Médecins de la Grande Guerre

Les infirmières japonaises au chevet des soldats hospitalisés à Paris et à Netley.

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Les infirmières japonaises au chevet des soldats hospitalisés à Paris et à Netley.

point  [article]
Linda Richards : pionnière du nursing aux Etats-Unis et…au Japon

Miss Yao Yamamoto, chef infirmière de la Mission de la Croix-Rouge Japonaise à l'hôpital militaire de Netley. (source : The british Journal of Nursing, february 6, 1915)

Photo provenant de l’album de Francis Isabel Blencowe

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital bénévole 4 bis. Salle de malades. (parisienne de photographie)

Une mission de la Croix-Rouge Japonaise à Paris. Une ambulance japonaise est arrivée en France : son personnel, médecin et infirmières comprend trente et une personnes. (photo du Miroir)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise au moment du départ pour la France. Devant la porte d’entrée du siège de la Société à Tokio

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. Vue générale. (parisienne de photographie)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. La préparation des pansements. (parisienne de photographie)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. Salle de malades. (parisienne de photographie)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. Salle de radiographies. (parisienne de photographie)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. Grande salle de blessés. (parisienne de photographie)

Infirmières japonaises à l’hôtel Astoria. (parisienne de photographie)

Les médecins et les infirmières-chefs de la Mission japonaise à Paris. (parisienne de photographie)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. Grande salle de blessés. (parisienne de photographie)

Mission de la Croix-Rouge Japonaise. Hôpital Bénévole n°4 bis. Dans la pharmacie. (parisienne de photographie)

Les infirmières japonaises au chevet des soldats hospitalisés à Paris et à Netley (Angleterre)

       Linda Richards était une femme exceptionnelle qui n'eût pas une enfance très heureuse !  Née le 27 juillet 1841 dans l'Etat de New-York, son père mourut  de tuberculose quand elle atteignit l'âge de quatre ans. Madame Richards acheta alors une petite ferme dans le Vermont mais fut elle aussi atteinte de tuberculose. La courageuse petite Linda soigna sa maman jusqu'au décès de celle-ci  en 1854 !

       Son expérience de soignante auprès de sa maman éveilla une  vocation d'infirmière mais à cette époque il n'y avait pas d'étude d'infirmières aux Etats-Unis. C'est ainsi qu'en 1856, à l'âge de 15 ans, elle rentra à la St Johnsbury Academy pour devenir après un an de formation institutrice.  Pendant plusieurs années, elle exerça cette belle profession qui cependant  ne la satisfaisait qu'à moitié. En 1860, Linda se fiança avec George Poole juste avant qu'il ne s'en aille combattre les sudistes durant la guerre de sécession. Il en revint hélas très sévèrement blessé et c'est sa fiancée Linda qui le soigna jusque son décès survenu en 1869. Linda libre, elle résolut de suivre ses rêves en se consacrant aux autres comme infirmière. Elle accepta d'abord un job à l'hôpital de Boston et sans aucune formation fit ses premières armes ! Ensuite, en  1872, elle fut la première élève à s'inscrire  au tout premier cours  de nursing créé par le Dr Susan Dimock au New England Hospital  de Boston. La classe inaugurale ne  comptait que  cinq élèves. Le régime était très dur : lever à 5h30 et coucher à 21h00 dans de petites chambres contigües aux salles des malades. Chaque élève avait en charge une salle de six patients jour et nuit sans discontinuité ! Pas de soirée de libres, pas  d'études ou de récréations mais seulement une après-midi de libre toutes les deux semaines et un unique  congé tous les trois mois ! Après cette rude formation, Linda fut engagée comme responsable de nuit au Bellevue hôpital de New-York. C'est dans ce travail qu'elle se fit remarquer en créant un modèle de dossier pour chaque patient si bien agencé qu'il fut adopté partout aux Etats-Unis et en Angleterre !  En 1874, Linda retourna à Boston et fut nommée responsable de l'école de nursing de cette ville. L'école était menacée de fermeture pour mauvaise gestion au moment où Linda fût engagée mais elle parvint à redresser la situation. Pour que son enseignement puisse rivaliser avec la formation mise en place en Angleterre par Florence Nightingale, Linda traversa l'océan pour suivre à Londres en 1877 sept mois intensif de formation en soins infirmiers. Avec la bénédiction de Florence Nightingale, elle retourna ensuite aux Etats-Unis afin de diffuser le programme d'un  enseignement infirmier de qualité. En 1885, Linda accepta d'aider les autorités japonaises à établir leur premier programme de formation pour infirmières. Sur place, elle supervisa pendant cinq ans, l'école d'infirmière du Doshita hôpital à Kyoto. Retournée aux Etats-Unis en 1890, Linda travailla encore 20 ans comme infirmière tout en militant pour la création d'institutions pouvant  héberger les malades mentaux. La courageuse infirmière arrêta de travailler en 1911 à l'âge de septante ans et décéda en 1930.

       Ce fut donc grâce à Linda Richards que le Japon se dota d'un corps infirmier extrêmement compétent puisque la durée des études y était très longue : trois ans ! 

       Les infirmières eurent fort à faire dans  la guerre sino-japonaise (1894- 1895) durant laquelle elles soignèrent un grand nombre de blessés à la fois dans les hôpitaux et dans les navires. Cinq ans après, elles se distinguèrent à nouveau dans les incidents du nord de la chine (Giwadan Jiken)  et en 1904-1905 la guerre Russo-japonaise les contraignit à se surpasser à nouveau. Un témoin du travail des infirmières japonaises fut  l'infirmière britannique Sethel McCall qui fut envoyée en Mandchourie pour y observer le travail de ses consœurs japonaises !

Les Missions de la Croix-Rouge Japonaise dans l’Europe en Guerre.

       En 1909, le gouvernement britannique examina les moyens d'organiser en temps de guerre un service infirmier composé de volontaires et pour ce faire il se basa sur l'expérience du corps des infirmiers japonais.  L'admiration de l'occident envers les Japonais pour leur organisation des soins infirmiers déboucha sur une invitation de ces derniers à participer à la conférence internationale des infirmières de juillet 1909 qui se tint à Londres et à celle de 1912  qui se déroula à Cologne. Parmi les invités se trouvait la matrone Yamamoto Yao qui  dirigera plus tard l'ambulance japonaise envoyée en Angleterre. Le congrès de Cologne fut suivi par une visite de travail en Angleterre afin de visiter les lieux qui gardaient le souvenir de Florence Nightingale : l'école d'infirmière de l'hôpital St Thomas, la maison de florence et enfin, sa sépulture à East Welow (Hampshire).


Miss Yao Yamamoto, chef infirmière de la Mission de la Croix-Rouge Japonaise à l'hôpital militaire de Netley. (source : The british Journal of Nursing, february 6, 1915)

       La guerre éclata le 4 août 1914. 19 jours plus tard, le Japon déclara la guerre contre les puissances centrales et un peu après, le cabinet japonais Okuma prit l'initiative d'envoyer trois équipes soignantes japonaises en Europe pour soutenir pendant six mois les Français, Britanniques et Russes.

Je ne possède hélas aucun renseignement sur l'aventure de la Mission de la Croix-Rouge Japonaise en Russie. Pour ce qui concerne la Mission Japonaise en France, nous n'avons trouvé aucun récit malgré le fait que,  celle-ci, établie dans l'hôtel Astoria à Paris, parvint, au contraire de la Mission Japonaise en Angleterre, à prolonger son séjour à deux reprises. Elle quittera en effet Paris le 16 septembre 1916  alors que la Mission Japonaise en Angleterre s’était terminée le 22 janvier 1916. De cette épopée parisienne, aucun écrit ne semble subsister et seules quelques photos nous rappellent la présence japonaise à Paris. Par contre, la Mission Japonaise en Angleterre  fit l'objet de nombreux articles dans la presse britannique  de l'époque, ce qui nous permet de mieux nous imaginer ce que fut  le quotidien des 22 infirmières et des deux médecins japonais qui travaillèrent en Angleterre si loin de leur pays !

       L'équipe destinée à l'Angleterre comprenait 22 infirmières, deux médecins, un administratif et un interprète. Deux infirmières étaient remarquables : l'infirmière chef Yamamoto Yao et son aide  Kiyooka Singe qui avait même été blessée dans la guerre russo-japonaise.

       Avant de partir, les infirmières furent briefées sur l'Angleterre et on attira même leur attention sur le fait qu'elles ne devaient pas fréquenter les « suffragettes anglaises » qui troublaient l'ordre public par leurs revendications féministes et actions de protestation !

       Le 19 décembre 14,  17 infirmières, les deux médecins, et un administrateur s'embarquaient pour l'Europe sur le navire Shunyomaru. Ils emportaient avec eux un stock de médicaments et de bandages. Seize jours plus tard ils faisaient escale à San Francisco, prirent le train et visitèrent les chutes du Niagara avant de rejoindre, le 11 janvier 1915, New-York. L'importante délégation japonaise visita la Columbia Nursing School en causant  beaucoup d'émoi parmi les New-Yorkais qui ne pouvaient imaginer les Japonaises qu'en Geisha habillées du kimono. Le 13 décembre, les Japonais s'embarquèrent sur le Megantic pour traverser l'atlantique tous feux éteints  et, le 22 janvier 1915,  débarquèrent à Liverpool. « Au secours des blessés alliés » fut le titre à la une du The Liverpool Post and Mercury's. Le chirurgien-Général Sir Benjamin Franklin fut dépêché par la Croix-Rouge anglaise pour accueillir les Japonais au port. De Liverpool, ils rejoignirent Londres en train et à Euston station, le train fit halte et on leur présenta une centaine de dignitaires anglais et japonais. Les infirmières japonaises voulaient commencer leur travail le plus vite possible mais le gouvernement britannique et la Croix-Rouge avaient préparés un programme d'accueil officiel d'une semaine très chargé. Les Japonais furent logés dans le luxueux hôtel Russel. Dans leur semaine de festivités, ils eurent la surprise d'assister  à une représentation théâtrale d'un de leurs chefs-d’œuvre Kimigayo mis habilement en scène par les Anglais. Ils prirent de plus part à un immense banquet, furent reçus dans de nombreuses « tee parties »  et  bénéficièrent d'une audience de la Reine Mère Alexandra,  présidente d'honneur de la Croix-Rouge britannique. Enfin, après une semaine de festivités, les infirmières et médecins japonais  prirent le train pour Netley où se trouvait l'hôpital militaire dans lequel ils allaient se dévouer. Ils y retrouvèrent là les cinq infirmières qui avaient pris le chemin des Indes pour rejoindre l'Angleterre !

       L'équipe soignante japonaise se retrouvait maintenant au complet (22 infirmières dont deux infirmières mariées, deux médecins, un interprète et un administratif) dans ce qui était le plus grand hôpital militaire d'Europe munie d'une façade impressionnante d'un quart de mile  donnant sur la mer et qui le faisait ressembler à un immense palace. L'impressionnant  bâtiment possédait sa propre gare, un département psychiatrique et un magnifique mess officier "The Splendid Italianate British Officers Club". Malgré son immense capacité, on avait installé des bâtiments préfabriqués qui pouvaient héberger chacun 20 patients. C'est dans ceux-ci qu'allaient œuvrer principalement les médecins et infirmières japonaises. Deux baraquements furent confiés aux médecins japonais et à un certain nombre de leurs infirmières. Les infirmières japonaises excédentaires furent réparties dans les baraquements voisins pour renforcer les infirmières anglaises. Plus tard, devant les très bons résultats remportés par les Japonais et aussi à cause de l'afflux massif de blessés provenant de la bataille des Dardanelles, on confia aux Japonais quatre baraquements avec chacun 40 blessés puis finalement, à la fin 1915, sept baraquements ! Pour aider les infirmières japonaises, on leur offrit des glossaires médicaux anglais-japonais et …des bottines d'hiver pour affronter l'hiver anglais. Les Japonais supportèrent le climat anglais puisqu’une seule  infirmière tomba malade durant une durée significative. Les rapports entre anglais et Japonais furent extrêmement conviviaux. Partout, on nota l'extrême compétence des infirmières japonaises qui possédaient un savoir faire impressionnant du fait de leur longue formation reçue durant trois ans !  Contrairement aux infirmières anglaises, les japonaises étaient très habiles à soulager les blessés par les massages. Une fois leur réputation de masseuse connue dans l'hôpital, elles devinrent vite très sollicitées !

Par contre, les Japonaises furent très étonnées qu'il rentrait dans leurs obligations de devoir accompagner les soldats les plus valides au théâtre ou au concert !

Finalement en l'espace de quelques semaines, les infirmières japonaises acquirent une solide réputation de compétence et de gentillesse qui leur vaudra de nombreux signes de reconnaissance de la part  des autorités et des blessés. Parmi ces signes, se trouve certainement l'aide que les Britanniques leur accordèrent pour fêter le couronnement de l'empereur Taisho dans l'automne 1915 en faisant décorer par des drapeaux japonais les murs et tables d'un vaste hall de l'hôpital !

Bien entendu les autorités britanniques demandèrent le prolongement de la mission japonaise qui ne devait durer que six mois ! Malheureusement cette prolongation ne put être acceptée par la Croix-Rouge Japonaise vraisemblablement pour des raisons budgétaires.  

La fin de mission des Japonais fut célébrée de différentes façons. Le 15 décembre 1915, les deux docteurs et les deux infirmières chefs furent reçues à Buckingham Palace par George V et la Reine Mary qui décorèrent leurs hôtes. Le 17 décembre, ce fut toute la mission japonaise qui fut reçue à Londres. A leur arrivée à Waterloo station, des ambulances "Red Cross Motor Cars" les conduisirent à la demeure de Lady Wolverton qui organisait une réception. A midi ils furent convoyés chez le  « Lord Mayor of London » pour le lunch et de là se rendirent finalement à Marlborough House pour y rencontrer la Reine Mère Alexandra. La Mission japonaise  quitta l'hôpital de Netley  définitivement  le premier janvier 1916. Le personnel anglais se mit en grand nombre le long de la route afin de former une haie pour un adieu très  émouvant durant lequel une multitude de petits  drapeaux furent agités.  La mission passa encore trois semaines à Londres pour récupérer de ses fatigues et pour visiter encore quelques grands hôpitaux. Finalement, la mission japonaise embarqua sur le "Fushimi-maru" le 22 janvier 1916 et arriva à Tokyo le 23 mars 1916.

L’histoire de la Mission de la Croix-Rouge Japonaise à Londres illustre merveilleusement la mondialisation de la notion des soins infirmiers tels que définis par Florence Nightingale ! D’Angleterre en Amérique, d’Amérique au Japon et du Japon en Angleterre : un véritable tour du monde qui commença par la guerre de Crimée et qui se termina par la première guerre mondiale !       

Dr Loodts Patrick

 

Bibliographie :

-Hiroko Tomida and  Gordon Daniels, "Japanese women emerging from subservience", Global Oriental-2005

-The British Journal of Nursing, February 6, pages 105 et 106, 1915

-America's First Trained nurse, Diggory Press, ISBN 1846850681, 2006

Pour voir l’album de Francis Isabel Blencowe 

Pour voir l’album de Parisienne de photographie 

 



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