Médecins de la Grande Guerre
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L’odyssée du « Scaldis ».[1] Il était, une fois, un petit bateau, léger comme une libellule, rapide comme une mouette et si beau en sa blancheur immaculée ! On l’avait baptisé d’un nom bien spécial, Scaldis : tout naturellement il naviguait sur l’Escaut… Nous voulons aujourd'hui, pour l’esbaudisse ment de nos lecteurs, narrer la désopilante aventure qu’il a à son actif, ayant joué un bien bon tour à Monsieur l’amiral boche d’Anvers. Reportons-nous au dimanche 9 septembre 1917. Vers 10 heures du matin, quelques jeunes gens se réunissaient au bateau de passage vers Sainte-Anne. C’étaient, à n’en pas douter, des étudiants, accompagnés par deux professeurs, allant faire une excursion champêtre. Cette joyeuse bande traversa l’Escaut, sans que les sentinelles se souciassent d’elle le moins du monde. Sous un soleil impitoyable, les excursionnistes[2] longèrent, à travers les dunes, les rives du fleuve. Vers midi sonna l’heure du repos. Mais pourquoi se cacher dans les roseaux ? Pourquoi parler bas ? Tous ont le regard rivé du même côté. Leurs prunelles anxieuses interrogent l’horizon, comme s’ils attendent quelque chose. C’est qu’ils vont entreprendre la grande étape, celle qui leur apportera la liberté ou la prison. Aussi sont-ils d’une fiévreuse impatience. En face le village d’Austruweel avec son clocher élancé et ses maisonnettes blanches se mire dans le fleuve. À droite belle échappée sur Anvers, l’Escaut roulant au premier plan ses flots calmes, en murmurant dans les roseaux une chanson berceuse. Mais l’heure s’avançait et nos
étudiants commençaient à s’énerver. Pour une heure était attendu le frêle
esquif qui devait les transporter au-delà de la frontière, afin de donner à Enfin, vers 2 heures, une expression de joie illumina leurs visages lorsqu’ils virent, du Roggersluis, d’où devait partir le Scaldis, apparaître et rapidement grandir une tache blanche fuyant au ras de l’eau. Le bruit du moteur gaiement scandait la quiétude en laquelle la nature était comme endormie, et le Scaldis s’avançait, gracieux comme un cygne. Au signal des professeurs, le petit monde se faufila à travers les roseaux, attendant à un endroit convenu l’accostage du yacht. Tous étaient radieux et les cœurs bondissaient d’allégresse ! À peine le bateau fut-il arrêté
que tous étaient à bord. Et maintenant, à pleine vitesse, en route vers Tout marchait à la perfection. Les nombreuses sentinelles postées le long des rives ou préposées à la garde des forts ne pouvaient se douter du splendide coup de filet qui s’offrait à leur perspicacité. Près de Doel, le bateau défila imperturbablement à une centaine de mètres du corps de garde boche. Sur une jetée, trois officiers et des soldats surveillaient le fleuve. À la vue du Scaldis, qui arborait le drapeau amiral allemand, les officiers rectifièrent la position, saluèrent du sabre, et les soldats se mirent au port d’armes. Le pavillon boche s’abaissa pour saluer le « bateau amiral ». À fond de cale, on se tordait. Le plus difficile était maintenant passé. Et on se rapprochait à grands coups de piston de la frontière. Mais voilà que soudain le moteur se met à ralentir…Plus de benzines, et au lointain évolue un bateau patrouilleur armé de mitrailleuses ! Une terrible angoisse étreint tout d’abord les passagers, laquelle fait cependant rapidement place à une complète indifférence. N’avaient-ils pas, en effet, tout risqué pour secouer le joug de la tyrannie ? Avant le départ ils avaient soupesé les risques de l’opération : ce pouvait être la mort. Mais, dès l’antiquité, il a
toujours été doux de mourir pour Le moteur continuait, entre temps, à ronfler par à coups, le bateau patrouilleur s’avançait droit vers le yacht. Les passagers sur le pont sur le pont affectaient d’être calmes : un d’eux lisait le journal. Tout à coup le patrouilleur, changeant de direction, passe à une vingtaine de mètres, les officiers faisant avec obséquiosité des saluts essentiellement boches ! Ils avaient, un peu tard peut-être, remarqué le drapeau amiral flottant à la poupe, et comme le gouverneur général, S. Exc. von Falkenhausen, était ce jour-là à Anvers, ils avaient sans doute supposé que l’envie lui était venue de faire une promenade sur l’Escaut. Et la vedette de surveillance du fleuve continua bravement son chemin. On respira enfin ! Mais voilà que le moteur s’arrête tout à fait. Que faire ? La patrouille ne va-t-elle pas revenir pour porter secours ? Peut-être cependant n’osera-t-elle pas approcher, car un gouverneur général n’est pas toujours commode…Une idée ! Si on mettait de l’eau dans le réservoir, cela ferait surnager la benzine, qui alors arriverait encore au moteur !Ainsi dit, ainsi fait. Et le bon petit bateau put poursuivre sans nouvel accroc sa marche vers le Devoir, le moteur semblant marteler un air de victoire. La frontière : il n’est personne pour arrêter le bateau-amiral et on passe. Sauvés !! Aussitôt en pays neutre, vivement chez le consul de Belgique pour signer l’engagement. Et tous de se réjouir de la bonne farce jouée à ce bon von Falkenhausen, qui, le lendemain attendrait vainement le bateau qui devait le reconduire à Bruxelles ! Il l’attend encore, ainsi que le drapeau amiral, lequel a été confié au consul de Belgique à Flessingue, où le bateau est, depuis lors, resté interné.[4] [1] Par E. Violon dans le bulletin officiel du
Touring Club de Belgique de juin 1919. [2] Messieurs Emile Lauwers, s/L Dr ; Emile
Violon, brigadier, décoré de [3] Capitaine, M. Jef Vandingen ; Capitaines
au long cours, MM. Cattoor et Verschueren. [4] Des réjouissances sont préparées pour la
rentrée du Scaldis à Anvers. La date n’en peut malheureusement pas être fixée.
Le retour du bateau, toujours amarré à Flessinghe, a, en effet, provoqué un
incident entre Le
gouvernement belge ayant réclamé la mise à la disposition de En
conséquence Dans
ces conditions, il a été donné pour instructions à notre ministre à |