Médecins de la Grande Guerre

Gueules Noires et Gueules Cassées solidaires dans le malheur en 1934.

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Gueules Noires et Gueules Cassées solidaires dans le malheur en 1934.

point  [article]
Les chanteurs de la mine allèrent en corps fleurir la tombe du Soldat Inconnu.

Le benjamin des chanteurs de la mine offrit, au président Lebrun, une lampe de mineur.

Les chanteurs de la mine exécutant un chœur au Palais des Sports.

Les chanteurs de la mine arrivent à la gare du Nord.

La fin de leur réception à l’hôtel de Ville de Paris.

L’exécution d’une cantate par la masse chorale des mineurs.

La tragédie de la mine à Paturâge. Soirée : Edition spéciale

Un groupe, de sauveteurs qui sont descendus pour secourir les victimes de la deuxième catastrophe.

La foule anxieuse et épouvantée attend les nouvelles devant la porte du charbonnage.

Une équipe de sauveteurs et quelques rescapés.

Les sauveteurs.

L’ingénieur Carroy, le chef des héroïques sauveteurs.

La douleur des femmes qui depuis des heures et des heures attendent dans les larmes.

Par deux fois le Roi vint sur les lieux de la catastrophe, partager les souffrances de son peuple.

Toujours au rendez-vous de l’abnégation et du dévouement les religieuses sont là.

L’instant tragique ou les sauveteurs remontèrent le premier cadavre.

On transporte le corps du jeune ingénieur Sottiaux.

Une famille se recueille devant le cercueil d’un des 57 mineurs et sauveteurs tués lors des coups de grisou.

Les « Gueules cassées » de France apportent leur suprême hommage à ceux qui deux jours avant de mourir venaient à Paris chanter pour eux.

Monsieur le Ministre Van Isacker et Monsieur le Bourgmestre de Pâturage ont prononcé l’éloge funèbre des victimes.

Au milieu des députés et des sénateurs on voit la robe blanche du Père Rutten, sénateur, qui avant d’entreprendre sa croisade pour les mineurs descendit lui-même dans la mine et vécut leur vie.

Les infirmières devant la maison mortuaire.

Et c’est toujours la même gravité tragique ou le soleil lui-même semble poser une lumière triste.

Ils sont là, tous en grand deuil, les compagnons de travail et de misères.

Le cortège funèbre arrive à l’église.

Et toujours les camarades fidèles jusqu’à la mort formaient une garde d’honneur et de dévouement sur le chemin de leur dernière demeure.

Dignes et fermes les compagnons passent dans les rues populaires emportant leurs morts et c’est comme un cortège d’épopée qui s’avance.

Dans le petit cimetière calme et paisible le prêtre donne la dernière bénédiction à ceux qui par leurs souffrances ont mérité le repos éternel.

Sœur Alina, du pensionnat Saint-Michel, de Pâturage qui se dévoua jours et nuits au Fief de Lambrechies.

Remy Roland un des sauveteurs du Fief de Lambrechies. Il était remonté du fond une demi-heure avant le premier coup de grisou et dix minutes avant le second. Il s’était déjà distingué en 1929 lors d’une catastrophe survenue dans le même charbonnage. Remy Roland est issu d’une ancienne famille boraine, dont le nom se retrouve déjà, il y a deux siècles, dans les archives des vieux charbonnages.

Léon Cornez, sauveteur, que l’on croyait tué dans le second coup de grisou et qui remonta seul, et le dernier, vers 1 heure après-midi.

Léon Blondel dont le corps flambait comme une torche quand les premiers secours arrivèrent.

Monsieur Van Molle, ingénieur du corps des Mines, victime de son dévouement.

Armille Michel, chef porion, est resté au fond de la mine, après avoir travaillé sans trêve ni repos au sauvetage de ses camarades.

Gueules Noires et Gueules Cassées  solidaires dans le malheur  en 1934

Cette histoire incroyable et dramatique fut  trop vite oubliée. Quelques éléments épars me permettent d’en reconstituer la trame. Le dimanche  13 mai 1934, quatre chorales de mineurs dont le Royal Cercle choral de Frameries  participent à Paris au Palais des Sports à un hommage aux gueules  cassées. Les bénéfices du spectacle donné à cette occasion sont par ailleurs destinés à les aider. Un grand Namurois dirige la chorale de Frameries à Paris. Il s’agit de René Barbier[1]. Ironie  de l’histoire, ce jour de joie pour nos mineurs à Paris va  être dramatiquement gâché deux jours après  par une affreuse explosion minière en Belgique au pays borain, plus exactement au Fief de Lambrechies à Pâturages.


L’ingénieur Carroy, le chef des héroïques sauveteurs.

 Dans ce site minier,  vers 19h50, le 15 mai, un coup de grisou se produit quelques minutes à peine avant la remontée des mineurs.  Monsieur Roland, Mr Baluwart ingénieur et deux chefs-porions descendent au fond. Tout de suite à l’étage 821, l’ampleur de la catastrophe apparaît : les chariots sont cabrés, renversés, troués, un brouillard gris flotte. Le corps d’un homme est en feu et les secouristes arrivent à éteindre les flammes mais la victime Léon Blondel d’Eugies avait cessé de vivre. Partout règne un silence de mort, l’équipe est persuadée qu’il ne peut y avoir de survivants et par manque d’oxygène doit s’empresser de remonter en surface. Après avoir fait rapport au directeur, les secouristes redescendent  une deuxième fois. Elie Cornez et cinq ouvriers se joignent à eux. Un blessé est retrouvé vivant mais hélas, succombera le lendemain de ses blessures.  Le lendemain, commence la remontée des cadavres. Une partie de l’équipe de sauveteurs restera plus de trente heures au fond jusqu’au 17 mai à 9h30 du matin. Monsieur Sottiaux, ingénieur du corps de mine, oblige ces hommes épuisés à remonter. Mais, à peine ceux-ci  à l’air libre, un deuxième coup de grisou survient et  le tue ainsi que de nombreux  sauveteurs dont  le directeur des travaux Allard et   l’inspecteur ouvrier Delorgne. On continue cependant le sauvetage jusqu’à midi, heure à laquelle il est décidé d’abandonner la mine, car de nouvelles explosions sont encore à craindre. Au moment où l’on envisage de combler les puits avec des terres, le signal de remonte fonctionne une dernière fois et le nommé Léon Cornez  sort de la cage sans une égratignure. Ce rescapé ultime,  resté de nombreuses heures inconscient, n’avait pas été aperçu par les secouristes car il se trouvait  dans une galerie isolée. Se réveillant, il  avait pu à tâtons rejoindre le puits et faire fonctionner le signal de remonte.


On transporte le corps du jeune ingénieur Sottiaux.

Au total le double coup de grisou coûtait la vie à 57 hommes : 42 ouvriers et 15 sauveteurs. 31 corps ne purent être ramenés dont ceux de 10 sauveteurs.

Le Roi  Léopold se rendit le premier jour de la catastrophe sur le site. Le pays tout entier se trouva bientôt sous l’emprise de cette catastrophe.  Le jour de l’enterrement des victimes, l’on vit une délégation des Gueules Cassées de Paris apporter un hommage suprême aux Gueules Noires qui étaient venus chanter[2] pour eux deux jours auparavant et dont certains avaient péri dans la catastrophe. Il en était ainsi pour  les deux frères Cousin qui  avaient changé de pause pour ne pas perdre de journée de travail suite à leur voyage à Paris ! Louis cousin, un des deux frères, 47 ans, deux enfants, avait été traversé de part en part par le marteau dont il se servait !

Une édition spéciale de « Soirées », magazine hebdomadaire rendit compte des funérailles :

« Ceux qui hier soir, devant les portes fermées de la mine déserté, attendaient encore atterrés quelques nouvelles impossibles des 32 morts laissés au fond du puits sinistre, ont abandonné leur attente désespérée. Tout le borinage, endimanché comme le peuple s’endimanche pour les fêtes et pour les enterrements, accourt par tous les chemins qui mènent à Pâturages. Des étrangers, amenés par des centaines d’autos, de motos, ou de vélos de tout le pays grossissent la foule silencieuse qui coule vers le village dont le nom est sut routes les lèvres depuis quatre jours. Les familles les plus favorisées , si on peut parler de faveur, ont repris leurs morts, Deux cercueils seulement seront portés par les camarades en bleus casqués de cuir, de la chapelle ardent e à l’église. Dans la masse confuse et serrée, qui garait la place et la grand-rue, on distinguait les hauts-de-formes des officiels délégations de la Chambre et du Sénat où tranchent la robe blanche du Père Rutten, le général représentant du Roi, le cardinal de Malines. Parmi les drapeaux qui suivent, celui des étudiants en mines de Louvain apporte l’hommage des jeunes ingénieurs aux héros qui les ont précédés dans la carrière et leur ont donné un sublime exemple. A dix heures les victimes du terrible grisou sortent portés par les mineurs en costumes de travail. Deux cercueils représentent 56 tués. Monsieur le ministre Van Isacker monte à la tribune, il parle de la douloureuse épreuve permise par la Providence, de la grandeur d’âme qui unit les chefs et les ouvriers dans le même héroïsme et dans la même fin tragique. Il apporte les condoléances du gouvernement.  Le bourgmestre de Pâturages parle à son tour de la catastrophe fatale, qui s’est abattue sur la malheureuse population, de la solidarité humaine qui s’est manifestée dans des circonstances dramatiques. Le cortège se forme et descend lentement entre les rangs des assistants pressés sur le parcours. Les familles en deuil ont épuisé toutes leurs larmes dans ces quatre jours et autant de nuits d’une angoisse surhumaine. Une partie seulement trouve place dans la petite église où Mgr Rasneur, évêque de Tournai entonne les belles et consolantes prières, qui rappellent le monde où les âmes de ceux qui gisent ici et de ceux qui sont restés là-bas tels qu’une mort horrible les a surpris dans la veine angleuse, vont connaître la paix et la sérénité.


Les « Gueules cassées » de France apportent leur suprême hommage à ceux qui deux jours avant de mourir venaient à Paris chanter pour eux.

Ce reportage pompeux idéalisait sans aucun doute le travail dans nos mines. Un paragraphe d’un article se trouvant  dans le même magazine  sous la signature de Maurice Hankard  le relativise en quelques mots !

« Nous ne sommes pas assez respectés »… Telle fut la plainte émouvante que, sur le carreau même de Lambrechies, un mineur laissa échapper devant le Roi, comme s’il voulait soulager son cœur et porter sa souffrance devant la nation toute entière.

Dr Loodts P.

 

   

 

 

 

 

 



[1] René, Auguste, Ernest,  Barbier est né à Namur le 12 juillet 1890 et  décède à Ixelles le 24 décembre 1981. Il fut un célèbre musicien et compositeur wallon. Nommé en 1920.


Second grand prix de Rome en 1919 avec la cantate Thyl Ulenspiegel banni, il obtient en 1920 le Premier Grand Prix avec La Légende de Sœur Béatrice.
La même année, il est nommé professeur d’harmonie au Conservatoire de Liège, qu’il quittera en 1949 pour occuper la même poste au Conservatoire de Bruxelles. En 1923 il est lauréat de l’Académie royale de Belgique pour son poème symphonique Les Génies du Sommeil sur un texte de Maurice Henrion.  Tout au long de sa carrière René  Barbier dirigera de grands  ensembles du pays, tant à Namur, qu’à Liège, Bruxelles et Ostende.
Fort apprécié comme chef de chorales, il se voit confier, en 1925, la chorale de la Société des Cristalleries du Val-Saint-Lambert, puis de Wallonia Chorale de Charleroi. Enfin il assume la direction des bardes de la Meuse, puis du Royale Cercle Choral de Frameries qu’il conduisit au triomphe au Palais des Sports à Paris, lors des manifestations d’art choral en mai 1934.



On ne peut oublier l’enthousiasme suscité dans la capitale française lors des prestations des « Milles Gueules Noires » venues chanter pour les « Gueules Cassées ». René Barbier composera plus de  120 opus. La ville de Namur, fière, à juste titre, d’un tel concitoyen, organisa, en novembre 1975, une grande cérémonie d’hommage au Théâtre royal, à l’occasion de ses quatre-vingt cinq ans. L’édilité namuroise  réservera même une rue à son nom. 

 

[2]  Les chorales chantèrent notamment la complainte de Solvay :

 

Et soudain l’air chargé de vapeurs suffocantes

Pèse plus lourdement sur les fronts accablés

Et des souffles de feu glissent leurs flammes lentes

Dans les poumons brûlés

Un fracas de tonnerre

Eclate et fait trembler la terre

Le grisou. Par le choc, brisées,

Les voûtes croulent, entraînant

Sous leurs masses de géant

Les victimes ensevelies.

Ecoutez, les pleurs, les cris

Des pauvres ensevelis.

Hélas…la mort impitoyable,

Poursuivant son œuvre effroyable.

Ne rendra pas ceux qu’elle a pris.

Mais déjà dans les cœurs meurtris

Renaît la divine espérance.

Lève ton front avec fierté.

Mineur, ton sang versé, tes sueurs, ta souffrance

Germeront pour la vie et pour l’humanité

 



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