurgien de l’étage. En l’absence de ce dernier et s’il y a urgence, il donne lui-même les soins nécessaires.

La nuit, le médecin (1ère garde) est chargé de soigner tous les entrants. En cas d’urgence, il appelle le médecin de 2ème garde et son assistant, et pratique les interventions nécessaires. Les rôles de garde sont réglés de telle manière qu’il y ait au moins un chirurgien parmi les trois.

24 janvier, à sa femme

Je suis très heureux de ma nouvelle situation, je la dois en grande partie à Jules qui m’avait conseillé de faire une démarche en ce sens. Cette démarche, je ne voulais pas et je ne pouvais pas la faire. Il l’a faite lui-même, à mon insu. J’ai été très bien accueilli ; on m’a fait une situation indépendante qui me permet de travailler comme je l’entends.

5 mars, à sa femme

Le personnel de l’ambulance se compose d’une quinzaine de médecins, tous militaires et relevant du service de santé de l’armée. C’est te dire que j’ai conservé le grade et les appointements que j’avais à l’armée de campagne. Le personnel infirmier comprend une soixantaine de nurses diplômées, anglaises et danoises. Il y a en outre, une dizaine d’infirmières volontaires belges. Ce sont généralement des femmes d’officiers ou d’engagés volontaires ; la plupart de ces dames ne s’occupent pas des questions d’administration. L’une ou l’autre fait exception, notamment Colienne de Spoelbergh qui va elle-même aux tranchées recueillir les blessés. La Reine vient très souvent et toujours à l’improviste. Presque à chacune de ses visites, elle me demande des nouvelles de Papa auquel elle s’intéresse beaucoup. Sauf quand nous sommes de garde, nous ne logeons pas à l’ambulance ; le personnel est réparti dans les villas qui avoisinent l’hôpital. Celle où j’habite est occupée par Mme Lippens de Gand, Mme de Brockdorf d’Anvers et Mme Leclerq de Bruxelles, le Docteur Vandevelde de Gand, un médecin américain et moi. Le soir après le souper on se réunit, soit chez le docteur Depage, soit dans une autre villa, on cause ; on fait de la musique, on joue aux échecs, au bridge ou même au baccarat. C’est un changement de décor complet, on ne parle plus ni de médecine, ni de stratégie et personne ne se douterait qu’on est à une bonne portée de canon de l’ennemi. Tu vois mon existence n’a rien de désagréable ; un travail très intéressant pendant le jour, le soir une vie de villégiature et cependant on donnerait tout au monde pour que cela finisse.

22 septembre, à sa femme

Deux mots en hâte pour te dire de ne pas t’alarmer si jamais tu lisais dans les journaux qu’on a jeté quelques bombes. Il n’y a aucun dégât et cela n’a fait de mal à personne.

25 décembre, à sa femme

Ce soir je rentre d’un dîner chez les officiers de la maison militaire. Demain et après-demain c’est à recommencer. Aussi j’en ai par dessus la tête, je suis d’une humeur de dogue, et malgré toutes les dindes truffées et les pâtés de foie gras, je préférais de loin le réveillon de l’année dernière dans une petite ferme perdue des Flandres…

13 janvier 1916, à sa femme

Outre ma besogne habituelle, j’ai deux autres services à diriger ; mon chef est au lit depuis près de 8 jours, je suis de garde 4 fois par semaine et j’ai le cours d’infirmières qui me demande malgré tout un peu de préparation.

12 février, à sa femme

Mon chef est souffrant pour le moment, il s’est fait une mauvaise blessure au pouce au cours d’une intervention, j’ai dû l’opérer ce matin. J’espère que tout ira bien.

9 mai, à sa femme

Il y a bien huit jours que je ne t’ai plus écrit et je t’assure que j’ai de très gros remords. Ma seule excuse c’est que nous sommes littéralement surmenés depuis une semaine : j’ai opéré presque tous les jours jusque dix heures du soir et quelques fois toute la nuit.

15 décembre, à sa femme

Hier on a descendu un avion boche et on l’a envoyé faire un plongeon dans la mer. Je regrette de ne pas avoir vu le combat ; j’étais occupé à travailler et je n’ai entendu que les applaudissements des spectateurs. C’est bien ma veine.

27 janvier 1917, à sa femme

Tu ne dois pas m’en vouloir si je ne t’écris pas plus souvent, mais je suis littéralement débordé. J’ai trois articles à la fois sur les bras, on me demande d’en achever un avant trois jours. C’est matériellement impossible, d’autant plus que j’ai assez de besogne dans mon service. (…) Il y a toujours de l’orage dans l’air et la situation est plus tendue que jamais ; elle n’a reçu aucune solution jusqu’à présent.

28 février, à sa femme

L’entrevue projetée a eu lieu et a été des plus cordiales, les deux partis sont d’accord sur toute la ligne, ce qui est la manière la plus élégante d’enterrer l’affaire. Nous avons toujours beaucoup de monde ici. Nous vivons dans une atmosphère d’exposition universelle, ce n’est certainement pas l’endroit que j’aurais choisi, en temps de paix pour travailler.

Il y a beaucoup de gens nerveux, aussi on se chamaille pas mal !… Il est temps que cela finisse. J’en ai par dessus la tête.

1er août, à sa femme

Comme le 1er août 1912 et le 1er août 1914, j’ai passé une partie de la journée à faire des malles. Je compte déménager probablement à la campagne, tout près de Vinckem. Provisoirement, je logerai sous la tente et nous serons obligés de travailler là-bas avec des moyens de fortune. Je conserve en même temps la direction de mon service ici, où je laisserai une partie de mon personnel. Je suis allé hier inspecter ma nouvelle résidence et je t’assure que nous serons campés très confortablement.

Du 12 août 1917 àu 17 novembre 1917, A Vinckem avec une petite tournée en France début septembre

14 août, à sa femme

Je suis installé près de Wulveringen depuis 2 jours, je dispose d’une excellente tente qui me sert de bureau et de chambre à coucher et que j’ai aménagée de façon à la rendre tout à fait confortable. Notre petit hôpital est un modèle du genre et nous avons des visiteurs toute la journée… Ma nomination de commandant est arrivée : j’en suis heureux car elle me permettra de venir en aide au mauvais état de tes finances.

20 août, à sa femme

Je suis tout à fait entraîné aux délices du camping ! Je t’assure que c’est un sport charmant… Pour répondre à ta question, je te dirai que je ne suis pas encore retourné à la Panne, depuis que nous sommes installés ici ; d’ailleurs, en ma qualité de plus haut gradé, j’exerce les fonctions de médecin directeur ce qui me force à faire un peu de paperasserie…Tu vois si je suis dans mon élément ! Notre formation est assez importante ; le personnel se compose d’une soixantaine d’infirmières et d’autant de brancardiers. Tout le monde loge sous la tente et notre campement ressemble vaguement au village nègre des expositions universelles. Notre réfectoire est une grande tente dans laquelle on a disposé des tables, des chaises et un buffet. Une autre tente semblable sert de cuisine, d’autres salles de blessés, etc.…

25 août, à sa femme

J’espère être à Paris dans le courant de la semaine prochaine ! Mon chef me demande de partir en tournée sur le front français et anglais afin d’étudier les organisations hospitalières établies notamment à Verdun, Châlons, Reims, La Somme, etc. J’ai accepté avec grand plaisir et partirai lundi ou mardi avec Vandevelde. Nous passerons à Paris à l’aller pour demander les autorisations nécessaires au ministère de la guerre…

6 septembre, à sa femme

La première partie du voyage s’est effectuée dans d’excellentes conditions et nous avons atteint aujourd’hui la 2ème étape. Nous sommes de « revue » depuis le moment où nous nous levons jusqu’à l’instant où nous nous couchons, ce qui signifie à certains jours de 4h30 du matin à 11 heures du soir. Nous avons vu des tas de choses extrêmement intéressantes et nous avons été reçus de façon charmante. L’existence que nous menons me rappelle un peu les premiers mois de guerre.

20 septembre,  à sa femme

Mon voyage s’est très bien passé et bien que nous ayons crevé trois fois, je suis arrivé à destination avant midi. Me voilà de nouveau campé sous ma tente où je me trouve malgré tout très seul et un peu dépaysé.

12 novembre, à sa femme

Nous déménageons. A partir de mercredi prochain, nous serons tous installés dans nos anciennes demeures. Je voudrais beaucoup que tout soit achevé avant la rentrée du grand chef qui va nous arriver un de ces jours sans crier gare ! Il m’a écrit une lettre me demandant d’urgence deux travaux à présenter à la société de chirurgie, moyennant quoi je serai admis avant la nouvelle année. Tu vois comme il est facile de lui fournir cela dans les conditions actuelles, où j’ai à m’occuper de la circulation des autos, de la répartition du personnel, de l’emballage du matériel, etc.


Le docteur Georges Debaisieux sur la plage.

Du 17 novembre 1917 au 25 mars 1918, A La Panne

19 janvier 1918, à sa femme

J’aspire à voir arriver la date de mon prochain congé, je suis très fatigué et je n’ai jamais eu autant de choses différentes à mener de front ; mon assistant est en congé et je fais ses pansements ; Henrard est en congé et m’a laissé la charge du courrier, ajoute à cela 4 heures de cours par semaine aux étudiants, les cours des infirmières, une conférence samedi prochain aux médecins de l’armée, un article en préparation pour la revue de l’ambulance, les réceptions chez le patron et tu comprendras que je suis passablement abruti…

24 mars, à sa femme

Je suis désigné pour prendre provisoirement la direction de l’hôpital de Virval à Calais ; je pars demain matin pour reprendre mon poste.

Du 25 mars 1918 au 19 août 1918, A Virval (France)

18 avril, à sa femme

Tu me demandes des détails sur ma nouvelle installation, elle est rudimentaire et tu ne me reconnaîtrais pas si tu me voyais dans l’exercice de mes fonctions ; j’ai adopté le genre « vieux militaire » et je suis extrêmement sec et cassant avec mon personnel masculin et féminin. Il ne m’a pas fallu plus de 24h de séjour ici pour m’apercevoir que la cravache était la seule méthode possible ; dès le surlendemain de mon arrivée, j’ai mis certaines de ces dames à la porte et je me suis mis à distribuer consciencieusement des « jours d’arrêt » à mes hommes. Bref, je suis à la tête d’un ancien hôpital de 200 lits, qu’on a porté à 400 lits du jour au lendemain, sans augmenter le personnel ni les services accessoires. Le matériel, les salles d’opérations, la buanderie, les cuisines sont insuffisantes. Pour le comble, je constitue le dernier échelon d’une série d’établissements et, depuis trois ans, on a pris l’habitude d’envoyer ici tous les éléments dont on voulait se débarrasser ailleurs. L’ambulance était restée sans chef pendant un certain temps, elle avait très peu de blessés, de sorte que tout ce petit monde vivait en république. Chacun s’était fait son existence à soi, avait des habitudes et des manies et entendait bien les garder jusqu’à la fin de la guerre. Le moral était déplorable… la morale également. A peine installé on m’a enlevé deux médecins sur quatre et on a rempli les 400 lits. Je te laisse juger du résultat ! Heureusement j’avais ramené avec moi le Docteur V.H. et quelques infirmières très dévouées qui ont travaillés comme des nègres. Pendant ce temps, je suis perdu dans la gestion, la correspondance et l’administration. J’écris plus de lettres que je n’en avais faites depuis le commencement de la guerre et j’ai donné en un seul jour plus de mille signatures. Ma chambre à coucher est un poème ; elle est faite de planches mal jointes, le vent et la pluie entrent par les quatre murs, le plancher et le plafond… mais j’ai l’électricité, l’eau chaude et froide et une baignoire à mon usage personnel. J’ai la conviction que cela marchera très bien, pourvu qu’on me laisse quelques semaines pour mettre de l’ordre dans la boutique ! Je pourrais continuer mes histoires pendant 16 pages mais je ne me suis pas couché la nuit dernière et je meurs de sommeil…

19 mai, à sa femme

Je ne sais pas ce que je vais devenir mais je suis terriblement décidé à ne pas rester ici, c’est un endroit odieux et j’en ai par dessus la tête. Je vais encore patienter et si aucune solution n’intervient d’ici là, je demanderai mon envoi au front.

10 juin, à sa femme

Je viens de recevoir un télégramme de l’Inspecteur Général me convoquant à Paris vendredi prochain pour une session d’examens.

18 juin, à sa femme

Me voici de nouveau dans mon charmant domaine…

Pas de nouvelles de Mortain. Au cas où nos projets ne pourraient pas se réaliser, que dirais-tu si j’allais au Congo ? On m’offre une mission très intéressante et j’ai demandé à réfléchir… On m’offre d’aller là-bas étudier sur place l’organisation des services médicaux pour l’après-guerre ; il faudrait également envisager les besoins de l’enseignement universitaire à cet égard.

14 juillet, à sa femme

… Le gâchis dans lequel nous nous débattons devient de plus en plus incohérent ; tous les jours on nous annonce de nouveaux plans, il n’y a que des choses urgentes dont personne ne s’occupe. On démolit tout ce qui existe et on construit du château en Espagne. En ce qui me concerne, il paraît que je n’irai pas à Mortain. On a l’intention de m’envoyer à Vinckem le 1er septembre. D’ici là, on me changera encore une vingtaine de fois de destination.

Du 19 août 1918 au 12 novembre 1918 de retour sur la côte belge.

19 août, à sa femme

Me voilà débarqué dans ma nouvelle résidence. Mon installation est des plus sommaires; les 18 colis que j’entraîne après moi on été entassés pêle-mêle dans une chambre, avec un lit de camp qu’on vient de monter. Ma valise me sert de bureau. Je suis épouvanté de tout ce qui reste à faire ici ; en travaillant très fort, j’estime qu’il faudra six semaines avant que nous ne puissions normalement fonctionner. Lorsque tous les aménagements seront terminés, ce sera vraiment très bien…

Août, à sa femme

Je fais tous les métiers en ce moment : je suis architecte, entrepreneur, dessinateur de jardins, etc.… Je surveille les maçons, je me dispute avec les charpentiers et des électriciens ! C’est la guerre. Heureusement les nouvelles sont très bonnes et nous pourrons peut-être rentrer chez nous l’année prochaine.

2 septembre, à sa femme

Ce soir, je rentre d’un dîner de gala donné en l’honneur d’un prince impérial japonais et de 5 compatriotes à lui ! J’en avais un comme voisin de table et j’ai été obligé de parler boche pendant tout le repas, c’était la seule langue européenne dans laquelle il parvenait à s’exprimer.

11 septembre, au Médecin Principal

Monsieur le Médecin Principal,

Comme suite à votre visite de ce jour, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’il existe, en ce moment 250 lits à Vinckem et 50 lits à la Panne. Les réserves de matériel des magasins de la Croix-Rouge et les locaux disponibles dans les deux hôpitaux précités permettent de porter leur capacité globale à deux mille lits environ (soit 1000 lits à la Panne et 1000 lits à Vinckem). Toutefois le personnel médical et infirmier devraient être renforcé en proportion de l’accroissement des services.

Le Médecin de Régiment de 2ème classe,

Dr Debaisieux

19 septembre 1918, Secret et urgent

Au médecin directeur de l’Ambulance Océan Vinckem

En exécution de l’ordre n°19369, G.Q.G., IVe Section, j’ai l’honneur de vous prier de procéder dès demain, 20 courant à l’évacuation de tous les blessés et malades transportables. Les hôpitaux du front et ceux de la base ne pourront plus hospitaliser jusqu’à nouvel ordre que les blessés et malades réellement intransportables.

L’Inspecteur Général, attaché à la Maison militaire du Roi.

25 septembre, à sa femme

J’ai fêté le 7ème anniversaire de nos fiançailles en passant 36 heures d’affilée dans ma salle d’opération ; depuis lors, je dors en moyenne quatre ou cinq heures sur 24. Nous sommes surchargés de besogne et pour comble de malheur j’ai été obligé de siéger pendant 5 jours à un jury d’examen où nous avions 60 récipiendaires à interroger.

10 octobre 1918, Le Havre

Monsieur, La 2ème session du Jury Central pour la collation des grades académiques aura lieu dans la seconde quinzaine de décembre.

Les récipiendaires sont invités à prendre leur inscription définitive avant le 10 novembre prochain. Ils sont autorisés à acquitter les frais d’inscription moyennant un versement de 10 francs au moment de leur inscription. Le surplus pouvant être versé lorsque les diplômes ou certificats seront soumis à l’entérinement après le retour de la paix.

M. RALET Georges, attaché au Ministère des Sciences et des Arts, 85, Boulevard de Strasbourg, au Havre, est délégué pour recevoir les inscriptions.

Les récipiendaires lui adresseront, sous pli recommandé, un mandat-poste de 10 francs, dont il leur sera donné quittance.

Des jurys spéciaux seront également constitués pour la collation des grades d’ordre scientifique. Ils siégeront immédiatement après la session du Jury Central.

Toutefois, il ne sera constitué de jury d’examen que pour les épreuves auxquelles s’inscriront un nombre suffisant de récipiendaires.

Le Ministre des Sciences et des Arts, P. POULLET

8 et 11 octobre, à sa femme

Rien ne peut te donner une idée de la vie que nous avons mené ici, ni la somme de travail qui a été fournie. Nous sommes tous fourbus et je crains que nous ne soyons pas au bout de nos efforts. Les résultats obtenus sont splendides, malheureusement, nous ne voyons ici que l’envers de la médaille… J’ai l’impression qu’avant peu de jours nous devrons faire nos malles et aller nous installer plus près de Bruxelles.  

17 octobre, à sa femme

Les Boches décampent ! Il doit y avoir 4 ans jour pour jour que la bataille sur l’Yser a commencé. A cette époque, on nous demandait de tenir Nieuport pendant 24 heures ; on l’a tenu jusqu’à présent et c’est aujourd’hui seulement qu’on les a obligés à lâcher prise. Nos troupes seront à Ostende ce soir ; Bruges ne tardera pas à tomber, Courtrai est débordé et Lille a été occupé ce matin par les anglais. D’ici peu de jours j’espère que nous nous porterons en avant car nous sommes beaucoup trop loin.

29 octobre, à sa femme

Je suis à Bruges depuis cette nuit et c’est une véritable joie de retrouver cette atmosphère de ville belge après avoir vécu pendant 4 ans au milieu d’étrangers et de réfugiés. Nous sommes installés dans un hôpital boche…Nous attendons la chute de Gand très prochainement…

12 novembre, à sa femme

Je croyais que la signature de l’armistice aurait provoqué ici une explosion de joie. Il n’en a rien été et dans tous les milieux la nouvelle a été reçue avec un calme extraordinaire…. On a l’impression que les soldats ont trop souffert pour avoir encore la force de se réjouir ; je t’assure que les malheureux en ont vu des grises depuis quelques semaines. J’ai vu défiler aujourd’hui dans les rues de la ville un de nos meilleur régiment d’infanterie, réduit au quart de son effectif ; le drapeau sur lequel était brodé plusieurs noms célèbres, portait un large ruban de crêpe noir et pour la première fois, les civils ont compris qu’ils devaient se découvrir sur son passage.

Fin de la Guerre, il faudra encore attendre quelques mois avant que le Docteur Debaisieux ne puisse rentrer à Louvain.



© P.Loodts Medecins de la grande guerre. 2000-2020. Tout droit réservé. ©