Médecins de la Grande Guerre
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Histoire du Sanatorium
Elisabeth de Chanay
Cet article a été réalisé par les élèves et les professeurs des classes de technologie du centre M. G. E. N "Soins-Etudes" du village de Chanay (F-01420 France). Qu'ils soient vivement remerciés ! Grâce à leur travail, les Belges qui bénéficièrent de l'hospitalité de leur commune entre les années 1916 et 1921 peuvent aujourd'hui retrouver leur place dans notre mémoire collective. Le témoignage émouvant que nous livrent photos et texte est aussi pour nous l'occasion de découvrir un village entièrement tourné vers le service aux autres et qui perpétue depuis près de cent ans un merveilleux idéal humaniste. Merci mille fois aux "anciens" de Chanay pour avoir si bien accueilli nos malades, merci à leurs descendants pour avoir préservé le souvenir des "petits Belges" dans leurs archives... et dans leurs coeurs ! Enfin, nous adressons toute notre reconnaissance à Monsieur Albert Hottlet, petit-fils du Docteur Alfred Hottlet, passionné par l'histoire de son village et à qui nous devons de pouvoir admirer l'album photo de son grand-père! Dr Loodts P. 1. Les débuts du Sanatorium Elisabeth En Belgique, le premier dispensaire antituberculeux de type Calmette est créé à Liège en 1911, l'objectif de la politique sanitaire étant de "dépister d'abord les sujets atteints de tuberculose pulmonaire, osseuse ou autres et de les envoyer à leurs médecins traitants, ensuite d'obtenir, des malades et de leur entourage, l'application des règles d'hygiène pouvant réduire au minimum les sources de contagion et de les aider dans cette tâche part tous les moyens possibles." ![]() Au sanatorium, activités calmes en plein air. En Belgique comme en France, les pouvoirs publics se lancent dans la construction de "Sanas populaires" et le gouvernement belge décide de construire un sanatorium à Chanay dans l'Ain, village dont la qualité de l'air est réputée. En 1916, le gouvernement belge achète le Château à la famille de Bonneval et en fait un "établissement de santé" pour adolescents et adultes tuberculeux, hommes et femmes, de 1916 à 1921. L'acte de vente qui sera établi entre le Vicomte de Bonneval, mari de la Comtesse Elisabeth de Quinsonas, et l'Etat belge porte la date du 27 décembre 1919. Des travaux seront entrepris pour améliorer l'accueil hôtelier. La disposition intérieure des pièces sera revue et un chauffage central placé. Des dortoirs et des chambres seront aménagés dans les étages, des douches et des sanitaires seront placés au sous-sol, la cuisine du sous-sol sera modernisée et une buanderie sera installée au rez-de-chaussée de l'accueil. Enfin la ferme du Château sera adaptée aux besoins du Sanatorium. Et puis, comme il s'agit d'accueillir et de traiter des malades dans un établissement médical, 1. On aménage une pharmacie et un laboratoire d'analyses
médicales 2) Le fonctionnement du Sanatorium Elisabeth Le Médecin-directeur Le Sanatorium Elisabeth est dirigé par le Docteur Alfred Joseph Ghislain Hottlet né le 23 janvier 1861 à Bioul (Province de Namur) en Belgique. C'est un ancien médecin militaire: les renseignements sur la carrière du Docteur Hottlet sont extraits du Détail des Services de sa fiche matriculaire qu'a bien voulu nous fournir le Musée Royal de l' Armée et d' Histoire Militaire du Ministère de la Défense Nationale sur la demande expresse de l'Ambassade de Belgique à Paris. Le 9 juin 1881, il est incorporé comme milicien dans le 14ème régiment de ligne de la province de Namur. Le 1er octobre 1881, il devient élève-médecin de 2ème classe à l'hôpital de Louvain et contracte un engagement de 8 ans, 1 mois, 9 jours le 23 août 1882. Il accomplit ses études de médecine. Le 2 juillet 1886, il devient élève-médecin de 1ère classe "aspirant" et contracte un nouvel engagement de 8 ans le 17 septembre 1886. A partir du 27 septembre 1886, il est nommé attaché à l'hôpital de Namur. Le 1er avril 1887, il passe au 3ème régiment de chasseurs à pied. Le 5 décembre 1888, il est nommé médecin auxiliaire. Le 22 mars 1889, il est attaché à l'hôpital de Diest. Le 1er octobre 1889, il est nommé médecin-suppléant de 1ère classe et passe au bataillon d'administration. Le 12 décembre 1889, il est nommé attaché à l'hôpital d' Anvers puis nommé médecin adjoint le 7 octobre 1890. Le 17 novembre1891, il est détaché au 5ème régiment d'artillerie "à l'effet d'y remplir les fonctions de médecin de bataillon". Nommé médecin de bataillon de 2ème classe le 26 juin 1893, il sera successivement attaché au 5ème régiment d'artillerie le 29 juin 1893, puis au 3ème régiment de chasseur à pied le 7 février 1895. Démissionné de l'armée belge sur sa demande le 11 janvier 1896, il deviendra médecin dans le civil jusqu'au début de la guerre de14, où il sera " désigné pour faire du service en qualité de médecin de bataillon de 2ème classe de réserve pour la durée de la guerre et être adjoint au directeur de l'hôpital de Bruxelles". Cette commission du grade de médecin de bataillon de 2ème classe de réserve, qui lui a été attribuée au début des hostilité le le 6 août 1914, lui sera retirée le 30 septembre de la même année. A partir de cette date, il sera affecté à la mise en oeuvre et à la direction médicale du sanatorium Elisabeth de Chanay Le Gestionnaire Le médecin directeur est assisté d'un gestionnaire, Eugène Portal, Fonctionnaire du Ministère belge de l'Intérieur. Il reprendra son poste à Bruxelles après son départ du Sanatorium. ![]() Salle à manger du personnel supérieur avec notamment à table le docteur Hottlet et le gestionnaire Les Religieuses infirmières En plus du médecin directeur, le personnel médical comprend une équipe de religieuses infirmières (environ une dizaine, sans doute des religieuses Dominicaines) et d'aides-soignantes. Elles étaient logées au premier étage actuel (aussi appelé Couvent à cette époque), le rez-de-chaussée de ce bâtiment étant occupé par la buanderie. Elles sont dirigées par Soeur Marie Poulain qui dirige aussi les aides-soignantes. On sait qu'elle était assistée par Soeur Marie-Jodeph Provost, Soeur Marguerite Dietrich, Soeur Marie-louise Desgranges et Soeur Pétronelle Witters (qui décédera des atteintes de la tuberculose le 18 octobre 1919 à Chanay pendant son service). Les religieuses infirmières, outre leur service aux malades, s'occupaient également des repas. La cuisine était située dans une des salles voûtées du rez-de-jardin du Château (où elle restera jusqu'en 1982). Un historien du village de Chanay estime que les carrelages de cette cuisine, dont une partie recouvre encore le sol de l'ancien magasin, ont été posés vers 1850. Une autre des salles attenantes à la cuisine était occupée par la salle de bains équipée de douches et de baignoires. Au sanatorium, la vie est répartie entre les activités calmes (jeux, lecture, petites promenades) et les soins (cures de plein air sur les galeries, médicaments). ![]() Palier du grand escalier où se déroulent des activités de jeux d'intérieur Le traitement Les soins sont organisés selon la règle de la Cure Hygiéno-diététique en usage au début du 20ème siècle: 1) La cure d'aération: la cure de ventilation organise la vie du sanatorium. Prescrite aux malades, elle était assurée en plein air plusieurs heures par jour, dans le silence, sous des couvertures et cela sur les galeries de cure construites sur les deux étages de la façade Est du château. ![]() Les galeries de cure du château où les cures d'aération se déroulent plusieurs heures par jour. 2) La suralimentation est utilisée pour lutter contre l'anémie entraînée par l'infection tuberculeuse. 3)Les médicaments Quand c'était nécessaire, les malades étaient placés au lazaret: ce lazaret, construit dans le grand pré situé entre le Château et le bâtiment Mont-Blanc actuel, accueillait les malades ayant une tuberculose très grave à l'arrivée ou qui rechutaient en cours de séjour. Sur la galerie de cure abritée du lazaret, les malades restaient en continu le jour comme la nuit en plein air. La chapelle Il existait une chapelle, située à l'emplacement de la comptabilité actuelle (où elle restera jusqu'en 1935) dans laquelle l'aumônier du sana disait la messe tous les matins. La villa du médecin-directeur était située à l'entrée du village (côté route de Seyssel, derrière la résidence des enseignants), au lieu-dit St-Pierre. en 1917, le Docteur Hottlet agrandira cette maison, en faisant construire dans son prolongement une tour carrée que l'on voit encore dans le virage en arrivant de Seyssel. Rachetée par la société "La Plage et le Tourisme pour Tous", cette villa deviendra la Villa Estrea en 1925. Qui étaient les malades? De 1916 à 1921, le Sanatorium Elisabeth installé dans le château de Quisonas de Chanay a traité des centaines de malades atteints de tuberculose. Avec ces hommes et ces femmes venus se faire soigner à Chanay depuis la Belgique, il y avait aussi des adolescents. Agés de 13 à 55 ans, les malades célibataires ou mariés provenaient de toutes les régions de la Belgique. Les malades étaient issus de toutes les professions: ajusteur, blanchisseuse, bûcheron, caissière, cartonnière, charpentier, commerçant, commis d'hôtel, comptable, cuisinière, cultivateur, dactylographe, docker, domestique, émailleur, ferblantier, forgeron, menuisier, ouvrier agricole, ouvrière, peintre-décorateur, préposé des douanes, religieuse infirmière, sténodactylo, tisserand. On comptait aussi une artiste lyrique, un instituteur, une religieuse cloîtrée! Les moins de vingt ans étaient inscrits comme sans profession. Parmi eux les malades, il y avait aussi des soldats. Alors que les militaires français étaient soignés à Aix-les-Bains, ville toute proche, les soldats belges touchés par la tuberculose pendant leur séjour sur le front étaient envoyés au sanatorium de Chanay. 3) Après la fermeture du Sanatorium Elisabeth L'Etat belge fera l'acquisition de la totalité du domaine. Lors de la fermeture du Sanatorium, Eugène Portal, directeur administratif du Sanatorium, proposa à un prix avantageux au maire Alphonse Bornard le champ du chêne (3 hectares, 19 ares, 87 centiares). Ce terrain fut acquis par l'Hospice pour y aménager des jardins. En plus d'autres terrains, il céda à peu près gratuitement à la commune le terrain nécessaire pour agrandir le cimetière. Le maire demanda qu'en compensation le conseil municipal accorde une concession perpétuelle et gratuite pour les tombes des cinquante malades (2) décédés de 1917 à 1921 pendant leur séjour au Sana ( Il existe un projet de réhabilitation du "carré des Belges" se trouvant dans le cimetière municipal). Lors de la fermeture du Sanatorium, à partir de 1921, la totalité du domaine sera vendu par l'Etat belge à la société "La Plage et le Tourisme pour Tous" qui va organiser à Chanay des séjours de loisirs de 1921 à 1939. Le but de cette société était de "procurer à ceux qui le désirent, en été, des vacances économiques à la mer et à la montagne dans un milieu familial dans des établissements égalant en hygiène et en agrément ceux des bons hôtels". (1) Chanay et les oeuvres sociales:Pendant tout le 20ème siècle, le village de Chanay dans l'AIN a été un lieu privilégié où se sont implantés des oeuvres sociales et de santé. Ce village de 560 habitants est situé à 450 mètres sur les contreforts du Jura. Son altitude et sa position à l'abri des brouillards de la vallée où coule le Rhône lui donnent un climat tempéré et en ont fait un site recherché pour les maladies respiratoires, par exemple la tuberculose et l'asthme pour ne citer que ces deux pathologies. Placé entre le Colombier et le Crêt d'eau, ce village a accueilli successivement, quelquefois en même temps, un Hospice (1909-1918) géré par la commune, puis le Sanatorium Elisabeth. De 1918 à 1920, la Croix-Rouge américaine a créé la "Maison du Bon accueil des Fillettes" pour les orphelines de guerre. De 1924 à 1939, la Société la "Plage et Tourisme pour Tous" a organisé des congés payés pour les salariés dans l'hôtel "Pension du château". Pendant ce temps, dans le même village, dès 1926, l"Office des Pupilles de la Nation de l'Ain" crée la "Maison des Pupilles de la Nation" pour les orphelins de guerre, qui cède la place en 1929 au "Préventorium de demi-altitude", géré par l"Oeuvre des Pupilles de l'Enseignement Public de l'Ain", qui va accueillir des fillettes et des jeunes filles tuberculeuses jusqu'en 1952. Repris en 1952 par la "Mutuelle Générale de l'Education Nationale", le Centre Climatique de demi-altitude (1952-1976), toujours préventorium pour des enfants tuberculeux devient en 1977 une "Maison d'Enfants à Caractère Sanitaire" pour les enfants et adolescents malades .En 2001, il devient le centre M. G. E. N (Mutuelle Générale de l'Education Nationale) "Soins-Etudes" et se concentre sur les pathologies des adolescents. 2) Liste des personnes décédées au sanatorium Elisabeth de 1917 à 1921 (d'après les registres d'état-civil de la mairie de Chanay)
Liste des décès par année et par mois Le nombre de décès très important en 1918 s'explique par l'épidémie de grippe espagnole
![]() Le Docteur Alfred HOTTLET, médecin-directeur du sanatorium de CHANAY (photo tirée de l'album du Sanatorium Elisabeth) Biographie du Dr Hottelet Le Sanatorium Elisabeth est dirigé par le Docteur Alfred Joseph Ghislain HOTTLET né le 23 janvier 1861 à BIOUL (Province de Namur) en Belgique.
C'est un ancien médecin militaire: les renseignements sur la carrière du Docteur HOTTLET sont extraits du Détail des Services de sa fiche matriculaire
qu'a bien voulu nous fournir le Musée Royal de l’Armée et d' Histoire Militaire du Ministère de la Défense Nationale sur la demande expresse de l'Ambassade
de Belgique à Paris :
« Arthur, mon père, est né le 7 août 1896. Il habitait à Anvers avec ses parents.
Comme un de ses grands-oncles qui avait émigré à la fin du 19ème siècle, il était lui aussi parti au Canada. Lors de la déclaration de guerre, il est revenu en Belgique et il s’est engagé dans l’Armée Royale de Belgique.
Il a reçu des médailles belges et françaises : du côté belge, la Médaille commémorative pour la campagne 1914-1918 (HENNERINGS VAN DEN VELDTOTCHT) et la médaille « La grande guerre pour la civilisation » (DE GROOTE OORLOC TOT DE BESCHAVING 1914-1918) et du côté français la Médaille militaire, la Croix de guerre avec étoile de vermeil et la Croix du Combattant. Il a aussi reçu la Croix des Vétérans du Roi Albert Ier le 28 février 1964.
Après avoir été gazé dans la Somme ou dans les Ardennes, il était venu en convalescence à CHANAY. En 1921, il est à Bruxelles puis il revient à CHANAY début 1922 et il épouse ma mère, Louise Alexandrine Pierrette GAILLARD, née en 1898. Elle était la petite-fille de François BALLY, régisseur du Comte de QUINSONAS, ancien propriétaire du Château où fut installé le Sanatorium Elisabeth en 1916. Ils auront 11 enfants. Je suis le 6ème enfant, la première est ma soeur Elisabeth qui demeure à Bellegarde.
Mon père a travaillé d’abord comme cultivateur à CHANAY où sont nés les trois premiers des enfants puis il a travaillé à Bellegarde comme courtier en vins et spiritueux. Il a été ensuite comptable au barrage de Génissiat pour la Compagnie Nationale du Rhône. Il a été naturalisé français.
Ma mère a repris en 1945 la suite de la Société des Carburants Français. Avec une dizaine de prisonniers allemands qui lui avaient été confiés, elle a de nouveau exploité les coupes de bois du col de RICHEMONT.
Pendant la seconde guerre, mon frère Louis a rejoint à 17 ans les Résistants du département de l’Ain (les Maquis de l’Ain dirigés par ROMANS-PEIIT. Caporal de F.F.I dans le groupe MINET, il a été arrêté par les Allemands le 8 avril 1944 après les combats de MONTANGE dans l’Ain. Puis il a été torturé et abattu le lendemain alors qu’il venait d’avoir 18 ans. Son aventure est racontée dans le livre : Le maquis de Richemond
A titre posthume, il a reçu la Médaille militaire, la Croix de guerre avec palmes, la Croix de guerre avec étoile de vermeil, la Médaille de la Résistance Française et la Croix du Combattant.
Il a une stèle aux Avalanches au lieu-dit « Les Avalanches » sur la commune de CHAMPFROMIER, au-dessus de CHATILON DE MICHAILLE dans l’Ain et elle est fleurie chaque année par la commune.
Mon oncle André a aussi perdu un fils pendant la seconde guerre : Jean avait 18 ans quand il est entré dans le Maquis en Belgique. Il a été pris alors qu’il sabotait des avions sur un terrain d’aviation où il était rentré avec ses camarades en coupant le grillage. Il a été déporté et il est mort à MATHAUSEN.
![]() Dans l'hospice communal, la Croix-Rouge américaine recueillera des enfants de 1918 à 1920.(L.Michaux, édit. Bellegarde) On peut lire au dos de cette carte :
Je t’écris vite un petit mot car je crains que tu n’attendes de mes nouvelles depuis quelques jours déjà. J’ai eu bien à faire avec les enfants que nous avons ici et qui sont malades.
Je suis bien contente du succès d’André et je pense que tu as dû te réjouir aussi. Soigne-toi bien et chauffe-toi. La grippe sévit partout avec intensité. Je ne sais pas quand j’irai à Lyon. Bientôt j’espère. Je t’embrasse bien tendrement.
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