Médecins de la Grande Guerre

Comment furent logés les prisonniers du camp de Zossen

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Le camp de Zossen.

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Vue générale du camp arabe à Zossen

Un trio de Goumiers dans le camp arabe à Zossen près de Berlin

Un prisonnier de taille dans le camp à Zossen

Un sergent de turcos commande ses compatriotes au camp des prisonniers, à Zossen.

Source: C.Baron, Cinq mois se captivité en Allemagne, Imprimerie Financière et Commerciale, Bruxelles, 1915.

Zossen, centre militaire situé à 30 km de Berlin, possède une plaine sablonneuse d'environ 50 hectares où l'on a gardé des prisonniers de guerre depuis août jusqu'à mi-novembre 1914. Au commencement de septembre, il s'y trouvait 7 à 8.000 prisonniers, partagés en deux grandes agglomérations appelées "Saint Quentin" et "Maubeuge". Dans la suite, le nombre a, pour ainsi dire doublé et une agglomération nouvelle s'est formée sous le nom de "Noyon". Le camp d'été était entouré d'une solide clôture en fils de fer barbelés, le long de laquelle circulaient constamment des sentinelles allemandes. Elles obéissaient à un officier installé dans une tente à l'intérieur du camp, aidé dans son administration par un "Feld Webel" et par sept ou huit sous-officiers.

Les prisonniers étaient groupés par compagnies d'environ 300 hommes, dont le commandement était exercé par des adjudants belges, russes, anglais ou français. Ceux-ci avaient en sous-ordre des chefs de section commandant 30 à 40 hommes. Les adjudants allaient au rapport à la Kommandantur deux fois par jour, à 9 et à 3 heures; ils communiquaient ensuite leurs ordres aux prisonniers par l'entremise des chefs de sections. En arrivant au camp, chaque prisonnier recevait une solide gamelle et un essuie-mains en grosse toile. Ils se mettaient ensuite en quête d'un logement et on lui donnait encore une botte de paille pour se coucher. Au commencement de septembre, il n'y avait pour abriter les prisonniers que deux tentes. Pendant que l'on en construisait d'autres, les prisonniers français parmi lesquels se trouvaient un certain nombre d' Africains, imaginèrent de creuser des "gourbis", habitations demi souterraines, dans le genre de celles en usage dans les pays chauds, qu'ils arrangèrent d'une façon tellement commode que, dans la suite, ces " logements" furent pour ainsi dire généralisés. A la mi-novembre, quand les prisonniers allèrent habiter dans les baraquements voisins, nouvellement aménagés à leur intention pour la saison d'hiver, sur les 15.000 prisonniers constituant la population du camp, plus de 10.000 logeaient dans des "gourbis", les autres occupaient une quinzaine de tentes. Chaque tente formait un quadrilatère de 20 mètres de long sur 10 mètres de large, permettant d'abriter environ 300 hommes couchés côte à côte sur quatre lignes. Deux files de prisonniers occupaient la partie centrale, étendus têtes contre têtes. Deux allées d'un mètre environ les séparaient des deux autres files de prisonniers étendus, la tête contre le partie latérale de la tente. Le gourbi est un trou carré d'environ quatre mètres de côté, creusé à une profondeur de 2m50, dont le toit formé de planches, d'arbres ou de branchages, recouvert de paille ou de gazon, repose ordinairement sur de petits murs en terre élevés tout autour. On y accède par un plan incliné aménagé sur l'un des côtés. Pour creuser leur gourbi, les prisonniers employaient des bêches lorsqu'ils pouvaient en obtenir, leurs cuillers et leurs gamelles. Lorsque la couche supérieure souvent argileuse était enlevée, le travail devenait facile, le sol étant essentiellement sablonneux. Les plaques enlevées de la couche supérieure étaient conservées et elles servaient à recouvrir le toit, une fois le gourbi achevé. Ce toit, souvent plat, parfois pointu ou à deux versants, était quelquefois surmonté d'une girouette indiquant la direction du vent. Avec quelques briques on aménageait, dans un trou, un foyer dont la cheminée, creusée dans la terre, sortait sur le côté à l'extérieur. Les soldats russes, pour creuser leurs gourbis, se contentaient d'ouvrir un passage, puis ils creusaient la terre, sans toucher à sa croûte supérieure, laquelle constituait dans la suite un toit naturel, qu'ils protégeaient en fixant, tout autour  une clôture extérieure. Les gourbis des Russes sont de véritables silos, des cavernes souterraines .Chaque gourbi était baptisé d'un nom spécial, "Villa Adrienne", "Villa Beauséjour", "Villa Gisèle", "Villa des 4-Z-arts" et portait souvent un numéro. Il était habité généralement par trois prisonniers. Un seul gourbi de dimensions plus vastes abritait une quarantaine de prisonniers belges, des civils, de Slins près de Visé, qui s'étaient entendus pour le construire et préféraient la vie commune. Ces quarante Belges se faisaient remarquer par leur entrain.

Les prisonniers décoraient leurs gourbis de façon parfois pittoresque, utilisant à ce effet tous les objets qu'ils  trouvaient, morceaux de carton, de toile ou de papier. A côté du numéro, certains avaient affiché au début des pancartes dans ce genre: " A louer pour le 1° décembre", "Villa à remettre "le jour de Noël", faisant ainsi  allusion à l'époque présumée de leur délivrance. Aux montants dépassant le toit, étaient généralement attachées des cordes sur lesquelles les prisonniers  mettaient  sécher leur linge ou leurs vêtements.

Chacune des agglomérations de Maubeuge, de Saint-Quentin et de Noyon comportait un certain nombre de tentes et de gourbis alignés par ruelles, rues, boulevards, avec des places particulières. Ca et là on rencontrait une distribution d'eau, formée par un puits artésien creusé d'une façon rudimentaire dans le sol sablonneux. Le long des clôtures du camp, protégées en ces endroits d'une façon supplémentaire par des planches qui interceptaient la vue, une vingtaine de longs fossés tenant lieu de cabinets avaient été creusés, pour les besoins des prisonniers; ils étaient bordés de "perchoirs", fortes lattes en bois soutenues par des supports, sur lesquels on pouvait s'accroupir.

Il y avait place sur chaque perchoir pour une cinquantaine d'hommes. Pendant qu'ils étaient occupés, des conversations s'engageaient et l'on abordait des sujets en tous genres. Il en est résulté que les prisonniers ont modifié l'expression "aller au perchoir" utilisée au début par celle-ci:  "aller au rapport".



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