Médecins de la Grande Guerre

Planque Herman, un roctier héroïque de 27 ans, déporté à Prémontré.

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Planque Herman, un roctier héroïque de 27 ans, déporté à Prémontré



Herman Planque le « Roctier »


Herman Planque

       « Ils ne feront pas branler un roctier » telle fut la parole héroïque qu’il répétait sans cesse durant sa captivité.

       Herman a 26 ans lorsque les Allemands le réquisitionnent le 18 octobre 1916 pour le travail forcé avec 188 autres jeunes hommes de la région de Tournai. La nature l’a favorisé et on le surnomme « le colosse » tant il est musclé. Ses qualités physiques le servent dans son métier de roctier. Peu de gens savent en quoi consiste ce boulot qui nécessite beaucoup de force. Donnons-en quelques explications. Les fours à chaux font partie du paysage d’Allain[1], le village natal d’Herman, près de Tournai au bord de l’Escaut. La pierre à chaux est cuite dans des fours à l’architecture imposante et typique faisant penser à des ouvrages militaires. Quand la combustion produit la chaux vive, il s’agit alors de la transporter dans des brouettes munies d’un tonneau métallique jusqu’au lieu de stockage. De simples brouettes en bois ne conviennent pas car la chaux brûlante y mettrait le feu. Les hommes robustes chargés de ce travail lourd étaient appelés « roctiers ». Les risques d’accident étaient nombreux mais les hommes qui en étaient chargés étaient fiers de leur métier. On peut imaginer qu’Herman Planque, avec son physique d’athlète, n’eut aucune difficulté à se faire engager pour exercer ce métier dans son propre village.

       Herman Planque le roctier, réquisitionné par l’occupant, fut donc déporté en France, dans l’Aisne, à proximité du front et tout près du village de Prémontré. Cette région fut totalement dévastée par la guerre et souffrit énormément (voir mon article : Anne Morgan. Les 1.300 malades psychiatriques du grand asile installé dans l’ancienne abbaye de Prémontré depuis de nombreuses années n’échappèrent pas à la catastrophe. Pendant les premiers mois de la guerre, la situation des patients fut des plus difficiles : famine et typhoïde régnèrent en maîtres et provoquèrent 539 décès durant l’année 1915 ! Après deux ans et demi de guerre, les malades survivants furent alors évacués en Belgique et ce furent l’asile belge de Merxplas et de Dave qui accueillirent ces malheureux accompagnés par les religieuses françaises qui les soignaient à Prémontré[2].

       A noter que la catastrophe aurait été encore plus importante sans le dévouement de quelques uns. Pendant les deux années et demie qui précédèrent l'évacuation de l'asile, les malades et le personnel ne durent leur salut qu’au receveur économe Mr Letombe aidé par son fils car le directeur et les médecins avaient fui l’établissement. Mr Letombe devait prendre sa pension lorsque la guerre éclata. Il fut un véritable héros en restant à son poste comme le firent d’ailleurs aussi, il faut le souligner, les religieuses infirmières. Toute l’histoire tragique des malades de Prémontré a fait l’objet d’une très belle bande dessinée rédigée et dessinée par Pendanx et Piatzszek.



Couverture de la bande dessinée retraçant l’histoire des internés de Prémontré durant la Grande Guerre.


La commune de Prémontré garde donc les souvenirs des Belges déportés qui y arrivèrent et des Français de son asile qui partirent en Belgique !

       Mais fermons cette parenthèse sur l’asile de Prémontré et revenons à Herman Planque. Avec ses compatriotes, il est chargé de construire bunkers et tranchées. Herman cependant refuse de bouger le petit doigt pour l’ennemi et de signer le contrat de travail qui lui est présenté. Il est alors jeté dans un cachot et subit de nombreux sévices. Un exemple : pour avoir demandé à un de ses frères de malheur un peu de tabac pour le mâcher, il fut attaché le torse nu à un arbre et battu à coup de cravache jusqu'au moment où il s'évanouit. Les Allemands espèrent le voir changer d’attitude en l’affamant mais Herman s’était forgé un mot d’ordre qu’il répétait sans arrêt et qu’il respectait à la lettre : « Ils ne feront pas branler un roctier ». Après plusieurs mois de ce régime inhumain, le 27 avril 1917, Herman fut ramené à Tournai dans un wagon à bestiaux. Voilà comment M. Leonard Colmant racontait ce retour dans un article du « Courrier de l’Escaut du 3 mai 1920 ». « Une voiture d’ambulance transporta Herman Planque à la prison cellulaire où il ne fut guère mieux traité qu’à Prémontré, car dans la nuit du 27 au 28, tombé de son lit et incapable de se relever, il dut rester dans cette position jusqu’au lendemain. Le lendemain 28, Herman Planque rentrait chez lui après six mois de bagne. Lorsqu’elle le revit, sa mère s’enfuit épouvantée. Celui qu’on disait être son enfant et qui était en octobre un vrai colosse, n’était plus qu’une affreuse et repoussante loque humaine, une sorte de spectre, fidèle image de toutes les souffrances accumulées infligées par les boches. A mon arrivée, Herman était assis dans un fauteuil, les yeux regardant dans le vide, la voix caverneuse. Nu, il était d’une maigreur à ce point effrayante que les os eux-mêmes semblaient avoir diminué de volume ! »

       Herman Planque mourut le 29 avril, après une seule journée passée dans son foyer ! Herman avait cependant gagné ! Il n’avait pas cédé un seul instant à l’ennemi et pouvait maintenant partir en homme libre et victorieux. Chacun conviendra qu’Herman fut un véritable héros !



(Photo : Verviers. lameuse.be)



Une Place porte son nom

       Durant les fêtes de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, Tournai a rendu  un vibrant hommage aux jeunes Tournaisiens qui furent déportés et perdirent la vie suite à leur déportation en 1916 et 1917. Au total, ils furent 55 dont le courageux  Herman Planque. Leurs noms ont été lus par des élèves du cours de diction du Conservatoire de Tournai. Puissent-ils ne jamais être oubliés !

Dr Loodts P.

 

 

 



[1] Les premiers fours à chaux tournaisiens se trouvent là, le long des anciens chemins de halage, voie piétonne et cycliste idéale pour découvrir un patrimoine industriel qui s'étend sur cinq kilomètres, du hameau d'Allain jusqu'au village de Péronne. Au début du siècle, on en trouvait plus d’une centaine qui réduisait en poudre les bancs de roche calcaire nombreux dans la région.



Vue des fours à chaux d’Allain


Antoing : les fours à chaux

Les antiques fours à chaux ont pour la plupart étés rasés, notamment par les travaux de l’autoroute de Wallonie. Une vingtaine ont cependant résisté au temps et essaient de trouver une nouvelle vocation. La Madelon par exemple, un des derniers fours à chaux, situé rive droite sur le hameau d'Allain, est le théâtre, deux fois par mois, de concerts rock. Un autre abrite un musée de la pierre mais beaucoup reste à faire pour les sauver. Les huit fours à chaux du rivage Saint-André (67 mètres de long, 13,5 de haut) ont été rachetés en décembre 1997 par une SPRL composée d'un groupe de copains – trois architectes et un commerçant – et ce plus vaste ensemble du genre dans la région cherche une seconde vie.



Pour des renseignements supplémentaires :
Foyer culturel d'Antoing: 23 rue du Burg, 76040 Antoing. 069-44.68.00. Office de tourisme d'Antoing: 18, place Bara, 76040 Antoing. 069-44.17.29. Four Madelon : 70, rue de la Lys, 7500 Tournai. 069-22.09.05. Fours du rivage Saint-André : association Fa Ma Wi Wi, 18, rue Saint-Bruno, 7500 Tournai. 069-22.15.06.

[2] Au sujet de l’asile de Prémontré voir : L'asile des Prémontré et Un asile martyr.

 



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