Médecins de la Grande Guerre

Hommage à Mary Widmer-Curtat, bienfaitrice des enfants belges en Suisse.

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Hommage à Mary Widmer-Curtat, bienfaitrice des enfants belges en Suisse.

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La statue « la Belgique reconnaissante » au Quai de Belgique à Lausanne

Religieuses de St Vincent encadrant les enfants belges de Vaulruz

Miss Fyfe avec des enfants Belges provenant de l’Yser et arrivant à Neuilly-sur-Seine dans son « foyer écossais ». De Neuilly, la plupart des enfants étaient transférés vers la Suisse


Photo de couverture du livre consacré à Mary Widmer Curtat

Photo de couverture, avec les rabats, du livre consacré à Mary Widmer Curtat

La plaque commémorant le décès tragique d'Ernest Gaul dans l'abbaye de Hauterive (photo Jean_Pierre Dattner)

Gros plan de la plaque (photo Jean_Pierre Dattner)

Vue du cloître de l'ancienne abbaye de Hauterive occupée par  l'Ecole Normale (photo Jean Pierre Dattner)

Le méandre de la rivière Sarine dans lequel périt Ernest Gaul (photo Jean Pierre Dattner)

Vue de la rivière Sarine (photo Jean Pierre Dattner)

Vue du cloître de l'ancienne abbaye de Hauterive (photo Jean Pierre Dattner)

Vue générale de l'abbaye occupée par l'Ecole Normale (photo Jean Pierre Dattner)

Hommage à Mary Widmer-Curtat, bienfaitrice des enfants belges en Suisse.



       Peu de Belges connaissent l’histoire de Mary Widmer qui fut la grande bienfaitrice des réfugiés belges en Suisse durant la Grande Guerre. Une statue au bord du lac Léman à Ouchy rappelle toujours aujourd’hui la reconnaissance de la Belgique au « Comité Suisse de secours aux réfugiés belges » dont la présidente, Mary Curtat fut la présidente efficace et dévouée.



La statue « la Belgique reconnaissante » au Quai de Belgique à Lausanne

       Mary est née en 1860 dans une famille de modestes agriculteurs. A l’âge de 21 ans elle rencontra l’amour de sa vie, le jeune docteur Henri-Auguste Widmer, lui aussi issu d’un milieu modeste. Le dévouement du docteur à ses malades n’avait pas de limites. Il instaure des consultations gratuites et son épouse fut mise à contribution pour l’aider. On raconte ainsi que Mary découpa sa robe de mariée en fins carrés qu’elle remettait aux paysans malades pour passer les tisanes prescrites par son mari. Le Dr Widmer s’intéressa à toutes les nouvelles techniques médicales et en 1905, il reprit la direction de la Clinique Valmont à Glion où il put montrer toute la mesure de ses talents en introduisant les nouvelles techniques médicales comme l’électrothérapie, l’hydrothérapie, la gymnastique médicale etc... Sa clinique sous son impulsion se spécialisa dans les affections digestives et acquit rapidement un grand renom qui dépassa bien vite les frontières. Malgré leur origine modeste, le couple Widmer-Curtat sut vite intégrer dans leur clinique les usages du « beau monde » et attirer une clientèle internationale. Parmi celle-ci se trouva notamment la Reine Elisabeth de Belgique qui, souffrant d’un amaigrissement important, effectua du 13 mai 1913 au premier juillet un premier séjour à la clinique. Elle reviendra pour un deuxième séjour du 27 mai 14 au 12 juillet 1914, cette fois accompagnée du Roi Albert. Un mois après leur retour à Laeken, la guerre éclatait. Il est probable que les liens entre le couple Widmer et le couple royal devinrent importants au vu des 9 voyages que fit, durant la guerre, le docteur Widmar pour se rendre à la villa royale de la Panne. Cette confiance mutuelle restera après la guerre car la Reine Elisabeth refit un séjour à Valmont en 1921 et y enverra son fils Charles en 1919 et sa fille Marie-Josée en 1921.

       Mary décrivit plus tard ses impressions sur le couple Royal dans un livre intitulé «  Nos souvenirs de la Famille Royale de Belgique » qui paraîtra en 1937 aux Imprimeries « La concorde ». Est-ce cette amitié qui la convainquit de se dévouer pour les réfugiés Belges durant la Grande Guerre ? Vraisemblablement, on peut imaginer que celle-ci joua un rôle important dans sa décision de créer un « Comité vaudois de secours aux réfugiés belges » puis, d’assurer la coordination de tous les comités d’aide aux Belges installés dans le pays en fondant le « Comité Suisse de secours aux réfugiés Belges ». L’efficacité de Mary ne se fit pas attendre et fin octobre 1914, plus de 3.000 places d’accueil étaient déjà disponibles. Le premier convoi arriva le 27 octobre en gare de Lausanne. A leur arrivée, les réfugiés sont conduits à pied au collège de Montriond où ils séjournent trois jours, le temps d’être examinés, vaccinés, habillés et de se reposer. Ils sont alors répartis à travers toute la Suisse.

       Mary ne ménagea pas son temps pour donner de multiples conférences dans tout son pays afin de trouver des donateurs pour les réfugiés. Son action suscita même des mécènes à l’étranger. Ainsi, la fondation Rockefeller de New-York soutient le financement de 500 enfants réfugiés tandis que les « Amis de la Belgique en Suède » subsidièrent les frais de 75 enfants. Les « enfants Rockfeller » arrivèrent entre le 23 septembre 1916 et le 15 octobre 1917. Ils étaient composés d’enfants flamands mais aussi d’enfants de la région de Liège. Les filles furent installées à la villa Saint Joseph à Fribourg tandis que les garçons l’étaient au château de Vaulruz en Gruyère. Bien d’autres endroits accueillir les enfants, citons notamment le chalet Edelweiss qui faisait partie du sanatorium de Leysin et qui accueillit les enfants malades qui avaient besoin d’un traitement.



Religieuses de St Vincent encadrant les enfants belges de Vaulruz

       Au total, une douzaine de convois amenèrent des enfants seuls. Ils provenaient essentiellement de la zone de l’Yser et avaient été rassemblés par Madame Fyfe, une Ecossaise idéaliste mandatée par la Reine Elisabeth. Ces enfants n’étaient donc pas des orphelins, il fallait simplement les éloigner des bombardements, de la misère… A partir du 22 janvier 1916 se rajouteront des enfants de la zone occupée grâce aux permissions accordées par l’administration allemande sous l’insistance de pasteurs suisses établis en Wallonie.  

Ernest Gaul

       Si l’un de ces enfants Belges devaient être choisi pour représenter tous les autres, Ernest Gaul remporterait certainement les suffrages. Ce jeune homme de 17 ans originaire d’Anvers était étudiant à l’école normale de Hauterive-Posieux. Il se destinait à s’engager dans l’Armée du Roi Albert. Ce jeune homme sensible, quand il avait le cafard, sortait la lettre de sa maman qu’il gardait précieusement dans son portefeuille. Dans cette lettre, sa maman l’adjurait de marcher droit devant Dieu comme devant les hommes. Le 8 juin 1918, avec sa classe, il participa à une séance de natation dans la rivière Sarine. Un de ses amis nommé Frossard perdit pied dans un tourbillon dû à une excavation formée pendant l’hiver et disparut. Ernest, qui savait un peu nager, plongea pour essayer de le secourir mais, hélas, ne réapparut pas à la surface. On retrouva quelques heures après le drame les deux corps à trois mètres de profondeur. Lors des funérailles, un professeur belge, sans doute un instituteur revenu d’un camp de prisonnier en Allemagne, fit son éloge.…. Gaul ne se battra pas pour son pays ! Il meurt à 17 ans. Cette âme toute blanche, cette âme si droite, cette âme si vaillante a vu un devoir à accomplir : pas un instant, elle n’a hésité ! Gaul s’est donné ! La mort fut plus forte : elle fit deux cadavres ! Mon petit Gaul, tu es mort en soldat ! Nous, les soldats belges, nous sommes fiers de toi !

       Au fil des ans, 5.000 réfugiés belges dont plus de 2.000 enfants arriveront en Suisse. A ce nombre, il faut ajouter les 4.000 soldats belges prisonniers en Allemagne et qui, pour des raisons médicales, ont obtenus leur transfert en Suisse grâce à la Croix-Rouge. On les classa sous le vocable d’ « internés ». Plusieurs d’entre eux seront d’ailleurs hospitalisés dans la clinique du Dr Widmar.



Miss Fyfe avec des enfants Belges provenant de l’Yser et arrivant à Neuilly-sur-Seine dans son « foyer écossais ». De Neuilly, la plupart des enfants étaient transférés vers la Suisse

       Les enfants rentrèrent en Belgique dans le premier trimestre 1919. Mme Widmer accompagna celui du 25 mars 1919. Le vendredi 28, elle est reçue avec une dizaine d’autres accompagnants par le bourgmestre Max à l’hôtel de ville puis au Palais Royal, où la Reine décore Mme Widmer de l’Ordre de Léopold tandis que les autres convoyeurs reçoivent un diplôme signé par la reine.



       Mme Widmer était poète et écrivit en 1930, un poème émouvant portant le titre « Anniversaire du 27 octobre 1914 » et qui retraçait les premiers moments du Comité Suisse de secours aux réfugiés belges. En voici quelques strophes :

A ST-Roch, il faut des chaussures,
Des bérets, des vêtements chauds,
Peut-être encore des couvertures
Et pour la table deux réchauds !

Le Dr Machon revaccine,
Et prend grand soin de nos moutards,
Mais rien ne vaut en médecine,
Son sourire et son bon regard.

Voici les dames de couture
Leur zèle n’a jamais chômé ;
Expertes en draps, en doublure,
En vieux vêtements transformés.

Un merci tendre à ces amies
Qui s’en vont dans tout le canton
Visiter avec bonhomie
Et la sagesse d’un Caton

Mais oui, ce travail, cette peine,
Ces grands soucis, ces durs moments,
Sont des anneaux de la chaîne,
Qui nous retient si fortement.

       Le docteur Widmer décéda en 1939. Mary le rejoignit le 29 décembre 1947 dans sa 88ème année.

Dr Loodts P.

 

Source :

1) Il est vivement conseillé au lecteur désireux d’en savoir plus de consulter le livre de Monsieur Jean-Pierre Wauters « Mary Widmet-Curtat et le Comité suisse de secours aux réfugiés belges pendant la Grande Guerre »  paru en 2015 à la Société d’histoire de la Suisse Romande. L’auteur, Monsieur Wauters, est Belge et professeur honoraire de la faculté de médecine de Lausanne. Nous lui devons d’avoir fait ressortir de l’ombre Madame Widmer et ses protégés provenant du plat pays.



Photo de couverture du livre consacré à Mary Widmer Curtat

2)  Site : Mary Widmer-Curtat

 



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