Médecins de la Grande Guerre

Belgique et France durant la Grande Guerre : unis devant la commune tragédie par une remarquable amitié.

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Belgique et France durant la Grande Guerre : unis devant la commune tragédie par une remarquable amitié. 

1)   Les Français en Belgique

Le sacrifice de l’armée française dans la bataille des frontières.

       On estime à plus de 27.000 le nombre de soldats français tués le 22 et 23 août 1914 dans le sud de la Belgique entre Virton et Charleroi. Cette bataille des frontières fut sans doute la plus grande défaite de l’armée française de toute son histoire. Les Ardennes belges et la région de Charleroi  Belgique sont ainsi  parsemées  de cimetières militaires français qui rappellent aux passants cette tragédie. D’innombrables récits de ces deux jours nous sont parvenus  provenant  tant du côté des soldats français  que du côté des civils  belges.  On y découvre de souvent les grandes marques d’amitiés que se manifestèrent civils belges et soldats français dans une même tragédie. Des soldats gravement blessés seront soignés et cachés par les habitants pendant souvent de très longs mois et parfois des années. Zélie Wanlin, par exemple, s’occupa chez elle, pendant 18 mois, d’un soldat gravement blessé  dans son village de Bertrix. A Rossignol, une ambulance de la Croix-Rouge belge soigna des centaines de blessés dans des conditions dantesques. A Charleroi, les civils se surpassèrent pour soigner les soldats français. L’aide apportée par les civils belges aux blessés français combinée à la certitude qu’éprouvait l’ennemi d’avoir partout affaire à des francs-tireurs eut des conséquences catastrophiques. Les Allemands fusillèrent, rien que dans la province de Namur, plus de 1.500 civils dans ces deux journées fatales. Après la guerre, dans les années trente et vingt, chaque année au mois d’août, se déroulaient aux pieds des tombes françaises de nos régions, d’impressionnants pèlerinages auxquels participaient les parents des  endeuillés et les délégations des unités ayant participé aux combats. Des comités de jumelage, partout dans nos villages, s’activaient à chaque anniversaire de la bataille des frontières, comme par exemple dans le petit village de Rossignol, autour du monument dédié à l’écrivain et officier Ernest Psichari, comme à Maissin,  autour du véritable calvaire du 16ème siècle qui veille sur les tombes de plus de 3.000 soldats Bretons ou encore, comme à Auvelais, autour du monument représentant un imposant phare breton éclairant la dernière demeure  des héros qui reposent autour de lui. Partout sur les sites de la bataille des frontières, on retrouve des monuments célébrant le courage des soldats français venus au secours de la pauvre Belgique. Parmi ces monuments, se distinguent le très beau monument du cimetière militaire du village de Champion  (situé à proximité d’un fort de la ceinture de Namur)  représentant un soldat français prenant par l’épaule un soldat belge ainsi que le monument dédié au soldat Pierre Lefeuvre, tireur d’élite  (70ème Régiment d’Infanterie provenant de Rennes)  qui abattit 53 ennemis pour défendre un carrefour de Tamines. Après la retraite française, les Allemands se vengèrent cruellement en exécutant dans cette petite ville 384 civils.

       Dans cette guerre des frontières, le général Foch perdit son fils unique Germain qui combattait  en face du sous-lieutenant Rommel et le lieutenant De Gaulle fut blessé en défendant un pont sur la Meuse situé à Dinant. Outre les soins aux blessés les civils belges manifestèrent leur soutien aux soldats français en cachant ceux qui n’avaient pu s’échapper vers la Marne parce qu’ils se trouvaient encerclés par l’ennemi. Qui se souvient aujourd’hui de l’épopée des 120 soldats français qui encerclés dans les lignes ennemies après la retraite de leur armée le 23 août parvinrent pendant des mois à subsister dans nos Ardennes belges avant de pouvoir enfin rejoindre la France via la Hollande ? L’ère des pèlerinages en hommage aux tués de la Grande Guerre est passée et les hôtels construits pour accueillir les familles françaises ont été fermés au fil des ans. Les héros tombés à nos frontières ne sont pourtant pas oubliés. Régulièrement, l’un ou l’autre descendant entame un voyage  pour voir les lieux où mourut un aïeul. Depuis plusieurs décennies, monsieur Dauphin, instituteur belge retraité  les guide et les instruit. Dans son village de Latour, village qui souffrit terriblement de la bataille des frontières puisque quasi tous ses habitants mâles furent fusillés, Monsieur Dauphin a créé le musée de la bataille des frontières. Pour son travail de mémoire, fait exceptionnel, Monsieur Dauphin a même obtenu la Légion d’Honneur en 2011.

       Après l’hécatombe d’août 14, les soldats français revinrent encore en Belgique six semaines plus tard, cette fois pour aider l’armée belge retranchée derrière l’Yser. Les fusiliers-marins de l’Amiral Ronarch, surnommés les « Demoiselles aux pompons rouges » participèrent en effet à la bataille de l’Yser à côté des Belges puis aidèrent ces derniers à défendre l’extrémité nord de leur front dans la ville de Nieuport. Un de leur officier, le lieutenant Dupouez y mourut et eut pendant longtemps son heure de gloire non grâce à ses exploits mais grâce… à l’amour, que continua à lui porter sa veuve. Deux divisions françaises se trouvaient aussi sur la partie nord du saillant d’Ypres entre l’armée belge et l’armée  du Commonwealth. Elles eurent le triste privilège d’être les principales cibles, le 22 avril 1915 de la première attaque de gaz de l’histoire.  Le nombre de soldats français tués par cette nouvelle arme n’est pas connu avec précision. Ils furent entre mille et cinq mille selon les différentes estimations.

Les réfugiés français en Belgique

       Si la terre française fut une terre d’accueil pour les réfugiés belges, la Belgique fut la destination obligée de plusieurs milliers de familles françaises en 1917 et 1918. Les Allemands en effet chassèrent vers la Belgique les habitants de plusieurs villages du nord de la France qui se trouvaient trop près de la ligne de front. Ces familles arrivèrent dans une Belgique affamée qui néanmoins fit tout ce qui était possible pour les aider. Cet épisode de l’histoire de la Grande Guerre devrait devoir encore faire l’objet d’études plus détaillées.

2)   Les Belges en France

Les réfugiés belges en France

       Ils furent nombreux à être accueillis en France. Ils furent répartis dans toute la France parfois au prix d’accidents impressionnant. Le 18 octobre 14, un train avec deux mille réfugiés allant vers Rouen fut tamponné entre Marquise et Wocquighem par un train de ravitaillement. Il y eut plus de cinquante morts. Dix jours après cet accident ; le navire « Amiral-Ganteaume «  quittait Calais avec deux mille réfugiés et fut torpillé au large du cap Gris-nez. Des navires accoururent et purent transborder les passagers. Les conditions de transport des réfugiés belges étaient particulièrement inconfortables. Sur le transport « Tunisie », le 26 novembre, les 1.500 Belges envoyés à La Pallice ne disposaient qu’un peu de paille pour les plus malades. Il n’y avait à bord qu’une petite cuisine pour l’équipage !  Devant Brest le bateau se vit obligé d’arrêter sa navigation tant les passagers manquaient de tout. Il s’arrêta à Brest où le préfet maritime fit immédiatement envoyer du lait pour les enfants et du pain frais et des sardines pour les autres passagers. En février 15, le Ceylan fut pris par une violente tempête  qui fit mourir trois passagers et blessa gravement 25 réfugiés atteints de multiples fractures. En 1917, on comptait 300.000 réfugiés en France. C’est le département de la seine inférieure qui en accueillit le plus grand nombre : 37.500. Ces réfugiés recréèrent associations, comités  et purent même recréer des usines comme à Bonnières. De plus le gouvernement belge créa plus de soixante colonies scolaires qui hébergèrent les enfants dont les parents ne voulaient pas quitter la zone de l’Yser (exemple : la colonie scolaire des Grandes dalles et de Saint-Valery-en-Caux)

France, repos du soldat belge !

       Les Français gâtèrent nos soldats qui eurent pour la plupart une ou même plusieurs marraines de guerre. Les congés de nos soldats se passèrent le plus souvent en France. A cet effet le gouvernement belge créèrent « Les homes du soldat » qui pouvaient héberger les permissionnaires n’ayant pas de famille en France. Pour nos soldats qui n’avaient jamais quitté leurs villages, ce fut pour la plupart d’entre eux  l’occasion d’expérimenter de nouvelles joies, celles des voyages. Evidement Paris était très fréquenté par nos soldats qui en  ramenaient parfois des souvenirs désagréables liés à da fréquentation des demoiselles qui les attendaient à peine sortis de leurs trains. De retour à leurs unités nos soldats signalaient à leur médecin de bataillon, de manière très pudique leur « mal de vénus » en lui avouant très simplement : « docteur, je reviens de Paris ! ». Dans un domaine tout opposé, celui du religieux, beaucoup de soldats allèrent en pèlerinage à Lourdes. Il ne fait pas de doute que les grands pèlerinages belges vers Lourdes de l’entre-deux-guerres trouvent là leur origine. Après la guerre, les soldats voulurent à leur tour montrer à leurs familles Lourdes et les Pyrénées.

La base arrière de l’armée Belge dans la région de Calais

       Derrière l’Yser, l’armée belge ne dispose que de peu de place. Elle est coincée  entre le fleuve qui s’écoule sur une longueur de 50 km et la côte qui se trouve à moins de 30 km. Impossible donc de disposer d’une base arrière  pourtant nécessaire aux différents soutiens  nécessaires à une armée  (quatre divisions). La France va nous apporter une aide précieuse en nous fournissant bâtiments et terrains dans son territoire pour toute la durée de la guerre. Le gouvernement belge va pouvoir s’installer au Havre mais la base arrière de l’armée belge en ce qui concerne la logistique va s’installer à Calais. Tout le bassin ouest de Calais sera notamment affecté au déchargement des navires venant fournir l’intendance de l’armée belge et 4 hangars pouvant abriter plus de 20.000 tonnes d’approvisionnements sont construits sur les quais. A Calais aussi se basèrent les escadrilles belges au camp du Beau-Marais tandis non loin à Gravelines, un immense parc à munition est créé et renfermera en juin 18, plus de 650.000 projectiles pour l’artillerie et 48 millions de cartouches. Le parc du génie est aussi à Gravelines. Toujours à Calais, on crée la boulangerie de l’armée et l’on moud pour elle chaque jour 30.000 kilos de blé. La boucherie militaire y trouve aussi refuge et la viande débitée est abritée sur le canal de Bourbourg dans quatre bélandres transformées en « frigorifiques ». En février 17, l’intendance belge à Calais assure le ravitaillement de 155.000 hommes à l’armée en campagne, 17.000 dans la base de Calais en plus du fourrage pour  40.000 chevaux ! 

Le Havre siège du gouvernement belge et… d’une importante fabrique d’obus

       Le Havre à Sainte-Adresse accueille le gouvernement belge. Aujourd’hui encore subsiste quelques souvenirs de la présence belge dont une énorme boîte postale belge d’une couleur rouge et un monument représentant le Roi Albert. Mais au Havre et dans les environs s’installent aussi des ateliers de construction de matériel d’artillerie, de charroi automobile, de sellerie et de maréchalerie. On y compte aussi une importante fabrique belge de munitions à Graville-Sainte-Honorine. Cette usine renfermait plus de 320.000 kilos d’explosifs quand le 11 décembre une explosion la détruisit en ensevelissant plus de cent morts dans ses décombres ! Graville-Sainte-Honorine, Harfleur, Gonfreville-l’Orcher offraient l’aspect de villes bombardées où l’on compta dix civils tués et plus de 1.500 habitants blessés dont une centaine gravement ! Dans Le Havre, il y avait 1.500 maisons sinistrées et deux heures après l’explosion, il n’y avait plus le moindre morceau de vitre à vendre dans la région…  Pour ce qui est de l’usine, mille soldats travaillèrent pendant plus d’un mois pour déblayer et reconstruire… Le Havre fit aussi office de base secondaire de l’intendance belge et à ce titre posséda de grands magasins pour l’habillement et le couchage. On vit même un usine de torréfaction de café où l’on brûla jusqu’à 12.000 kilos de café par jour. Pour  faire fonctionner toutes ces installations, il y avait au Havre en décembre 1916, 300 officiers, 13.000 sous-officiers, soldats et travailleurs civils.

La France refuge de nos locomotives

       Les cheminots Belges parvinrent à mettre à l’abri en France plus de 1.900 locomotives belges, 11.400 wagons de marchandise, 1.800 wagons de passagers. On créa un bataillon des chemins de fer qui comprenait deux mille hommes répartis en quatre compagnies. Un immense atelier de réparation fut créé à Oissel près de Rouen. Le personnel comptait 1.500 personnes et avait une superbe fanfare ferroviaire ! En 1917, les services alliés employaient 1.100 locomotives belges.

Les centres d’instruction de l’armée belge en France

       De multiples centres d’instruction à destination des jeunes belges qui arrivent à quitter la Belgique occupée vont être crées comme le centre d’instruction d’Auvours, le centre d’instruction des mitrailleurs à Criel-sur-Mer, l’école d’artillerie à Eu, une école de grenadiers à Fécamps l’école des sous-officiers à Saint-Lo ou encore une école de préparation à la sous-lieutenance à Gaillon ou séjourna notamment l’élève candidat sous-lieutenant René glatigny. Cette liste est limitative car on compta aussi des centres d’instruction  à Villers-le-Sec, Sommervieu, Carantan, Granville, Cartert ; Octeville, Valognes, La Haye-du-Puits, Coutances, Parigné-l’-Evêque, Granville, Barneville etc. 

Les  hôpitaux belges en France  durant la Grande Guerre

       Durant la bataille de l’Yser (octobre et novembre 1914), le sort des blessés belges laissait à désirer car il n’y avait pour eux de salut que dans une évacuation par train sanitaire vers Dunkerque et Calais. Calais fut rapidement submergé par les réfugiés belges et  par les soldats blessés. Les autorités calaisiennes durent à la fois s’occuper des civils belges et des militaires blessés. Les  civils se virent accorder des  indemnités d’indigents et des aides matérielles.

       Les blessés belges commencèrent à arriver en masse le 13 octobre 1914. La journée du 26 octobre fut l’une des plus critique avec l’arrivée de trois trains comprenant plus de mille blessés alors que l’on ne savait plus où les loger. Les soldats belges blessés débarquaient du train après une dizaine d’heures de trajet. Epuisés ils trouvaient un relatif réconfort dans la salle des machines de la gare transformé en un « hôpital de passage » où l’on renouvelait leurs pansements et où ils pouvaient enfin bénéficier de boissons et de repas réconfortants. Ensuite, les blessés étaient, soit évacués par bateau vers l’Angleterre ou la Bretagne, soit étaient répartis en ville dans les ambulances ou sur  les deux navires-hôpitaux mis à disposition par l’armée française, le Paris et le Ella. Les chiffres cités par le docteur Mélis sont éloquents et rendent comptent à eux seuls de l’immense exode des soldats blessés. Du 1er novembre 1914 au 31 décembre 1915 arrivèrent à Calais 76.532 blessés belges au moyen de 527 convois ferroviaires provenant du front. Les navires montrèrent vite leurs limites et Calais se vit obligé de mettre à disposition des Belges de nombreux bâtiments pour les transformer en ambulances. En outre, la municipalité fit appel à toutes les bonnes volontés pour soigner les Belges. Il en résulta un immense élan de générosité qui, grâce à la presse, s’étendit jusqu’en Angleterre. De nombreuses infirmières anglaises comme Miss Livingston, s’offrirent de venir soigner les soldats belges et 230 kg du précieux chloroforme furent même offert par la firme Burgoyne, Burbidges et Cie. Parmi les infirmières anglaises, il faut rendre un hommage particuliers au 1e groupe de jeunes filles de la First Aid Nursing Yeomanry qui, sous la direction de Mrs Grace  Mc Dougalle, soignera, dans l’ambulance  installée à l’école Lamarck plus de 2000 soldats  atteints de  typhoïde. 

       Malgré un transfert massif d’une partie de nos blessés  vers Cherbourg et l’Angleterre, on dut ouvrir de nouvelles ambulances à Calais presque chaque jour. Le 18 octobre fut inaugurée l’ambulance des salons Richelieu ; le 19, deux ambulances chez les Sœurs Franciscaines ; le 21, l’ambulance du Casino ; le 22, l’ambulance à l’Ecole de la rue des Fleurs, et au pensionnat Saint-Pierre ; le 23, la maison Heymans et les usines Middleton ; le 24, les ambulances situées dans les deux temples évangéliques, la maison du commerce, l’école du fort Nieulay, l’école Michelet et l’école Plante. Le 25, les magasins du Bon Génie et deux maisons de la rue des Soupirants. Le 26 octobre, cinq ambulances supplémentaires sont créées. Le 28, c’est le tour du pensionnat anglais Sophie Berthelot de recevoir nos blessés.  Le 1er novembre, deux écoles se transforment à leur tour et le trois novembre, une maison supplémentaire doit encore être est convertie en ambulance.  

       A la lecture de cette énumération, on peut s’imaginer l’ambiance qui devait régner à Calais durant la bataille de l’Yser : l’afflux considérable de soldats belges blessés mobilisa toutes les ressources de la ville. De nombreuses Calaisiennes se portèrent volontaires pour  nourrir les soldats Belges au point qu’il fallût réglementer leurs présences entrées dans les ambulances belges. Dans chaque ambulance, un délégué de la municipalité est chargé d’envoyer au maire un compte-rendu détaillé des activités qui y sont déployées. Souvent c’est la directrice de l’école réquisitionnée qui remplit cet office. Dans un de ces rapports la directrice de l’école du boulevard Lafayette se plaint qu’il y a dans son ambulance jusqu’à  8 femmes cuisinières pour 12 blessés !

       La création de nouvelles ambulances à Calais fut ralentie avec la fin de la bataille de l’Yser mais néanmoins le nombre d’ambulance s’accrût encore pour atteindre le nombre de 42 ambulances début 1915. Rappelons ici qu’une ambulance était du point de vue médical une structure permettant les soins basiques à trois catégories de soldats, celle des malades, celle des blessés légers, et celle des blessés gravement atteints dont le transport n’était pas possible.  Tous les soldats n’appartenant pas à ces catégories en l’absence d’hôpitaux belges au nombre impressionnant de vingt mille, furent évacués soit vers l’Angleterre ou soit vers les hôpitaux français, la plupart situés en Normandie ou en Bretagne. Deux ambulances de Calais purent cependant en décembre 14 se transformer en hôpitaux. L’ambulance de la rue du Fort Louis nous avait été donnée par le Service de Santé français. Madame Curie l’équipa d’une installation de radiographie tandis qu’un mécène Evan Thomas et l’ambulance américaine offrit l’équipement d’une salle d’opération. Le Dr Derache y opéra (82 opérations) mais  l’hôpital, vu sa faible capacité (30 lits) n’eut pas une très longue vie et fut démantelé. Une deuxième ambulance belge de Calais, l’Ambulance Elisabeth put cependant rapidement se transformer en un petit hôpital bien équipé grâce au Duc de Vendôme, le beau-frère du roi Albert. Cette ambulance était subsidiée par la Société Française de secours aux blessés militaires. Installée le 14 décembre dans l’école de la rue des Moulins, elle parvint rapidement à ouvrir une installation chirurgicale où le docteur Conrad, volontaire de guerre et ancien chef de l’hôpital civil d’Anvers exerça ses talents. Le duc de Vendôme fit le don d’un laboratoire, équipé, d’un service d’électro et de mécano-thérapie et d’un cabinet de radiologie. En avril 1915, le général Mélis réorganisa le service médical et le nombre d’ambulance put être ramené à 25 tandis que les autorités françaises permettaient  que 32 hôpitaux complémentaires (H.C) de Bretagne hospitalisent nos soldats pour traitement. 

       Cette aide fut la bienvenue et permit de désengorger les ambulances de Calais. Il s'avéra cependant assez vite que les patients et le personnel belge s'y sentaient dépaysés et surtout nourris d'une manière inhabituelle. Le général Mélis lui-même explique dans son histoire du service de santé que la pomme de terre fait défaut ou se trouve en quantité minime dans la ration et que de plus le soldat belge ne peut s’habituer au paon fait au levain de l’armée française. On remplaça bientôt ces hôpitaux par des formations militaires totalement belges  implantés pour une grande partie dans la Pas-de-Calais près de la base arrière de l’armée Belge, et d’autre part en Normandie et en Bretagne, les deux régions où se trouvaient les hôpitaux militaires français qui avaient accueillis nos soldats belges durant et peu après la bataille de l’Yser. Dans le Pas-de-Calais, outre l’Ambulance Elisabeth, citons les gros hôpitaux de Petit-Fort-Philippe, de Virval-lez-Calais, de la Porte de Gravelines. En Normandie et en Bretagne, citons l'hôpital militaire de Mortain (Manche), Cherbourg et Saint-Lô (Manche), Villiers-le-Sec et Juhaye-Mondaye (Calvados) spécialisé pour les malades dits « nerveux » et, en Bretagne, les quatre hôtels de la fondation de Broqueville à Dinard : Saint-Lunaire, Saint-Jacut de la Mer (côtes du nord), Saint-Méen et Châteaugiron (Ile et Vilaines), spécialisé pour les malades dits « « mentaux ». Sur la Seine, l’hôpital anglo-belge qui deviendra l’hôpital de Bonsecours. Certains  de ces hôpitaux furent spécialisés notamment pour les affections nerveuses et mentales. Les guéris ou convalescents  de ces affections psychiatriques étaient envoyés au camp d'Auvours près de Champegné (Sarthe), les incurables d’abord au camp du Ruchard (Indre et Loire) puis ultérieurement   à Soligny-la-trappe (Orne).  S'ouvrit encore à Ligugé (Vienne) un hôpital spécialisé pour les affections rénales et, à Orival, un hôpital spécialisé dans le traitement des maladies vénériennes et qui traita plus de 900 soldats dont 50% avaient été contaminés à Paris !

       Par ailleurs il faut encore mentionner pour les militaires belges quatre sanatoria de tuberculose pulmonaire : Cap Ferrat (Alpes Maritimes), Montpellier (Hérault), Chambéry (Savoie), Faverges (Haute Savoie). On y admit environ deux mille tuberculeux dont 12% moururent. A noter que les Belges qui n’étaient pas militaires possédaient leur propre sanatorium à Chanay.

       Pour terminer cette impressionnante énumération, citons enfin les hôpitaux pour convalescents ou de transit offerts par la Croix-Rouge ou la générosité privée française :

       L'hôpital militaire belge de Cannes qui fonctionna de février 1915 à avril 1920 dans les villas Saint-Jean, Saint-Charles et Anastasie, grâce à la générosité de la Duchesse de Vendôme (belle-sœur du roi Albert) et de la Croix-Rouge française. A la fin de 1916, la direction médicale devint exclusivement belge (Dr Lagache) ; ce fut l'hôpital militaire belge Albert Premier de Cannes. Il hospitalisa 1500 malades, pratiquement tous provenant de l'ambulance Élisabeth de Calais offerte par le Duc de Vendôme.

       L'hôpital Albert I à Paris était un quartier de l’'hôtel-Dieu de Paris réservé pour les militaires belges. On ouvrit aussi une ambulance au Lycée Carnot et une annexe pour convalescents à Courbevoie.

       L’histoire des hôpitaux belges en France pendant la guerre14-18  mériterait certainement d’être approfondie. Malheureusement, il semble bien que nous ne possédions plus d’archives concernant ces hôpitaux. Il reste cependant deux possibilités pour approfondir le sujet des hôpitaux belges en France. La première est la somme des témoignages du personnel médical et des hospitalisés qui se trouvent épars dans les nombreux cahiers que tenaient les combattants au jour le jour, la deuxième possibilité est l’étude des journaux locaux  d’époque  et des archives municipales qui souvent ont conservé trace de la présence des Belges dans leur commune. Les quelques petites études que j’ai pu mener sur quelques hôpitaux belges de France si elles riches d’anecdotes et d’enseignements sur la manière de soigner de l’époque sont aussi une manière de ne pas oublier l’endurance et le courage de nos soldats blessés ainsi que le travail de leurs soignants. Je vous résume ici quelques histoires parmi d’autres. Le lecteur intéressé trouvera les détails sur ces hôpitaux  sur notre site internet.

L’hôpital de Valloires  et l’initiative du Dr Detournay

       Situé dans la vallée de l’Authie, cette ancienne abbaye fut confié aux Belges qui y installèrent un hôpital pour convalescents. Aujourd’hui le site de Valloires est accessible aux visiteurs. On y visite l’ancienne abbaye mais aussi le merveilleux jardin de roses, sans doute un des plus beaux d’Europe.  Sur le mur ouest de l’abbatiale,  Francis De Look et moi-même  avons découvert en 2001 des inscriptions creusées dans le calcaire friable par des soldats belges hospitalisés. Une inscription en particuliers était absolument bien conservée et mentionnait un nom : celui du soldat De Vrin 3ème Chasseur à Pied, matricule 57697. Grâce à ces renseignements je pus retrouver son dossier militaire que j’examinai au Centre de documentation du Musée royal de l’Armée et reconstituer l’histoire du soldat De Vrin.  Blessé le 9 janvier 17 par un éclat d’obus, il est hospitalisé trois mois à l'hôpital l'Océan, il est autorisé à partir le 27 mars 17 en convalescence à l'abbaye de Valloires. En mai 1917, Gustave est décoré de la Croix de Guerre (A.R du 17 05 17) et est muté au C. I. A. d' EU d'où il rejoindra finalement en août 17, le S. A. T. B. H. dans la ville du Havre. Il restera dans cette unité jusqu'au 26 août 1919, date de sa mise en congé sans solde. Après la guerre, il se maria et eut deux enfants. Mort d’une péritonite à l’âge de trente ans, son fils ne connut que très peu son père. J’eus la joie de le retrouver à Anvers et de lui faire part de ma découverte qu’il s’empressa d’aller examiner sur place. Quelques années plus tard, je pus compléter l’historique de l’hôpital de Valloire par un témoignage absolument extraordinaire : une dame âgée me téléphonait de Mons me signalant que son papa avait été le médecin directeur de Valloire pendant la Grande Guerre et qu’elle possédait les carnets de celui-ci relatant au jour le jour sa vie à Valloire ! La lecture de ces carnets fut passionnante et je pus retracer l’histoire de l’hôpital belge de Valloire : le Dr Detournay avait été un directeur d’hôpital exceptionnel voulant absolument occuper ses convalescents pour qu’ils n’aient pas le temps long source de cafard, il créa petit élevage et cultures maraichères. Sa thérapie occupationnelle apporta tant de bien-être aux blessés, convalescents que l’Etat-Major le félicita. Malheureusement, le Dr Detournay fut victime de son succès !  L’Etat-Major estima en effet que cette thérapie serait encore plus efficace chez les « nerveux », ces soldats souffrant de problèmes psychiatriques. C’en était fini de la tranquillité de Valloire : les « nerveux » débarquèrent dans son hôpital en grand nombre et il advint peu après un évènement exceptionnel : la mutinerie des hospitalisés dont le simple point de départ était un  pain volé. Le docteur Detournay dut faire appel à une compagnie de la police militaire pour rétablir l’ordre !  Le docteur Detournay possédait aussi dans ses archives quelques listes de patients hospitalisés avec l’étiologie de leurs affections. En l’absence des dossiers médicaux des soldats de 14, vraisemblablement détruits, ces documents qui ont su traverser le temps, présentent donc  un intérêt certain. 

L’hôpital du camp du Ruchard  : Un camp de convalescent où l'on devient malade...

       Durant la guerre 14-18, la France a offert l’hospitalité à de nombreuses formations médicales belges. Parmi celles-ci, le camp pour convalescents du Ruchard en Indre et Loire. Peu de témoignages nous apprennent ce que fut la vie quotidienne des soldats dans ce camp perdu dans les landes. Le Général Mélis mentionne simplement dans son livre que ce camp fonctionna du 31-12-14 au 14 -7-17, soit trente mois et demi et qu’il accueillit durant cette période 9.586 convalescents. Un soldat, Ege Tilmns, nous apporte cependant un témoignage inestimable sur ce camp: il consacra un chapitre entier de son livre au séjour qu’il y effectua. Les informations qu’il nous donne nous fait entrevoir un univers extrêmement dur et souvent inhumain. Le camp vit au rythme des rixes, des punitions et des décès. Ceux-ci d’après l’auteur surviennent à raison de un par quinzaine. Quelle terrible mortalité dans les rangs des soldats pourtant considérés comme guéris et convalescents! Mais Ege Tilmns n’exagère t- il pas ? Nous ne le croyons pas: les registres de l'état-civil de la commune d'Avon-les-Roches signalent le décès de 79 militaires belges ; 76 pierres tombales se dressent au cimetière communal. Certains corps furent rapatriés après la guerre ce qui fait qu'aujourd'hui il ne subsiste plus que 63 tombes soldats belges. Il y eut donc plus d'un décès par quinzaine durant les trente mois de fonctionnement du camp. 79 jeunes hommes succombèrent au camp de Ruchard, soit un convalescent sur 121 : le camp méritait sans doute la très mauvaise réputation que lui donne Ege Tilmns. Nous avons aussi retrouvé trois autres témoignages, celui du soldat Constant Stiers, celui de Christian Van Com et celui du soldat et poète Paquot qui raconta la vie de son ami le compositeur, Georges Antoine avec qui il séjourna dans le camp du Ruchard.

       Aujourd’hui, qui pense encore à ces valeureux petits soldats Belges qui moururent de maladie ou de tristesse loin de leur pays et qui reposent encore aujourd’hui à Avon ?

L’Hôpital Militaire Belge de Bonsecours, hôpital avant-gardiste  construit par les Belges en 1916. 

       Inauguré le 2 juin 1916, a été érigé à 2 kilomètres au Sud-est de Rouen, au sommet de la colline Blosseville – Bonsecours, sur le plateau des Aigles, à une altitude de 140 mètres, d’où l’on découvre le magnifique panorama de Rouen, et de la vallée environnante de la Seine que l’on domine presque à pic. La superficie totale occupée par l’hôpital était d’environ 10 hectares. L’air pur et vif contribuait largement à rendre cette formation particulièrement salubre. Cet hôpital a la particularité d’être toujours en fonctionnement en 2013 ! En effet, construit par les Belges sous la direction du docteur Deltenre et remis aux autorités françaises après la guerre, il ne fut pas démantelé et est devenu un centre universitaire. L’hôpital belge fut remarquable de par son grand service de mécano-thérapie et d’électrothérapie dus à l’initiative du Médecin de Régiment Waffelaert. Devant les difficultés à se procurer dans le commerce les appareils nécessaires, cet officier du Service de Santé eut l’ingénieuse idée de les faire fabriquer par les mutilés eux-mêmes et d’après ses indications. Son œuvre a été poursuivie et complétée en ce qui concerne la mécanothérapie par le Médecin de Régiment de Marneffe et en ce qui concerne l’électrothérapie par le Médecin de Bataillon Stouffs. Autre innovation de taille : un service de gymnastique médicale qui créait ainsi une nouvelle spécialité médicale la kinésithérapie. Cette gymnastique n’était pas à l’époque enseignée chez nous. Elle fut donnée aux invalides par douze médecins gymnastes diplômées de l’Institut Central et Royal de Stockholm sous les directions successives de Miss Loveday et de Miss Alund. La section de gymnastique médicale disposait d’un pavillon bien aménagé et d’un matériel presque entièrement construit dans les ateliers de l’hôpital. 250 sujets environ passaient journellement en traitement pour 4 à 500 malades traités dans ce service au courant d’un mois, avec 5 à 6000 séances ou même d’avantage, chaque séance durant une moyenne de 20 minutes. Et pour finir par une note gaie, signalons que le docteur de Marneffe se maria avec Miss Loveday. Leur fils Robert né en 1919 devint aussi médecin et fut un chirurgien orthopédiste de renom.

L’hôpital de Mortain avait son despote

       Nous connaissons particulièrement bien la vie des hospitalisés de cet hôpital grâce au témoignage du sergent Gustave Groleau qui y fut hospitalisé. La vie monotone et triste dans cet hôpital était heureusement entrecoupée par des excursions dans une nature superbe.  L’hôpital était dirigé de main de fer par un médecin beaucoup plus militaire que thérapeute. En mars 18, cet hôpital, ancien séminaire, fut placé sous la dépendance de l’hôpital chirurgical de l’Océan et donc du docteur Depage. Ce dernier fut horrifié de son état. Les salles d’hospitalisation avaient des sols composés de paillassons et tapis que l’on avait superposés d’année en année. En ce qui concernait les égouts et l’éclairage, tout était à refaire. La stérilisation était inexistante. Dirigeait ce bel établissement un médecin de carrière qui cumulait les fonctions de directeur de l’hôpital et de commandant de place. Il exigeait que pour que la discipline de l’hôpital soit maintenue qu’il y eût au moins chaque jour cinq blessés punis ! Le docteur Depage réagit à sa manière, c’est-à-dire sans attendre les permissions officielles, pour améliorer la situation. Il avait à sa disposition à La Panne  200 prisonniers allemands. Il en choisit 80 qui étaient utilisables comme ouvriers du bâtiment et les fit transporter en une nuit par une dizaine d’ambulances à Mortain. En moins de trois semaines le séminaire de Mortain fut transformé en un véritable hôpital !

L’hôpital de  Fontgombault avait un ange gardien : Georges Bonjean

       Dans cet hôpital situé dans une ancienne abbaye racheté par la famille Bonjean, les soldats blessés furent, contrairement à Mortain très choyés. L’ouverture de l’hôpital eut lieu le 18 avril 1915, quelques jours après le départ des prisonniers allemands qui s’y trouvaient. Dans l’ancienne hôtellerie des moines, on installe les bureaux de l’hôpital et le logement des officiers ; la nef et le sanctuaire de l’église abbatiale longue de 80 mètres, servirent de dortoir pour les blessés, comme aussi les galeries du cloître ; on avait réservé la partie occidentale de la nef pour servir de réfectoire. Georges Bonjean avait destiné l’ancien réfectoire des moines, assez spacieux, à être la « salle des fêtes » des blessés.

       C’est qu’en effet Georges Bonjean qui restait sur les lieux, fut comme un père pour les blessés belges. Il était sans nouvelles de son fils soldat Louis dont il espéra vainement le retour. C’est sans doute l’immense amour filial envers son fils soldat qui rejaillit sur les soldats belges.   Pendant les quatre années que dura l’hôpital, Georges Bonjean s’ingénie à procurer des divertissements à ses « hôtes », sous forme de matinées récréatives, de concerts ; il contribue à la formation d’un orchestre militaire belge ; on y célébrait aussi des festivités religieuses ; les fêtes en l’honneur de Saint-Nicolas avaient un grand succès ; les conférences qu’on y donnait étaient très suivies ; et le 20 octobre 1918, à la veille de la fermeture effective de l’hôpital qui eut lieu le 12 décembre 1918, c’est dans cette salle, puis à la Mairie que ce firent les adieux officiels, en présence du Sous-préfet du Blanc et de beaucoup d’amis de l’hôpital. Cette fermeture qui s’imposait avec la fin de la guerre, fut très regrettée dans la région.

       Sur les 6.300 blessés soignés à l’hôpital de Fontgombault, une quarantaine ne survécut pas à leurs blessures. Le premier décès fut celui d’Albert Beckman, qui survint en mai 1915. Il suscita une vive émotion dans la région. Ses obsèques, qui eurent lieu le 24 mai, y attirèrent une affluence très touchante ; y prirent part plusieurs personnalités du département ; les habitants de Fontgombault avaient apporté de très nombreuses couronnes, et son cercueil se trouve tout fleuri et pavoisé par les drapeaux frères de Belgique et de France. On le plaça près de la porte d’entrée du cimetière communal, afin que le souvenir de ce valeureux combattant ne se perde pas.

       Aujourd’hui l’abbaye abrite à nouveau une communauté de moines et cela depuis 1948. La communauté est nombreuse et compte en son sein de très nombreuses nationalités différentes. L’abbatiale résonne des chants grégoriens mais tous les moines savent qu’il y a des années de cela, on y entendait les rires mais aussi les pleurs des soldats belges qui y séjournèrent ! 

Le dépôt de convalescent de Minihic possédait sa fidèle consolatrice

       Dès les premières heures du conflit, en août 1914, dans un même élan patriotique, les cinq fils du comte de Broqueville s’engagent dans l’armée belge, pour la durée du conflit. Robert, le second des six enfants de la famille est alors capitaine dans l’artillerie. Lors d’un voyage en Suisse en 1912, il fait la connaissance, sur les pistes de ski, de Thérèse Marie Laure Bourgeois de Jessaint, née à Paris le 10 décembre 1886. Elle se marie le 6 mai 1913 et devient alors la belle-fille du Premier ministre de Belgique. Elle conservera sa nationalité française.  Ils auront quatre enfants. Thérèse de Broqueville dès le début du conflit de 1914, s’est portée volontaire pour s’occuper des blessés, elle sera ambulancière. Ses capacités d’entreprise la porteront naturellement plus haut dans des fonctions de responsabilités. Elle administrera les centres d’accueil des convalescents dont celui du Minihic-sur-Rance, commune où l’on trouva dans les archives trace des marchés qu’elle concluait avec les commerçants locaux et des proches environs pour les achats du pain et de la viande. Domiciliée à Dinard, elle venait visiter tous les jours  les convalescents dont elle avait  la charge.  En juin 1915, il était recensé 48 militaires belges à l’hôpital complémentaire de Minihic-sur-Rance.

       À la fin de la guerre, en 1918, Thérèse de Broqueville sera récompensée des mains du Roi Albert 1er, qui lui remettra la haute distinction de Chevalier de l’Ordre de Léopold. La maladie aura raison d’elle, à Paris, le 8 novembre 1924, elle n’avait que 38 ans. Le Roi Albert 1er et son épouse manifesteront, à nouveau leur reconnaissance, ils présenteront leurs condoléances à la famille.

L’hôpital de la Charteuse à Neuville-Sous-Montreuil possédait un cimetière où 599 convalescents de la typhoïde furent ensevelis.

       Ce magnifique monastère abritait des Chartreux qui vivaient en ermite la semaine dans de petites maisons comportant trois pièces et un jardin. Les ermitages donnaient sur un couloir lequel donnait sur un vaste cloître. Cet énorme bâtiment possédait donc beaucoup d’espaces pour abriter des familles entières de réfugiés belges, un hôpital mixte (militaire et civil) spécialisé dans les soins aux convalescents de fièvre typhoïde et une importante colonie scolaire. Les civils provenaient essentiellement de la région d’Ypres tenue par les Anglais et où une importante épidémie de typhoïde régnait dans la population civile qui vivaient dans des conditions pitoyables dans les caves de leurs maisons détruites que ce soit à Ypres ou dans les villages avoisinants. Les Anglais redoutaient une propagation de l’épidémie dans les rangs des soldats, ce qui aurait été catastrophique pour la défense du saillant d’Ypres. Les civils atteints étaient soignés dans l’hôpital tenu par la comtesse van den Steen de Jehay à Poperinghe à quelques km de Ypres. Mais dès qu’ils étaient en état de voyager, on les transportait sans demander leur autorisation à l’hôpital militaire  anglais de Malassise situé à proximité de Saint-Omer pour continuer à les traiter tout en les isolant. Après cette deuxième hospitalisation, les civils jugés guéris n’étaient pas renvoyés chez eux mais devaient d’abord faire un long séjour de convalescence à l’hôpital de la Chartreuse. Le traitement de la fièvre typhoïde consistait à cette époque à bien peu de choses : l’hygiène et un régime alimentaire strict qui permettait le repos des intestins. Les malades ne pouvaient manger qu’avec une énorme parcimonie pour éviter l’ulcération et la perforation intestinale. On comprend que les patients considérés comme guéris n’avaient plus que la peau sur les os. Une longue convalescence était alors nécessaire pour reprendre du poids et des forces ! Malheureusement à l’hôpital de la Chartreuse, ces convalescents affaiblis étaient des proies idéales pour d’autres microbes comme celui de la tuberculose. C’est sans doute pourquoi la mortalité était importante dans cet hôpital. Le cimetière où fut enterré les décédés contient cinq cents nonante neuf corps !  Récemment quelques bénévoles ont réussis à retrouver tous les actes de décès de ces personnes ce qui commence à émouvoir la famille de ces décédés qui avaient perdu la trace de la sépulture de leurs aïeuls. Le cimetière des Belges n’est plus reconnaissable aujourd’hui. On en devine l’emplacement au socle de béton sur lequel reposait une croix de fonte. Le cimetière est redevenu une pâture à chevaux mais les réfugiés reposent toujours sous l’herbe. Qui sauvera ce cimetière ? On peut espérer que ce lieu redevienne ce qu’il était : un endroit où l’on entretient le souvenir des civils morts de la Grande Guerre   avec le même respect que celui que nous manifestons envers nos soldats morts pour la patrie.

       La courte évocation de ces quelques formations hospitalières est évidemment insuffisante pour nous donner une idée générale de l’ensemble des  hôpitaux militaires belges en France. Chacun avait sa spécialité, chacun avait sa réputation bonne  ou mauvaise dépendante surtout des médecins qui les commandaient. Aujourd’hui, même démantelés, ces hôpitaux belges qui parsemèrent la France laissent comme ultime preuve de leur existence leurs cimetières militaires. La base arrière de Calais d’octobre 14 au premier janvier 18 inhuma 898 militaires. Quant à la Bretagne, les tombes belges éparpillées sur tout son  territoire furent rassemblées une vaste nécropole à Sainte-Anne d’Aurey qui ne fut inaugurée qu’en 1984. Aujourd’hui en 2015, 3.784 soldats belges reposent toujours en France. Fait émouvant, la plupart de ces soldats moururent dans les hôpitaux belges de France, ce qui signifie que la plupart avaient survécu à leur longue évacuation après des soins primaires sur le font belge. Tous espérèrent revoir leur pays, tous se virent mourir loin de leur famille.

La souffrance des Belges en France occupée

       N’oublions pas pour terminer  les souffrances des Belges en France occupée. Peu de nos contemporains savent que le château de Sedan fut  transformé en un  bagne où se retrouvèrent  prisonniers des centaines de Belges. Ils périrent pour la plupart tant les conditions de vie y étaient inhumaines. L’Argonne contient aussi de multiples tombes de déportés Belges soumis au travail forcé pour construire les fortifications et tranchées allemandes à seulement quelques kilomètres de Verdun.

Conclusion

       Le centenaire de la Grande Guerre nous permet de nous souvenir des souffrances de nos ancêtres. Puisse l’amitié entre les peuples, comme celle qui régna entre France et Belgique durant cette époque tragique, continuer à croître malgré tout pour qu’un jour l’humanité puisse  vivre dans un monde où règne enfin la paix.

Sources : le lecteur trouvera aisément les sources de cette présentation historique en se référant aux liens des différents articles qui figurent sur mon site web.

 

 



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